Take me back in time — Esraa

変身者 (henshinsha)

Mai 1938, Djouba

Procès d'une sorcière.
8 mai 1938, Roaa Mading est accusée de sorcellerie suite à la découverte de ses pratiques peu communes. On l'accuse de de pouvoir changer de visage comme de corps, de se jouer des autres, et d'en profiter. Egalement, pratiques des potions non autorisées par l'Eglise, de magie blanche et noire. Dans les rues, l'injustice est criée mais les anglais, colonisateurs, font rapidement taire les protestants qui voudraient défendre la jeune femme. Dans leur propre pays, ont leur a retiré leur droit de s'exprimer, de pratiquer leurs coutumes, culture volée par la cupidité des hommes blancs.

10 mai 1938, Roaa est condamnée à mort. Elle sera brûlée vive sur la place de la capitale, sous les yeux de tous. Servant de leçon à ceux qui voudraient exercer la magie ou quelconque pratique non autorisée. Sa famille est traquée, eux aussi sont accusés de sorcellerie. Si ses parents finissent emprisonnés, son mari, ainsi que leurs deux jeunes enfants, parviennent à s'échapper du pays. Malgré les tensions dans le monde à cette période, ils réussissent à monter dans un bateau en direction de l'Australie, les coeurs déchirés et le sentiment d'horreur dans leurs gorges.

12 mai 1938, Roaa est brûlée vive, créant des émeutes dans les rues de la capitale Sud Soudanaise. Guerre civile étouffée, les punitions sont sévères envers ceux qui voudraient s'élever contre l'Eglise et le gouvernement anglais. Les parents de la jeune femme sont condamnés à la pendaison, quelques jours plus tard.

Le don d'henshinsha saute plusieurs génération jusqu'à la naissance d'Esraa. Rapidement, son grand père à l'impression de voir dans son regard, la même flamme qui animait les yeux de sa mère. En grandissant, ses traits murissent, et ses pouvoirs se développent. Elle est comme un miroir face au vieux portrait de Roaa, accroché dans la vieille maison de l'homme qui lui a raconté, encore et encore, les histoires que sa mère lui avait elle même contée autrefois. Elles se ressemblent comme deux goutes d'eau, et pourtant tout sépare les deux âmes. Esraa est Esraa. Roaa est un souvenir du passé, accroché à elle, à son ombre, qui ne cessera jamais de la suivre. Murmures dans la nuit, elle a souvent l'impression de voir son fantôme quand elle fait face à la glace qui reflette son visage.

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18 mars 2006.

— Esraa, d’you need anything?

L’accent australien de sa mère se confondait avec les conversations japonaises, qui s'élevaient autour d’elles, au cœur du marché de l’immense ville. Les yeux de la jeune adolescente brillaient à chaque fois qu’ils se posaient sur les étalages, des livres aux couvertures sublimes, des bijoux à en briller dans la nuit, de vieux vinyles lui rappelant ceux que les intouchés affectionnaient particulièrement.

— Hm, don’t think so… Unless you think this vinyl is a need…

Ses doigts glissaient le long de la pochette, retraçant les lettres du groupe, Depeche Mode. Elle n’avait pas besoin de croiser les yeux de sa mère pour savoir qu’ils étaient déjà plissés, d’un sourire affiché sur son visage, rapidement rejoint par l’aura chaleureuse de son père, un bras entourant les épaules de sa fille, encore frêle, au caractère de feu, qui pourrait s’opposer à toutes les autorités.

— You have some good taste, young girl.

Il avait la voix bien plus grave que celle de sa mère, un peu plus sèche, pourtant l’amour ne manquait jamais, encore moins quand il s’agissait de sa fille, l’unique, un trésor que le couple a toujours su affectionner, car elle est arrivée quand on ne l'espérait plus.

Le bruit assourdissant de l'île n’était qu’une douce mélodie à ses oreilles, habituée, elle se nourrissait des visages qu’elle croisait, des mots qu’elle tentait de comprendre, parfois d’un japonais trop ancien pour en discerner leur signification. Gamine à peine éveillée de son adolescence, n’avait encore connu aucun malheur, aucune douleur, l'innocence de son existence était quelque chose de bien précieux, à protéger, aux yeux de sa famille. Un nom qui, à leurs yeux, ne sombrerait jamais dans l’oubli.

L'écho de ce jour résonne encore dans sa poitrine. Le vinyle pressé contre sa poitrine, un bras autour de celui de son père, la tête appuyée contre ce dernier. Elle écoutait toujours les paroles de sa mère, des mots envolés dans l’air, des suggestions de repas pour les prochains jours, leur emploi du temps rempli et les cours d’Esraa qui se mélangeaient à ce train de vie.

