a gentle heart dances with joy (angus)

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Préface —
Elijah l'impossible, Marina l'intrépide, et entre les deux, inconfortablement sandwiché comme à l'arrière d'une voiture qui s'improvise familiale: Angus.
Ni trop doux ni trop virulent, juste assez bon élève pour pas se faire souffler dans les plumes, juste assez drôle pour pas qu'on l'embête à l'école mais pas assez cool pour faire partie des populaires. Angus est moyen en tout, de sa taille à son charisme, de l'enfance à l'adolescence; ni l'enfance qu'on félicite ni celui qu'on réprimande, et n'a aucune magie pour couronner le tout. alors pendant qu'on s'occupe de ses frère et sœur, il se glue à la télé, développe une passion pour les jeux télévisés et les films en tout genre.
Une entrée de son journal intime va comme suit:
"Je veut être acteur dans des film de noël."
Les fautes d'orthographe mises à part, il se tient à ce rêve pour quelques années, désireux d'avoir un talent pour changer de peau à défaut de pouvoir manier la magie.

Cœur —
Riko est arrivée dans sa vie comme un cheveu sur la soupe - littéralement. Angus était serveur dans un restaurant de soupe qui appartenait à des amis de ses parents. Le cheveu n'était pas le sien, mais il s'était occupé de renvoyer le plat en cuisine et d'échanger quelques plaisanteries avec la cliente pour dédramatiser la situation. Quand elle est partie, Angus a retrouvé un numéro de téléphone timidement griffonné sur un vieux post-it dégueulasse probablement retrouvé au fond d'un sac à la va-vite.
Le soir-même, il s'empressait de le mettre en lieu sûr, là où il était sûr que sa mère ne le prendrait pas pour un déchet avant de le jeter à la poubelle. S'il avait su que la clé de son avenir était là, notée entre la poêlée de brocolis et la pâté pour chat, il n'y aurait pas cru.

Riko étudiait à l'Université d'Auckland pour l'année, et n'en est jamais repartie. Elle était la douceur à laquelle il n'avait jamais eu droit avant, le souffle d'air frais qu'il avait rêvé de s'autoriser jusque là. Elle était plus drôle que tous les comédiens dont on lui ventait les mérites, plus belle que toutes les personnes que les médias lui demandaient d'adorer, et quelque part il avait envie de la croire quand elle disait la même chose de lui.
Ils sont rentrés chez elle, au Brésil, l'année où ils sont devenus un couple. Il était évident que l'association de leurs deux caractères ferait vite des chocapics, et Angus ne voulait pas s'engager pour une vie ensemble sans connaître sa famille au préalable. Alors il s'est présenté, les mains moites et la gorge sèche; a fait de son mieux pour apprendre par cœur avec un accent terrible à le faire en portugais et en japonais pour peut-être marquer des points en plus. Mais de son apparence à son mode de vie, rien ne convenait à la famille de Riko. Ils rêvaient pour elle d'un avocat ou un médecin, le genre de cliché qu'il ne pensait vrai que dans les mauvaises séries qui passent à la télé (pas celles dans lesquelles il voulait jouer, les autres), mais Angus vivait chaque mois après l'autre, enchaînait les petits boulots, préférait l'impression de liberté même limitée que ça lui donnait plutôt que de s'enchaîner à un job qui ne lui correspondait de toute façon pas. Il était doux, n'avait pas grand chose à redire à propos de la plupart des sujets, et s'il était engagé socialement et sûr de ses valeurs, le reste avait tendance à lui passer au-dessus.
Il était clair que la famille de Riko ne l'acceptait pas, et ne l'accepterait jamais.
Alors il a fait ce qui semblait le plus logique: il a demandé Riko en mariage, ils ont acheté leurs tenues d'occasion et ont fait le genre de photos de mariage qu'on fait quand on a dix-huit ans, qu'on est amoureux, stupide et rebelle: le cul en l'air, les majeurs levés, les grimaces sorties, la totale. Ils étaient idiots, mais heureux. C'était tout ce qui comptait.

