Red moon — Miling

( August 2023, 5am · )

If you are a monster, then what am I?
La nuit sonne fausse, différente. L’air est presque invivable et elle n’arrive pas à respirer, ce soir. Ses nerfs se tendent, ses os craquent et ses larmes s’échappent de ses yeux comme la toute première fois, comme sa première transformation. Lorsque tout a commencé. Quand tout est devenu un cauchemar sans fin, sans but, un secret gardé dans sa poitrine qui pèse comme le monde qu’Atlas doit porter. Car a ses propres yeux, elle n’est plus qu’un monstre, une bête, ceux que l’on vient craindre lorsque la pleine nuit éclaire les horizons et que les chants qui retournent les entrailles, résonnent dans les vallées. Elle en a toujours eu peur, petite, elle se rappelle encore des histoires que sa mère racontait à leurs propos. Et maintenant, quand elle se regarde dans le miroir, elle ne voit que le reflet de ses propres peurs. Un long se dessine, qui a son regard, la couleur de ses yeux. C’est elle, Qing. Maudite et repoussante, car personne dans ce monde n’aimerait aimer un monstre comme elle — pourtant elle a essayé de se convaincre du contraire. En vain.

Son corps roule dans la terre, dans la poussière et de ses lèvres n’échappent que des gémissements de douleur, la peau encore tremblante et ses vêtements qui couvrent à moitié du corps. Elle n’a aucune idée de ce qu’il s’est passé. Si c’est à cause des expériences de Robin ou de son manque d’experience dans la peau de cette bête. Cette nuit. Rien ne s’est passé comme prévu. Et elle ne veut pas rentrer au risque de croiser son père ou sa mère, pas cette fois. Elle n’a pas l’énergie pour grimper jusqu’à la fenêtre de sa chambre, elle n’a plus rien, à peine de quoi transplaner jusqu’à une porte qu’elle ne reconnaît pas tout de suite. Sa tête se pose contre elle alors que sa main, douloureuse, s’échoue plusieurs fois contre le bois. Elle aimerait qu’Iseul ouvre la porte. Non. Ça c’est ce que son esprit voudrait. Mais son cœur, son coeur répète un seul nom alors que ses genoux faiblissent à vue d’œil. Milo…

( August 2023, 5am · )

If you are a monster, then what am I?
Milo n'a pas peur du grand méchant loup. Les histoires enfantines de la bête venant dévorer les enfants ne l'avaient jamais inquiété outre mesure, encore moins lorsqu'il était devenue poupée parfaite à la peau certainement imperméable de toute malédiction (son père avait conçu la sienne, certainement que le factice de sa chair ne laisserait jamais la pleine lune percer ses entrailles). Il ne s'était jamais attendu à rencontrer la bête sur le pas de sa porte. Et pourtant, il savait, Milo, qui il tenait dans ses bras. Qui il embrassait contre les cris de ses pairs, de sa famille, de celle de sa belle. Il tenait la louve contre sa poitrine en espérant sentir son coeur battre comme s'il était sien. Il serrait son corps contre le sien parce qu'elle vivait de tous ces cris qu'elle relâchait à la lumière blanche de la nuit. Il l'avait vu. Avait caressé les traces sur ses hanches et lui avait dit, tiens, observe comme nous nous complétons. Car si tu t'époumones en louanges de celle qui te gouverne, avant de la haïr une fois réveillée, moi, je me pâmes de splendeurs sous le regard approbateur d'un géniteur qui ne voit en moi que l'une de ses créations. Qu'une belle poupée de collection. Aucun de ces deux enfants n'apprécie le sort qui lui a été écrit.

Ca cogne contre la porte. Ca réveille l'homme qui grogne en entrouvrant les yeux, et lorsque les pieds retrouvent le sol, les jointures claquent du réveil prématuré. Regard hasardeux vers la porte de sa chambre, comme s'il attendait de voir s'il avait halluciné le bruit, c'est une parole qui a du mal à l'atteindre qui lui parvient. Et alors, il se redresse pour de bon, sort jusqu'à l'entrée de son appartement et ouvre, tout prêt à grogner, à faire part de son mécontentement. Sous ses yeux, Qing roule sur le sol et  les insultes meurent dans le fond de sa gorge lorsque ses doigts viennent retrouver l'albatre de sa peau. Vérifier qu'elle vit. La paume s'échoue contre sa poitrine, sous son nez. Elle respire. Le palpitant faible est toujours là, à un rythme régulier. Il la prend dans ses bras comme si elle ne pesait rien et la remène chez lui, dans sa chambre, la dépose dans ses draps sans se soucier du fait qu'elle les salira et dépose un baiser sur son front en observant la terre s'accrocher aux coins de son visage. Il ne l'avait jamais vue si peu maîtresse d'elle-même. Et c'était chez lui qu'elle avait décidé de s'échouer malgré tout. « I'll be right back. » Qu'il murmure contre sa chevelure avant de s'enfuir pour revenir quelques secondes plus tard avec un gant et une trousse de soins au cas où. Il lui tend un verre, la redresse contre le mur et remonte la couverture sur ses genoux dénudés avant de commencer à glisser le tissu humide contre sa peau. « Drink this. You need some painkiller ? » Qu'il demande, le regard dérivant vers les premières lueurs du jour au travers de ses rideaux. La traitresse s'éclipse et laisse derrière elle un enfant écorché. « Wanna tell me what happened ? » Douceur dans ses gestes, pour une fois, lorsque les doigts s'effritent contre les mèches de cheveux de la louve.