Non, rien d’horrible n’aurait pu se passer.
Rien n’aurait dû arriver.

Dans ses cauchemars, elle revoit le sol se craqueler sous ses pieds, la terre trembler alors qu’elle agrippait fermement la main de son père qui refermait ses bras autour d’elle et de sa femme.

— Stay with me!

Les mots graves, le ton en alerte alors qu’il tentait de les garder en sécurité. Sous ses pieds, la roche devenait fébrile, et les cris faisaient frissonner les cœurs, les poitrines autour d’eux, les étalages s’écroulaient au rythme des tremblements. D’un geste assez fort, il poussa Esraa le plus loin possible afin de la mettre, en sécurité.

— Run Esraa, Run !
— No, not without you and mom! Les larmes étaient des rivières à ses joues, elle ne sentait plus son coeur battre, persuadée d’être déjà de l’autre côté, ou bien, dans les entrailles de cette terre aux horizons inconnus. Un bras tendu vers eux, alors que ses genoux s’écrasaient sans douceur sur le sol. — Please, please come! Mom! Dad!

Et dans leurs yeux, il n'existait plus que la panique, la peur, la résignation alors que l’air devenait puissant, violent, des lueurs aveuglantes jaillissaient du flux qui divisait la terre en morceaux. Le sol se dérobait encore et encore, dès qu’ils tentaient de faire un pas vers elle. Ils étaient condamnés, et peut-être qu’ils l’avaient compris quand ils avaient hurlé à Esraa de fuir. La lumière était intense, forte, jusqu’à ce qu’elle inonde un monde entier, une sphère autour de la terre divisées. La poussière étouffait les gorges, irritait ses yeux autant que ses larmes. En une fraction de seconde, le silence était devenu assourdissant. Violent, pesant dans les estomacs. L’océan de fumée s’estompait, petit à petit, laissant d’autres visages apparaître, terrifiés, paniqués. Les mains tremblantes, elle peinait à trouver la force de se relever, secouée que tout soit arrivé si vite, et que sous ses yeux, n’existait plus que la solitude.

— Mom…? Dad? Elle avançait, prudente, s’approchant de la terre déchirées, se penchant pour en voir ses entrailles. Mais il n’y avait rien, ni personne. Tout était vide. L’univers, son univers, était soudainement vide, et son battant hurlait, hurlait à la mort, quand de ses lèvres, elle était incapable de laisser la voix transpercer les cieux, pour que les dieux soient témoins de sa douleur.

Ils n'étaient plus là.
Ils ne seront plus jamais là.

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2023

Les doigts crispés contre les draps humides, Esraa ouvre de nouveau les yeux, rapidement, se redressant alors qu’une main se porte à son coeur. Il bat fort, et vite. Elle est vivante, elle est bien réelle. Ce n’était pas qu’un simple cauchemar, c’était un souvenir, le plus douloureux, le plus difficile à affronter. Un soupire s’échappa de ses lèvres alors que ses pieds retrouvèrent le froid du sol, le corps qui se déhanche de fatigue jusque dans la cuisine où elle attrape un verre au passage, sale, Hajime a probablement oublié de le laver, ou l’a juste laissé ici exprès pour déranger les habitudes de la jeune femme.

— Bad dream ?

Elle ne fut pas surprise, alors que la voix de Kayn s’éleva dans son dos.

— Always the same.

L’eau s’écoula dans le fond du verre avant qu’elle ne le porte rapidement à ses lèvres, avalant sa tristesse, son incompréhension, et ses émotions cul sec, les yeux fermés pour ne pas affronter son regard, la nuit, ou bien les fantômes qui ne cessent de graviter autour d’elle.

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Ces gamins avaient tous la même gueule, le même air sur ces visages habités par la tristesse. Esraa n'était pas la seule qu'on avait envoyé dans l'orphelinat après la catastrophe qui avait touché l'île. Comme eux, elle n'avait pas beaucoup d'affaires en arrivant, on lui avait donné une chambre, à partager avec d'autres, un vieux placard, à partager également. Un vieux vinyle de Depeche mode trouvé dans les rues de Meiwa, ce jour là, les cartes de sa mère, deux trois livres que son père aimait lire, les pages cornées à force d'être tournées. Quand elle, ne pourra jamais tourner la sienne. Elle était pas si différente d'eux, ici, tout le monde était seul, vide. Tout le monde avait des secrets, et encore une fois, elle se devait de cacher le sien. Gamine toujours en retrait, elle restait de longues heures dans les escaliers à dévorer les livres que leur pauvre bibliothèque permettait d'emprunter. Ses doigts s'accrochaient à chaque mot, son esprit en avalait leur définition pour faire taire les pensées hurlantes de son esprit. Les cauchemars qui hantaient chacune de ses nuits depuis l'incident. Le calme avait le don de la rassurer, personne ne venait vers elle, ou bien, elle finissait par fuir. Ce n'est pas qu'elle n'appréciait pas leur compagnie, non. Elle avait peur de tout perdre de nouveau si son coeur éprouvait quelconques sentiments d'attachement.

