i was lost in a drop. (saem)

tu montes silencieusement les escaliers en sautant les marches quatre à quatre – en les survolant plus que tu ne leur laisses le temps de supporter ton poids. quelques grammes renversés pour tromper la gravité comme s’il y avait toujours matière à s’entraîner pour manipuler son corps entre les éthers. toujours est-il que tu les dévales mieux que tu ne les grimpes et que tu n’as certainement pas battue ton record de vitesse quand tu parviens à l’étage nécessaire. t’as quelques minutes d’avance alors t’hésites un instant à poursuivre l’ascension mais il te faut reconnaître que le poids de la journée à peine achevée commence, au contraire du tien, à se faire ressentir. saem est au courant de ton éventuel retard mais tu ne t’attardes pas, déambules dans les couloirs en même temps que les grammes soulevés retombent doucement sur tes épaules.

tu ne saurais déterminer qui est le plus surpris d’entre vous deux quand tu débarques au bas de sa porte au moment exact où il s’apprête à la refermer sur son passage. hey! tes pieds glissent dans ce qui ressemble le plus à une posture de défense en même temps que tu lèves un doigt vers lui – l’autre main occupée à maintenir des boissons contre tes vêtements. guess who just got a compliment for improving her backward throws. les fossettes creusées d’une crânerie nonchalante à peine dissimulée, tu le dévisages dans une seconde qui te parait s’étendre trop longtemps. assez pour que ton sac glisse de travers sur ce bras toujours replié contre toi sous son regard goguenard. me. i’m who. ta silhouette se redresse plus lentement qu’à l’accoutumée et au moment où tu t’apprêtes à le checker, des foulées crapahutantes se font entendre dans votre direction. t’abandonnes prestement le bubbletea au matcha dans les mains de saem, te débarrasses de tes godasses de la pointe de tes pieds – hi fuyuuu~ et tu réceptionnes le poro contre toi dans des éclats nasillards. tu manques de renverser ton chocolat chaud dans la manœuvre et tes affaires se cassent à nouveau la gueule le long de ton bras. tu reprends une posture normale pour filer en direction de la chambre ton meilleur ami (déjà relégué au second plan), son poro sous le bras, avant de croiser toute personne que tu ne voudrais pas. mais l’appartement est de toute évidence bien assez calme pour un vendredi soir.

ce n’est qu’une fois parvenue dans la pièce que tu relâches fuyu sur le plancher de son maître, en même temps que tu y abandonnes tes affaires. tout ton corps s’affaisse sur le matelas pendant que tu te laisses lourdement tomber dessus – bras étendus en croix et soupir d’aise. et soudainement, c’est comme si tout le poids du monde accompagnait cette chute. ce n’est plus seulement l’entraînement que tu ressens dans tes muscles mais toutes les journées désarticulées qui ont creusé leur sillon dans cette plaie invisible qui ne cesse de s’étendre dans chaque parcelle de ton être. man what a day… mais entre ces masses qui te cueillent à l’abris des regards, c’est autre chose que tu perçois. ton visage se relève partiellement vers saem et t’es presque certaine que tu réceptionnes son œillade de manière un peu trop impassible. what? désormais complètement focalisée sur les émotions contraires que tu ressens dans l’atmosphère – et peut-être que ce n’est pas le bon moment, peut-être que ce n’est que l’accumulation de ces batailles silencieuses des derniers mois, de ces vagues qui vont et viennent sans jamais te reprendre vraiment, mais le soupir qui s’égare entre tes lèvres est une lésion éloquente de ce qui se trame, derrière tes nuages bas. tu te redresses complètement en ramenant tes cheveux partiellement attachés vers l’arrière – observant saem du coin de l’œil pendant que tu t’assois en tailleur.

ce n’est qu’en feignant une attention particulière aux mangas entassés contre son matelas que tu amorces réellement la discussion. you can fart or tell me what's wrong but there's too much pressure in this room. dans l’immédiat, il te parait plus simple de feuilleter les pages de ses ouvrages que de croiser véritablement son regard.

