les déferlantes (saeuha)

( 22.09.23 · outfit )

les déferlantes
Et en même temps que l’île assiste aux déferlantes, lui se confronte à son impuissance, un peu plus chaque jour. À tenir la main de Kazuha sans savoir comment l’aider, lui et son peuple, à assister avec faiblesse à la montée d’appréhensions muées en racisme, aux doigts pointés dans une direction tout aussi incertaine que le reste. Personne ne sait rien, doit se contenter de conjectures déroutantes quoique sécurisantes, mais il y a trop de mains tendues dans la direction des ryūs. Et Saebyeog voit bien que sa moitié est ailleurs, un peu plus chaque jour, que Kazuha se bat contre des fantômes, des anonymes tout juste capables d’aligner deux phrases remplies de haine sur le blog d’un journal qui ne fait que tenter d’informer. My love? Mais Kazuha, assis dans le canapé de l’autre côté de la pièce, ne lève pas la tête, plongé dans sa lecture, sans que Saebyeog ne parvienne à distinguer s’il tient un livre ou bien son téléphone entre les mains. Des semaines, voire des mois, que son attention se perd par moments, révèle ses propres tempêtes au creux du cœur, et Saebyeog ne peut que se glisser à ses côtés pour lui apporter un réconfort peut-être insuffisant, les doigts qui se perdent dans ses mèches, sur sa nuque, caressant sa peau. What do you say about a little walk? Il est trop tôt pour que le couvre-feu leur impose son implacable présence, que les températures donnent envie de s’enfouir sous un plaid, et le soleil qui se faufile à travers les vitres semble même les appeler à le rejoindre.
Saebyeog attend son approbation d’un sourire et d’un baiser déposé sur ses lèvres, ravi qu’ils aillent prendre l’air (qu'ils se changent les idées, remplacent les commentaires angoissés par des couleurs d’automne réconfortantes). Lui prend le bras sitôt l’appartement quitté, déambulant dans les rues de Wakoku dans le calme et dans la paix, ponctuant leur balade de questions en tous genres - malheureusement, le quotidien n’est jamais bien loin, incarné dans les regards qui se tournent parfois vers eux, cherchant dans les yeux vairons de Kazuha une menace inexistante, la moindre occasion de faire exploser leurs angoisses.

( 22.09.23 · outfit )

les déferlantes
Peut-être que Kazuha ne devrait pas donner autant d'importance qu'il le fait à ceux qui ne le méritent pas. A ces inconnus qui, dans ses mentions, s'en prennent allègrement à un innocent. A ceux qui, à cause de sa nature, pensent qu'il est tout à fait logique de rejeter des fautes qui ne sont pas siennes sur son dos. Et chaque jour qui passe, la pression augmente. Chaque heure tournant, Kazuha a l'impression d'être impuissant face à une situation qui le dépasse. Pourtant, il essaie. Fait tout pour se sortir de ce cercle vicieux. S'accroche à quelques résidus du courage qui l'anime pourtant souvent (qui s'effrite au rythme des vagues violentes). La voix de Saebyeog, rocher parmi les tourments, ne lui parvient pas de suite. Sourcils froncés, concentré sur sa lecture des nouvelles d'un journal. Ses doigts contre sa peau, pourtant, détachent toute précédente concentration, alors que le regard papillonne jusqu'à son visage. Les doigts s'enlacent par réflexe. Le sourire doux, quoique fatigué, se dessine sur son visage. Recueil trouvé dans son appartement mais plus principalement dans son cœur, il se rapproche par réflexe vers la présence chaleureuse de son petit ami, venant enfouir son nez contre sa peau, un autre baiser déposé sur sa joue. « You're right. I surely need it. » Qu'il souffle contre lui. Et il se laisse porter par les douceurs de son amants. Parce qu'entre ses bras, rien ne l'atteint. Parce qu'entre quelques feuilles oranges et rayons de soleil d'après-midi, Kazuha ignore superbement les regards tournés vers les dorures de son regard. Et alors, tout semble plus léger. Les rires, les réponses aux questions, les confessions glissées avec naturel. Ca le transporte. Ca l'apaise dans un cœur meurtri par ses origines pour la première fois depuis trop longtemps. Mais la violence revient au grand galop. Les mots heurtent là où il ne faut pas, dans cette sérénité fragile. Et les yeux de Kazuha trouvent aussitôt la profondeur normale de ceux d'un simple habitant de l'île. Ricanement mauvais, l'homme qui leur fait face semble s'amuser des dorures de son regard. Il s'accroche à Saebyeog, se lie à la réalité par leurs mains retrouvées. « I knew it was you. You're the one writing about all these silly things about ryuketsukis, right ? Disgusting. You're one of them, even. You should die just as the people you killed. » Ca le tend. Et il aurait envie de l'ignorer. De tourner le regard comme il était habitué à faire, passer son chemin. Mais l'homme réalise ses manœuvres, son envie de le contourner, se met devant lui et le regard est menaçant. Violent. Et Kazuha monte, monte. Sent la colère poindre dans son regard, dans ses mains brûlantes, dans sa voix qui porte soudainement plus. Comme un ultrason. « You should learn to shut your mouth. » Kazuha ne s'énerve jamais. Ne hausse pas le ton. Ne vibre pas de toute cette magie débordante, d'habitude. Mais les membres tremblent et la poussière s'agglutine à sa peau.