— Still here, reading, uh? Une voix sur laquelle elle n'avait pas besoin de poser de visage. Elle reconnaissait la sienne, Hajime. Elle ne le connaissait pas, mais elle aimait observer ces gamins autour d'elle, ces âmes auxquelles elle s'était habituée avec le temps. Un soupire s'était échappé de ses lèvres, levant à peine le regard pour le dévisager, glissant sur Kayn à ses côtés. Le livre claquant entre ses mains avant qu'elle ne se le lève pour remonter les escaliers, ne leur adressant aucune parole. La solitude était sa véritable famille. Du moins, elle aimait le croire.

Elle se souvient encore de ce jour aujourd'hui. Ils étaient là, l'air de rien, et de loin, on aurait pu se moquer de leur dégaine un peu douteuse alors que le plus jeune des garçons offrait des noix aux chats. La colère avait monté en elle sans que l'on ne le sache, et l'air hautain s'était échappé de ses lèvres quand elle l'avait informé sur ce qu'il était en train de faire. Elle avait observé ses yeux se lever au ciel avant de lui mettre un coup de coude.
— Feed them with some ham or whatever. Not... that.
— Do I look like I have ham with me right now?
— Steal it then. You lil' rat. Ca s'était échappé de ses lèvres alors que, fouillant dans les poches de sa veste, elle en avait sorti du jambon emballé dans du tissu. Accroupie, le sourire brillait enfin sur ses lèvres alors qu'elle regardait les félins se nourrir dans sa main.
— See? Regard lancé vers le garçon, quand Kayn lui, ne disait jamais un mot, se contentant d'observer.

Sans s'en rendre compte, après cette conversation plus que maladroite, l'insolence aux lèvres, elle s'était mise à traîner avec eux, de temps en temps. Puis plus souvent. Elle venait les réprimander dès qu'ils faisaient quelque chose qui dépassait ses limites, et n'hésitait pas à toujours en rajouter, car elle aimait ce sentiment de satisfaction quand elle gagnait à un débat, ou quand ils finissaient par se taire face à ses paroles, ce regard hautain qu'elle leur offrait alors qu'elle était la plus jeune. Regard qui, avec les années, s'est atténué, devenant plus doux, plus protecteur. Plus inquiet. Au coeur de cet orphelinat où ils n'avaient aucun lien, rien en commun, elle avait trouvé une nouvelle famille sur qui compter. Et encore aujourd'hui, elle n'en regrette rien. Elle donnerait tout pour eux, sa vie, si elle le devait.

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La tête penchée sur le côté, la jeune femme applique avec soin le désinfectant et le coton sur l'arcade de Kayn. Elle ne dit pas un mot, sait qu'il doit lire dans ses pensées. Il a encore des ecchymoses, ici et là. Des coupures, du sang séché sur ses lèvres comme sur ses phalanges. Un énième soupire s'échappe alors qu'elle change de coton, jetant celui couvert de saleté et d'hémoglobine dans le sac plastique près d'eux.

— You're not asking? Elle leva les sourcils avant de se reculer, observant son visage, son regard. Souriant très légèrement alors qu'elle reprenait sa tâche avec tendresse et précaution.
— Should I?
— No. Le ton de sa voix ne changeait presque jamais, pourtant Esraa avait toujours eu l'impression qu'il était plus doux pour elle.