il se traîne cette semaine, saem, le corps affligé des courbatures du week-end passé, comme si les nuits accumulées depuis n'avaient pas encore réussi à le débarrasser totalement de ses douleurs fantômes. tenaces, assurément, mais toujours moins que lui et son crâne fait de béton - il s'est assuré d'assister à chacun de ses cours, chacun de ses entraînements nocturnes, ne laissant pas la moindre ouverture à la fatigue de ses muscles pour l'encourager à abandonner ses responsabilités de capitaine. certaines chimères présentes au camp n'avaient visiblement pas eu la même loyauté à son égard, s'éclipsant avant même que la coach watanabe n'apparaisse lors des sessions d'exercice et les condamnant à des matchs plus intenses à défaut d'avoir un effectif complet.

l'entrée de son appartement l'oppose à un dilemme, mais les secondes s'écoulent à peine jusqu'à ce qu'il opte pour l'ascenseur, pain béni face à la montagne d'escaliers. la pause est de courte durée, mais il l'apprécie tout de même, fixant tout son poids contre l'une des barres en métal de support pendant que la cabine monte jusqu'à son étage. le "cling" de l'arrivée retentit alors qu'il sort son téléphone, vérifiant sa conversation avec anla en quête de nouvelles sur son trajet. aucun message. elle ne doit pas être bien loin de toute façon, et il ne se formalise pas de son retard ; enclenche la marche de son corps tel un robot désarticulé pour parvenir jusqu'au pas de sa porte. au travers du bois épais, il perçoit déjà les couinements d'impatience de fuyu, à moitié cloisonné dans sa chambre, auxquels il répond en criant yeah yeah, wait a sec' fu. clé tournée dans la serrure et carcasse enfin à l'intérieur, il s'apprête à fermer la porte lorsqu'une voix bien connue s'élève dans le couloir adjacent. saem se retourne en vitesse, à moitié surpris. yo, you scared me. l'inédite posture de défense lui tire un rictus ; une position d'attaque de sa part y fait miroir, brièvement. guess who just got a compliment for improving her backward throws. il fait mine de réfléchir pour l'embêter. me. i’m who. - you? no way, your tosses were as bad as my defense when i played as a skybacker. i saw it. en prévision d'une revanche physique face à sa moquerie, il recouvre son épaule la plus proche de anla - sans surprise, son poing vient la rencontrer sans force. kidding, you're incredible, réceptionne le bubbletea, la salive qui perlerait presque au coin de ses lèvres. even more now. thanks! et alors que le check reste suspendu dans les airs, fuyu récolte toute la gloire. visage faussement outré, il récupère son poing comme pour effacer l'humiliation de son esprit - il saisit le dos de anla pour la secouer un peu, la laissant dépasser le paillasson. hey, i am the best friend, why is he having a hug before me? and my check? les mots sont ignorés comme s'ils n'avaient jamais été prononcés, la boule de poils prenant toute l'attention que saem espérait obtenir. ce n'est qu'une fois certain qu'il ne la récupérera pas en dépit de l'accumulation de mines figées par l'outrage qu'un sourire niais apparaît sur sa face, ravi par la vision d'un fuyu relativement sauvage bien calé entre les bras de sa mate. you should give me that bag before you make a fool of yourself. mais la distance entre le salon et sa chambre est assez minime pour que ce ne soit pas vraiment nécessaire - l'instant suivant, la voilà étalée entre ses draps, lit fait à la va vite le matin même, pendant que saem range avec soin ses baskets du jour avec le reste de sa collection de sneakers.

son corps s'affale ensuite, fauteuil de bureau pris pour cible. sirotant tranquillement son matcha, saem retire sa casquette, qui dissimule des restes d'une teinte azurée et des épis à peine aplatis. ses yeux se posent machinalement sur anla, observe distraitement sa tenue, sa posture - yeah, what a day. puis il écoute son souffle, dans un silence qui s'installe malgré eux, et il examine sa peau.

la manie ne date pas d'hier, ni de la semaine dernière - il a gardé un œil sur elle pendant tout le camp d'entraînement en vue de la fatigue que les matchs allaient sans aucun doute provoquer. à chercher un peu plus de câlins, pour vérifier discrètement sa température, à proposer de l'eau, des gâteaux, et à l'accompagner pour des siestes même s'il n'en ressentait pas forcément le besoin. le but est de ne pas éveiller les soupçons - il dirait qu'il s'en est plutôt bien sorti ces derniers mois, mais l'assurance de pouvoir poursuivre sans embûche dégringole lorsque les yeux mauves se posent à leur tour sur lui. il fuit aussitôt son regard. what? - nothin'. c'est cramé ; l'intuition se confirme quand anla soupire, de tout cet air qu'elle accumule dans ses poumons pour ne jamais rien dévoiler.