Quand bien même la séparation était inévitable, elle piquait le fond de la gorge d'Angus. Il aurait aimé pouvoir en vouloir à sa future-ex-épouse, mais c'était plus fort que lui. Il aurait préféré qu'elle le trompe ou le menace, qu'elle soit une personne horrible mais elle était toujours elle, la grâce d'un ange et la sincérité au bout des lèvres. Il n'y avait rien à regretter de leur relation, mais comme le temps fait oublier les visages de ceux parti trop tôt, il efface parfois les sentiments, et ce qui avait été un amour passionnel n'était plus qu'une cordiale tolérance. Il faut dire que le mode de vie d'Angus était probablement plus charmant à 20 ans qu'à 40, et il ne pouvait pas lui en vouloir d'avoir besoin de plus, de mériter plus. Alors il a fait ce que les horribles livres de développement personnel qu'elle lui offrait parfois à noël lui conseillaient de faire: il l'a laissé partir.
Sa manière de faire le deuil d'une relation dont il ne se remettrait peut-être jamais a été d'en parler le moins possible, mais c'est compliqué quand on est sans cesse comparé aux autres membres de sa famille, ceux plus talentueux et qui réussissent mieux selon des critères posés par on-ne-sait-qui on-ne-sait-où. Las des commentaires méchants et méprisants, Angus a annoncé qu'il partait, loin, devenir l'acteur qu'il avait toujours rêvé d'être. Et alors là, ils verraient, tous, qui est vraiment le loser de la famille. Il ne serait plus celui qu'on utilise en menace envers les enfants, pour leur dire de travailler mieux s'ils ne veulent pas finir comme ça. Il ne serait plus la raillerie de la famille.
Il avait prévu de claquer la porte, et peut-être changer de ville, persuadé que ça suffirait à faire croire à ses histoires. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est l'air satisfait de son frère qui propose de le conduire lui-même à l'aéroport, et qu'ils y retrouvent le reste de leur famille, parce que ce serait bête de ne pas se dire au revoir et partir fâchés.
Alors Angus s'est retrouvé dos au mur, deux valises empaquetées à la va-vite la veille au soir vissées au bout des bras, forcé de partir vers l'ailleurs. Forcé de partir en avion. L'avion qui lui fait peur. L'avion qui le terrifie plus que tout au monde.

De toute façon trop pauvre pour se permettre un billet vers les Etats-Unis, Angus prit le premier avion au départ pour le Japon, désireux de faire le trajet le plus court possible.

trivia

anecdote 1 — angus possède bon nombre de plantes à qui il donne systématiquement un nom, qu'il écrit sur un petit papier avant de le coller sur le pot. adorable en apparence, c'est un peu moins mignon quand on le retrouve à 2h du matin à enlacer sa pothos parce qu'il lui avait donné le nom de son ex et qu'elle lui manque quand l'alcool remonte.
anecdote 2 — le marché du dimanche matin, c'est sacré. comme une petite vieille, angus part avec son chariot et s'il n'achète pas suffisamment pour le remplir, il passe des heures à discuter de la pluie et du beau temps avec les vendeurs, de leur famille, des commérages. "à ce propos, vous saviez que le petit jeune qui habite à l'angle là-bas il a été mis dehors par sa femme? un vrai salaud à ce qu'il paraît. si, j'vous jure, j'ai entendu en parler à l'étale des poissons!"
anecdote 3 — il garde toutes ses plus fameuses phrases d'accroche consignées dans un carnet, honteusement caché chez lui. déjà parce qu'après quelques années c'est marrant à relire, et ensuite parce qu'après avoir assisté à ses tentatives désastreuses, ses ami.e.s l'y ont forcé pour qu'il se rende compte d'à quel point oui, il a besoin d'aide et non, il n'a aucun game.
anecdote 4 — avant d'occuper son poste actuel, quand il vivait encore en nouvelle-zélande, angus vivait un peu au jour le jour. tantôt saisonnier chez les producteurs de fruits du pays, tantôt vendeur, tantôt animateur en maison de retraite, il en a vu des vertes et des pas mûres. il a même brièvement présenté la météo sur une petite chaîne de télévision régionale, mais elle a cessé toute diffusion le mois d'après. aucun rapport avec son apparition, si vous voulez son avis: il crevait l'écran.
anecdote 5 — il est allergique aux crevettes. déjà qu'il supportait mal le fait de les voir dans son assiette et cachait toujours leurs yeux avec un morceau de laitue sans quoi il se sentait épié, il a découvert pendant l'adolescence que s'il en mange, il gonfle comme un ballon et doit être conduit d'urgence à l'hôpital.
anecdote 6 — angus a un côté qu'on lui connaît moins; plus posé, sérieux, analytique. il sait sentir les changements d'humeurs des gens, s'adapte en fonction. l'angus drôle et agité fait place à un plus sensible, plus doux. toujours à l'écoute. il n'est pas toujours sûr de ses mots, mais de son ouïe, si. alors il est là et il écoute, toujours, immuable.
anecdote 7 — il est de ces gens qui, s'il vous a un jour porté dans son cœur, ne pourra pas en retirer votre nom. oh bien sûr il pourra ressentir de la rancœur, des regrets, de la colère, mais il restera toujours quelque part un petit angus qui aura une pensée tendre pour tous ceux qu'il a aimé. angus oublie ce qu'il a mangé hier, pas ceux qu'il a aimé. jamais.
anecdote 8 — son animal préféré est le wombat. faites de cette information ce que vous voudrez.
anecdote 9 — il critique souvent son job et ses conditions de travail, mais en secret, angus l'apprécie plutôt. il aime se déguiser, il aime pouvoir prendre un accent qui change entre le service du midi et du soir, il aime les petits spectacles de combat que lui et les autres serveurs improvisent pendant les repas des clients. c'est un job qui, aussi surprenant qu'il puisse être, lui correspond assez bien - mais il ne saurait dire si c'est parce qu'il aime jouer un rôle ou juste ne pas avoir à être lui-même.
anecdote 10 — il est ambidextre. ça n'apporte vraiment rien à sa vie, mais c'est comme ça qu'il a eu son premier copain, au collège. c'était la classe à l'époque de pouvoir écrire sur son sac à dos des deux mains... la bonne époque.