( 22.09.23 · outfit )

les déferlantes
Et là, en pleine rue, Saebyeog se retrouve aussi impuissant qu’avant. Il était parvenu à leur faire quitter, au moins pour un instant, la normalité des événements. Mais la balade amène son propre lot de confrontations et il ne peut pas faire disparaître les regards, les messes basses, comme il était bien incapable d’éteindre la haine placardée dans les journaux les plus récents. Forcé à la condition de spectateur désarmé, il les défendait comme il pouvait, mais ça ne suffisait jamais. Les conflits ne crient jamais gare, les œillades se remarquent quand elles deviennent oppressantes, les murmures prennent trop brusquement des airs de hurlements assourdissants. Et subir n’est pas une option. Bloqués par une silhouette qui s’impose, Saebyeog s’apprête à le contourner, mais se retrouve forcé à s’arrêter. I knew it was you. You're the one writing about all these silly things about ryuketsukis, right? Disgusting. You're one of them, even. You should die just as the people you killed. D’abord, il y a la surprise ; celle de découvrir l’audace d’exprimer de telles pensées à voix haute, en public, de ne pas vouloir croire possible autant d’assurance pour autant d’acharnement. Vient la colère, qu'il ressent aussi dans l’étreinte de leurs mains enlacées, dans cette force qui lui fait froncer les sourcils, les yeux relevés vers Kazuha, dont le visage est cadenassé, dépourvu de toute surprise mais pleinement marqué d’animosité. Et avant qu’il puisse intervenir, Kazuha s’en est chargé, la voix sombre et menaçante. You should learn to shut your mouth. Tout montre l’arrivée de la tempête, mais eux ne la remarquent pas, seulement préoccupés par cet inconnu qui se dresse devant eux, ce mur-haine qui les force à le confronter. Et Saebyeog ne reconnaît rien dans les yeux de son amant, voit pour la première fois une telle quantité de colère, le corps tout entier qui sent la poussière s’accumuler autour d’eux (autour de lui). Oh yeah and what if I don’t? What are you gonna do, monster? You think I’m afraid of you?
Au départ, la sensation est à peine perceptible, masquée par le vrombissement de la colère qui électrise l’atmosphère, puise dans ses capacités magiques sans le révéler. Saebyeog s’interpose à moitié, les doigts qui effleurent ceux de Kazuha dans une maigre tentative de le calmer, espérant que son intervention suffira à tout arrêter. You should be ashamed of yourself for saying such things. Leave us- mais il n’a pas le temps de terminer sa phrase que la tempête arrive. Elle a la forme d’un halo qu’il n’aurait jamais cru voir tournoyer autour de Kazuha, d'une menace de l’orage prêt à s’abattre sur l’inconnu, qui fait un pas de recul, surpris de cette manifestation de magie qui semble s’extirper du ryū, sous l’incompréhension de Saebyeog. Kazu..? I was right, you’re a f*cking monster! hurle-t-il en s’éloignant, vidé de sa menace, plutôt désormais menacé par la poussière invoquée par Kazuha. Sauf qu’il ne devrait pas, pouvoir utiliser autant de magie, la poussière ne devrait faire que s’en éloigner, pas s’y accrocher. Mais au moment où Saebyeog le comprend, sans saisir toute la situation, il leur faut déjà payer le prix de cette transaction. Mutilé de capacités magiques offertes à l’âme sœur, le rōnin se rebelle et exécute le revers de la malédiction. Et lorsque Saebyeog s’effondre au sol, pris de convulsions, et que sa main glisse de la sienne pour s’écraser au sol, la tempête retombe comme si elle n’était jamais arrivée, la magie disparue comme si elle n’avait jamais existé. Pleinement transférée dans le corps de Kazuha, même s’ils ne le sauront pas.