elle se redresse, et saem fait mine de scroller sur son écran. du coin de l'œil, il la voit davantage regarder ses mangas plutôt que d'y accorder une réelle attention. you can fart or tell me what's wrong but there's too much pressure in this room. entre deux respirations, il hésite - les pets sont l'affaire de andrea, d'habitude, mais l'action détendrait à coup sûr l'atmosphère, qui enfle beaucoup trop vite dans une si petite pièce. en bon fugika, il opte plutôt pour la discussion, son corps pivotant dans sa direction - ça ne servait plus à rien de cacher des intentions si limpides, en vérité. come on i won't fart. commence-t-il, posant sa voix. i was just wondering ; how are you feeling lately? pire que de marcher sur des œufs, il se sent slalomer difficilement au travers d'un chemin dessiné par des éclats de verre. you look kinda tired, to be honest, penche la tête, accroche son regard, and i'm not talking about the camp. et le silence se remet en place, un court moment. il reprend une gorgée de son bubbletea, puis imite sa position en croisant ses jambes à son tour. you don't have to talk about it though, like it's okay. i'm just checkin' on you, you know. à lui laisser une porte de sortie, dans l'éventualité où elle ne souhaiterait pas aborder le sujet.

You? No way… Tes sourcils se redressent dans l’affront des mots faussement moqueurs – et cette moue que tu lui adresses a des échos similaires aux éternelles joutes fraternelles. Ton poing s’écrase machinalement sur son épaule préparée à l’assaut, sans pour autant lui en tenir rigueur. Tu pénètres dans l’appartement dans une secousse aux allures de tremblements de terre dans ton squelette, mais n’en montres rien. Ces gestes anodins, ce sont les réconforts des journées trop longues – et les impressions d’être à la maison. Dans la même chaleur que tu retrouves en serrant Fuyu contre toi, les taquineries de Saem sont essentielles pour calfeutrer les assauts mélancoliques qui se font plus nombreux, quand les cieux ne te portent plus. Une langue tirée à son attention et quelques enjambées plus loin, sa piaule t’accueille avec toute l’impatience du monde.

Les airs se plissent au mouvement du fauteuil qui s’accorde dans ta direction. Come on i won't fart. – You can, mais les mots demeurent silence. Toujours perchée de biais, un manga dans le creux de ta paume, tu redoutes un peu la conversation qui s’amorce. Mmh. Des estampes quadrillées effleurent ton regard à mesure que tu en tournes les pages, mais rien ne s’imprime vraiment sous tes rétines déconcentrées. Tu attends, simplement, quelque chose de commun. Que le couperet tombe, sans nul doute. Tu voudrais leur échapper, aux grammes de trop dans l’atmosphère et à ceux qui s’accumulent dans les inquiétudes de Saem. Mais ce sont les tiens, ces grammes que tu sèmes nonchalamment dans tes pas – et ceux qu’il recueille pour que jamais ces poids ne retombent complètement sur toi. Et tu ne peux pas les ignorer indéfiniment, malgré toute cette volonté du monde d’en faire une commune mesure quand tous les signaux crèvent de leur alerte. I was just wondering ; how are you feeling lately? Tu voudrais poursuivre cette chimérique quiétude de faire comme si de ne rien n’était, mais les astres ne t’ont pas accordé la clémence des silences quand bien même tu évolues dedans en toute aisance. You look kinda tired, to be honest. Tu relèves brièvement les yeux, rencontres les siens – et tu pinces les lèvres, coincée dans le piège. Ses paroles se poursuivent, soucieuses d’entendre une évidence que tous deux connaissez pourtant déjà.