( August 2023, 5am · )

If you are a monster, then what am I?
Sous les rayons de la lune, elle se découvre, dévoile un visage que Milo n’avait encore là, jamais pu voir. Celle de la faiblesse, la vraie, pas celle de la colère ou de la frustration. Non. Dans son regard, il y a le vide, un trou noir qui attire, dans lequel on s’enfonce sans parvenir à s’en échapper. C’est comme nager dans du goudron, tout est trop lourd, ses membres, ses muscles, son esprit qui plonge si loin dans les abysses qu’elle ne sait pas si elle pourra revoir les rayons du soleil. Pourtant elle croit devenir aveugle quand une lumière vive rattrape son corps en péril. Ce n’est pas l’astre brulant, ni même la lune, non. C’est une étoile, une comète qui implose, dans laquelle elle plonge sans hésiter, parce qu’elle porte son odeur, se maquille de son visage, de ses traits. De Milo, parce qu’il n’y a que lui dans cet univers, qui peut la sauver des tourments de la pleine lune.

Son corps suit la danse de son partenaire, accroché à lui comme à la plus précieuse des pierres. Elle laisse échapper un léger gémissement de douleur quand sa peau rencontre les draps, quand sa musculature se tort de courbatures malgré leur douceur. Elle laisse un soupire glisser sur le dessus de ses lèvres. Son corps se laisse faire comme une poupée que l’on manipule si facilement, pourtant ce n’est pas son genre, ô nymphe sauvage qui ne cesse de crier aux caprices. Milo… ? Ses paupières s’ouvrent légèrement au contact du tissu mouillé, à l’eau qui s’approche de ses lèvres, qui s’infiltre, avalant sans grogner. It’s really you… Comme surprise d’avoir pu trouver le bon chemin, la bonne personne, dans ce flou total, alors que le soleil se lève lentement. I just need you. Ses yeux se dévoilent un peu plus alors que sa main gauche s’accroche à son poignet, sans violence, que douceur, ses doigts y tracent des ronds comme pour se rassurer qu’il est bien présent. You know it, right… ? You know what i am.. You saw my scar, and tonight was the fullmoon. Elle grimace alors qu’elle se redresse un peu plus franchement, mordant sa lèvre inférieur. You’re not the monster between us. I am. And i don’t know how you can look at me without being scared… Parce qu’à ses yeux, ce n’est pas possible. Car si ses proches savaient, elle finirait surement blâmer, honteuse, pointée du doigt sous la douceur des accusations, des mots difficiles à avaler. Alors pourquoi ne dit-il rien ? Pourquoi semble t-il l’accepter comme si elle était normale ? Pourquoi lui, et pas quelqu’un d’autre ?

( August 2023, 5am · )

If you are a monster, then what am I?
C'est l'inconscient de la belle qui l'a guidée jusqu'à sa porte. C'est son instinct de survie, son besoin de sécurité. C'est cette voix qui lui criait qu'elle ne trouverait jamais confort autre part qu'entre les bras de Milo. Car jamais personne ne comprendrait ses douleurs comme lui. Car jamais personne serait si peu effrayé de la trouver toutes dents dehors sur le pas de sa porte. (Car il serait le seul à venir la serrer contre lui, énorme bête prête à le dévorer, à lui tailler les entrailles, en la remerciant d'avoir voulu le voir.) Mais Milo n'en dirait jamais rien. Garde les doigts doux et légers mais le venin au bord des lèvres, si jamais il en revenait d'avouer quelques sentiments qu'il n'était pas prêt à trahir. Parce que Milo a le cœur dur des poupées qui ne se laissent qu'à moitié apprivoiser (qui se rechignent de sentiments quand elles sont persuadées en pas en avoir).

Les doigts de la belle s'apposent contre sa peau et lui, il sourit tout doucement. Un peu tendrement. Ca semble étriqué, comme s'il cherchait de sortir de sa propre peau. Il la laisse faire. Hausse un peu les sourcils et acquiesce. « And I'm here. » Comme un aveu. Comme quelqu'un qui ne lâcherait plus jamais la paume qu'il tient, là, entre ses doigts. Parce que l'intensité avec laquelle il se préoccupe d'elle est trop forte et ça menace de dévaler la langue. Il la regarde se redresser avec la fascination que la lune a de voir les loups l'écouter. Il attrape les doigts de la louve en fronçant les sourcils de colère. Il s'exclamerait ! Si le temps y était. Si le soleil n'était pas encore si timide derrière sa couverture. Mais il fait encore presque nuit et Milo ne brisera pas cette clameur. Il ne trahira pas le calme que Qing vient chercher entre ses bras. « I'm not scared. » Qu'il lui dit d'un murmure brusque. Presque froid mais en réalité empli de chaleur. Franc. Parce qu'il ne dit rien que la vérité. « No one can hurt me anymore. » Il dégage une mèche de cheveux du visage de Qing et regarde ses yeux se dévoiler. « Sometimes, humans are the real monsters, don't you think ? » Car peut-être qu'ils étaient tous les deux des monstres au sens littéral du terme, mais jamais ils ne viendraient haïr qui que ce soit autant que les sorciers pourraient le faire.