D'une serviette tiède et humide, elle venait essuyer ses pommettes ainsi que ses mains, avant de laisser ses doigts, son pouce, caresser l'une de ses joues.
— I don't like to see you in that kind of state. Déposant un baiser sur le haut de son crâne alors qu'elle se relevait pour aller jeter les souillures et ranger le matériel médical. Une fois de retour sur le canapé, elle s'affala également au fond, comme lui, posant sa tête contre son épaule.
— No matter how many times I tell you to be careful, you always come back like this. Ses doigts vinrent chercher les siens, main enveloppant la sienne alors qu'elle continuait son monologue, se contentant de son silence, elle le connaissait plus que n'importe qui ici, en comptant Hajime. You know I’m worried. And helpless. You know I’m always dreaming of a life where the three of us would be safe. Far from that. But I know it’s just a dream, and it belongs to me, only. So please. Don’t abandon me, not you. Stay by my side. And if you die, I’ll come for you, even in hell. Il ricana légèrement alors qu'il tourna la tête vers elle, rencontrant ses yeux noisettes, presque plus clairs que les siens.
— I’m not going to die. I’m not going to leave you either.
— Perfect then. Elle plaqua avec douceur ses mains sur ses joues en souriant, avant de se relever, ramassant les vêtements gisants sur le sol et les meubles. I sweat to god Hajime I'm gonna ki- Et sa phrase ne trouva aucune fin, quand la porte de leur appartement claqua et que la silhouette du garçon en question se montra.
— Guess what guys? Esraa haussa un sourcil, les mains posées sur ses hanches.
— What? are you finally gonna clean up?
— No. I mean, not now so don't look at me like that... You're scaring me bro. Anyway, I brought back food, and no, it's not some awful rice i found in a trash, it's... Fried chicken! Dit-il alors qu'il montra enfin les deux sacs qu'il cachait dans son dos. Happy? Visage décoré d'un sourire, un sourire qu'Esraa surnomme 'celui de l'idiot', alors qu'elle ne le pense pas.
— I don’t know where you found that, but I hope I’m not going to be sick, and then, i hope you didn’t spend all our money on it.
— Don't worryyyyy Esraa, i'll explain to you, but now, it's time to eat. Even with your ugly face, you there. Qu'il dit en pointant Kayn du menton alors qu'il déballait le contenu de ses sacs sur la table du salon.

Ils n'ont pas grand chose, c'est vrai. Mais une chose est certaine. Ils se suffisent toujours pour survivre dans ce monde trop vaste et dangereux pour eux. Ils vivent en connaissance des secrets de chacun, des maux qui rongent les coeurs, les poitrines jusqu'à éveiller les esprits jusque tard dans la nuit. Quand Esraa se réveille en sursaut, qu'elle retrouve Kayn sur le canapé, ses mains chaudes autour d'un café, elle n'a jamais besoin de lui expliquer. Quand il rentre couvert de blessures, ou avec ses vêtements qu'elle doit recoudre, encore et encore. Et Hajime, ah, il a l'air libre comme le vent, alors qu'elle le sermonne comme le ferait une mère ou une grande soeur, toujours derrière lui à rattraper chacune de ses bêtises, à reprendre tout ce qu'il brise. Ils sont sa famille. Même si un grand vide subsiste dans son coeur, ils sont là pour le combler, quand il pleut, et même quand le soleil brille haut dans le ciel.

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✦ Sa couleur préférée est le vert. ✦ Ses cheveux sont très souvent attachés ou tressés, elle en prend grand soin. ✦ Souvent insomniaque, quand elle s'endort, elle est souvent prise de cauchemars. Si avec le temps, ils s'apaisent, son esprit reste torturé. ✦ Plus jeune, elle voulait faire de la musique son avenir. Elle sait jouer de la batterie mais n'en a plus jamais joué depuis l'incident. ✦ Elle n'a jamais eu beaucoup d'ami.e.s, elle est habituée à la solitude, à Kayn et Hajime. ✦ Elle adore lire. Elle vole très souvent des livres qu'elle dévore rapidement. Bibliothèque étroite, vieux meuble qui lui sert pour les ranger. ✦ Elle n'a que de vagues souvenirs de sa vie en Australie, mais elle aimerait un jour revoir ses grands parents. ✦ Elle est intolérante au lait. ✦ Elle adore nourrir les chats du quartier. Elle aimerait tous les sauver, si seulement elle le pouvait. ✦ Elle a un tatouage sur l'épaule droite. ✦ Voleuse hors pair, elle n'a jamais été enchantée à l'idée de le faire, mais elle s'est habituée car il faut survivre. ✦ Agile, passe partout, elle utilise son don dès qu'elle le peu et en profite dans toutes les situations. ✦ Elle adore jouer aux cartes, elle ne sait juste pas tirer au tarot. ✦ Elle a horreur du désordre, elle repasse souvent derrière les garçons, surtout Hajime. ✦ Elle n'est jamais tombée amoureuse, et ça ne l'intéresse pas, tout comme les relations sexuelles. ✦ Elle ne parle presque jamais du passé et de ses parents en dehors de Kayn et Hajime.