Ton attention s’est reportée sur les bouquins, en reposant celui que tu feuilletais sans plus d’enthousiasme. Tu tapotes les couvertures du bout des doigts, en cherchant peut-être à absorber le courage dépeint dans les traits dissimulés des pages refermées. Yeah. I am. C’est soufflé comme une capitulation à demi-mots, à peine plus audible qu’un murmure. Tired, i mean, mais comme toujours les paroles se retiennent dans l’étau d’un œsophage comprimé. La précision n’est pas nécessaire, il comprend – comme à chaque instant que tes prunelles mauves s’expriment à la place de tes lèvres taciturnes. Et les secondes retombent, encore. Dans toute cette patience mesurée que vous partagez depuis des années. Tu reprends possession de ton chocolat chaud, abandonné quelques minutes plus tôt sur le plancher aux côtés de tes affaires éparpillées. Le regard perclus sur les contours du gobelet pour mieux esquiver celui qui attend de l’autre côté, mais entre tes paumes la boisson a perdu toute chaleur. Elle ne demeure plus que tiède contre ton palais, quand enfin tu en prends une gorgée. La profonde expiration chassée de tes narines est un nouveau soupir pataud. Un peu de déception dans la boisson-récompense devenue sans intérêt – et surtout un essoufflement grandissant. Le silence est tout un monde peuplé de vagues immuables – ton monde. Celui que tu arpentes chaque jour que les Fondateurs font à la recherche d’un large que tu ne prends jamais vraiment mais sans pour autant esquiver les dérives qui s'étendent. On ne vient pas t’y chercher – à l’exception peut-être de Saem.

Saem qui, de son regard attentif, guette tes mouvements – et se demande certainement si l’ouverture est réellement prise, ou si tu souhaites prendre la fuite. I’m actually exhausted. Le bout des doigts pianotent autour du gobelet et malgré la concession, hésitent encore. Not just now but since… Un soupir, encore. It's been pretty hard lately. Ta silhouette se redresse, sans même t’être rendue compte que ton corps s’était affaissé, un peu. Et dans les muscles qui s’étirent douloureusement, tu comprends qu’il est temps. Every time I exercise or even make any physical effort I feel like the gravity wants to crush me to the ground, ton regard part à la rencontre de son visage, une moue boudeuse sur les lèvres. Ça t’agace, Anla. Non pas d’admettre tout haut ce qu’il pensait tout bas, mais d’avoir une mauvaise passe. Encore. I relapse once again. L’une de tes mains quitte la boisson pour former un poing dans les airs, dans un semblant de geste victorieux. Woohoo! It sucks. Tu n’as jamais fait un travail d’équipe plus long qu’avec ta maladie. I didn’t tell my family so, you know, hochements discrets de la tête pour accompagner le reste de la phrase qui ne se formule pas. Tu ne voudrais pas que ces secrets qui n’appartiennent qu’à votre bulle s’en échappent et que tes silences deviennent des enclumes. L’inquiétude des tiens, aussi chaleureuse est-elle, est une prison de velours que tu ne veux plus retrouver. Il est des amours qui débordent et te retiennent entre les gravats, plus qu’ils ne le pensent vraiment – plus qu’ils ne le souhaitent, certainement. Tu ne veux inquiéter personne – tu ne veux plus être retenue dans leurs craintes que tu pourrais ne plus être. Soucieuse d’épargner ton père de ce que tu perçois comme des tracas ordinaires, mais égoïste de ne vouloir être protégée comme il n’a jamais pu le faire avec ta mère.

C’est peut-être mieux que cette conversation ne survienne qu’avec ton frère de cœur plutôt qu’avec celui du sang. Saem a toujours eu ce que les tiens ne peuvent se permettre, les promesses que tu ne seras jamais derrière. Ton minois se penche légèrement et des mèches sauvages glissent devant ton visage, que tu viens remettre derrière l’oreille d’un geste machinal. But you know what ? Tes lèvres s’étirent d’un sourire que tu ne retiens pas, plus sincère peut-être que les ombres que tu masques derrière tes ressacs noirs. Even if now I especially want to disappear in your mattress… Ton corps s’extirpe de ses draps partiellement défaits de ta présence pour le rejoindre en deux enjambées maladroites d’une circulation sanguine soudainement retrouvée. Tu attrapes doucement le col de son pull pour le remonter rapidement sur son visage, avant qu’il ne proteste, puis tes mains secouent ses cheveux encore teintés en forçant quelque peu pour le déséquilibrer légèrement. I’ll kick his ass and soon it will only be a bad memory. Tu recules d’un pas, croises les bras – contemples le hobbit aux épis hirsutes et les oreilles coincées dans les mailles, se défaire de l’attaque sauvage. I’m fine, dude. Le menton se relève par défiance naturelle, et par promesse mimée dans les fossettes creusées. Plus you should rest too, you haven’t stopped lately. Et l’air de rien, détourner le centre de l’attention que tu n’aimes jamais accaparer trop longtemps.