friends with ghosts (kuro)

il lui aurait donné la lune, à cette mère qui l’a adopté sans protestation. un jour il était seul et le lendemain elle était là, à le considérer comme issu de son sang. il se disait qu’il ne la remercierait jamais assez, qu’il ne l’aimerait jamais assez, et c’est sûrement pour ça qu’il lui pardonnait tout, qu’il était incapable de déceler les blessures qui s’intensifiaient, préférait reporter la douleur et le ressentiment sur sa sœur. on a peu de souvenirs avant ses quatre ans, kuro se souvient pourtant avec vivacité de ses trois à ses huit ans, de tout l’amour qu’elle lui donnait, sans contrepartie ni restriction, à oublier presque volontairement les moments où mio cherchait shiro, parce qu’elle le traitait comme l’enfant qu’il était, ne voulait surtout pas l’inquiéter. la chute a été brutale, parce que quand shiro est revenue, rajeunie, mio lui donnait toute son attention, forcément, préoccupée par l’enfant malade comme le serait n’importe quel parent. était là pour kuro d’une main caressant son dos distraitement, les yeux fixés sur sa sœur. et pour lui plaire, pour la rendre fière, ça le dérangeait pas d’être fort, de prendre soin de shiro, de subir sa frustration et ses inquiétudes. bien sûr elle n’a jamais été violente, jamais méchante (il lui aurait pardonné), elle était seulement à fleur de peau, impatiente, irritable, et kuro s’est dit que c’était à lui qu’elle en voulait, alors il se faisait pardonner des péchés inexistants en étant toujours plus parfait, à vouloir la rendre toujours plus fière, à chercher son attention et son amour toujours un peu plus. ne voyait pas les blessures se créer, s’étendre, aveuglé par l’amour qu’il lui portait. lui cachait que ça le blessait, pas tant par choix que parce qu’il était incapable de s’affirmer, là où shiro n’avait pas peur de quémander l’attention.

ils sont un oxymore et pourtant la vie n’a de cesse de les lier. il l’aime autant qu’il la hait, shiro, parce qu’elle reste malgré tout sa sœur, même s’ils ne partagent pas le même sang. mais il y a tellement de choses qu’il aurait aimé lui dire, tellement de moments où il aurait voulu s’affirmer, sortir de l’ombre où elle l’avait relégué sans le vouloir - tellement de moments où il était ramené à sa faiblesse de petit frère mais où leur mère le pressait à ravaler sa vulnérabilité, parce qu’il n’avait plus de grande sœur, parce que le retour de shiro, rajeunie de six ans, avait complètement chamboulé la hiérarchie familiale. l’avait propulsé à la place d’aîné alors qu’il aurait tout donné pour qu’elle le reste, elle. à la place, sa mère et sa sœur l’ont obligé à grandir plus vite, à être mature, responsable, comme si quand sa sœur était revenue dans le corps d’un enfant, lui devait s’efforcer d’agir en adulte dans le corps d’un gamin de huit ans. à cacher les vulnérabilités devenues caprices, les envies et la jalousie. il y a tellement de choses qu’il aurait aimé lui cracher, parce que shiro a cristallisé tout ce que son amour l’empêchait de ressentir à l’égard de mio. il la détestait d’être malade, d’être l’enfant gâtée (préférée). d’être hors du cadre qui, lui, le rassurait. il l’a détestée d’avoir disparu (de l’avoir abandonné), parce que c’est comme si elle ne l’avait jamais vraiment fait : toujours omniprésente malgré l’absence, shiro l’a empêché de sortir de l’ombre, encore aujourd’hui attaché à cette sœur-miroir. mais shiro n’était pas là pour vivre la mort de leur mère, pour déposer des fleurs sur sa tombe, pour le soutenir quand son don a fait la révolution. elle a toujours été partout, sauf là où il faut. et malgré tout, quand il pense à elle, son cœur se serre et il donnerait tout pour la retrouver, en visions ou dans la réalité.

il l'a connue par sa sœur, nari, amie de longue date retrouvée récemment, qui a été assignée pour l'intégrer à son arrivée dans les brigades spéciales. connaissant le don de sōgaka de kuro, elle lui a demandé une faveur, celle de proposer son aide à sa sœur, elle aussi sōgaka, pour maîtriser son don. par amitié et loyauté, il a accepté et a proposé son aide à saeri, qui l'a envoyé bouler, assimilant kuro à sa sœur et l'incluant dans leurs drames familiaux. détaché et indifférent, kuro l'a laissée tranquille, considérant qu'il avait rempli la faveur en proposant ; mais saeri a finalement changé d'avis, acceptant son aide mais lui faisant promettre de ne pas mêler sa sœur, cherchant d'une certaine manière à évincer l'ombre de nari de sa relation avec kuro, à mettre son propre drapeau sur la planète kuro. il a arrêté de chercher à la comprendre, amusé par ses ambivalences et ses paradoxes, intrigué et intéressé par ce qu'elle finit par bien vouloir lui montrer, par lui révéler de sa personnalité, quand elle n'est pas occupée à lancer une pique acerbe en direction de sa sœur. mais au fur et à mesure, kuro l'a découverte, pleinement et entièrement, et en est tombé amoureux.

uc.

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