Broken Parts・Milo

Il pleut quelques larmes, les anges penchés sur leurs nuages viennent faire le deuil de ce qui n'est plus, n'existe plus. Et parfois, on ne croit pas en l'espoir, en ces choses brisées qui peuvent se réparer, quand les âmes se sont déjà séparées. L'abandon au bout des lèvres, les regrets comme des pierres dans sa gorge, dans son estomac. Il y a une partie de lui qui ne pardonne pas, qui bouillonne encore quand il croise sa silhouette, quand il voit son nom sur le téléphone. Mais Mini a toujours été trop gentil, trop doux. Message envoyé, il ne l'a pas regretté. Parce que ce qui lui manque réellement, c'est cette amitié qui unissait les coeurs, qui faisaient fleurir les bourgeons dans leurs poumons. Il n'en reste plus rien, seulement quelques souvenirs cristallisés, laissés seuls dans un coin d'une pièce, d'un coeur. Et Mini ne sait pas quoi en faire, parce qu'il a peur de tout jeter, du manque qui consume son coeur. Les doigts tremblent encore, parce qu'au fond il n'est pas prêt à le revoir. Il ne sait pas comment agir, que dire. Doit-il le serrer dans ses bras ? Ou lui crier dessus ? Doit-il pleurer ou laisser le silence peser dans la pièce. Les questions etouffent dans son crane, dans sa poitrine, et il n'arrive plus à respirer, il a besoin d'air, besoin de s'échapper, alors que l'anxiété se creuse dans son estomac, à presque venir le faire vomir ; mais il n'a rien avalé depuis des jours. Ca se voit, ça se lit sur lui, à la fatigue de son visage, aux joues qui se creusent encore et encore. Il ouvre la porte dans une détresse certaine, dans l'espoir de trouver une brise fraiche dans le couloir, mais il n'y a rien. Rien d'autre que la silhouette de Milan qui se déssine plus loin, bloqués là comme deux spectres du passé. Mais cette fois, ni l'un ni l'autre viendra se jeter dans les bras salvateur. You're here... Soufflé comme une sentence. Et les larmes montent à ses yeux, menance de s'écouler, parce qu'il lui a trop manqué. Pzrce que tout revient dans sa mémoire. Parce qu'il n'a jamais voulu le perdre.

Milan a le pas d'un condamné, quand il monte ces escaliers. Monte-t-il en enfer? Là où la chaleur est bien trop forte, là où le cœur a cramé celui de l'ami tant adoré auparavant? Plus il s'approche de cette porte qui les sépare, plus il a l'impression que le sien, de cœur, menace de s'arracher de la poitrine tant il bat vite. De peur. De stress. D'angoisse à l'idée de le retrouver mais aussi d'impatience. De le revoir, de l'observer, de se remémorer tout ce qui fait de Mini celui qu'il a autrefois chérit, celui qui lui était si cher. Celui à qui l'on murmurait des bêtises sans aucune honte, quand bien même elles seraient en temps normal inavouables. Celui contre qui l'on se blottissait dans l'espoir d'aller mieux quand l'orage grondait en ce que l'on nommait un père. Alors quand il le revoit, et quand ils se regardent, il a l'impression que le tremblement imperceptible de se jambes le trahit, quand bien même il semblerait qu'il est aussi droit qu'un i.
Mini est là.
Mini est beau, parce que c'est Mini.
Et quand bien même la fatigue brise ses traits et la faim tenaille ses entrailles, alors Milo l'aime parce que Mini respire.
Et à lui aussi, ça fait quelque chose de le revoir. Surtout si mal en point.
Il se serait jeté à son cou, peut-être. Au lieu de ça, il se tient, là, immobile. Il le regarde sans bouger pendant une fraction de secondes et quand il parle, il a l'impression de ne l'écouter que dans du coton. La culpabilité lui revient. Celle de l'avoir abandonné, de ne pas avoir été à la hauteur. Celle d'avoir déserté une vie qu'il n'avait jamais voulu quitter. Et c'est les lèvres pincées qu'il s'approche, se tient devant lui lorsqu'enfin, il respire son odeur. « I'm here. » Qu'il répond en murmure, le corps tout tendu et les mains cherchant à s'occuper nerveusement avec les manches de son pull.
Et il le répète, cette fois de vive voix brisée, craquelée :
« I'm so sorry, Mini. »
Qu'étaient-ils devenus, par sa faute?
(des inconnus)

Étoile désastre, il n'y a plus rien de coloré depuis des années, et Milan ne l'a jamais connu quand il était encore arc en ciel. Il n'y a plus rien de doux comme auparavant, quand il était doux et tendre dans ses bras, qu'il aimait sa peau et son rire. Tout est devenu sombre, les gloires ont sombré dans les limbes, et son corps s'est noyé au fond du Syx, parmis les carcasses, les cauchemars et les morceaux du passé. Il a l'impression que c'était encore hier, quand il pouvait le serrer dans ses bras, pourtant tout a changé. Malgré les apparences, Mini n'est plus le même. Poison qui brûle dans ses veines, et la santé qui ne fait que pourrir, les maux que l'on cache, que l'on ne veut pas montrer de peur que les inquiétudes rongent les coeurs. Et il n'a rien à lui dire, plus rien à lui offrir, pourtant sa langue voudrait tant partager. Lui raconter ses aventures, ses amours, lui dire qu'il est enfin aimé comme il aurait dû l'être depuis toujours ! Les mots ne viennent par, il n'y a que la colère qui fait bouillir sa gorge, son corps. Il est là, devant lui. Il s'avance comme s'il pouvait encore l'atteindre, briser son âme, il peut. Sorry ? Ca brûle son myocarde, la poitrine est prête à exploser de tous les regrets qu'il a toujours gardé en lui. You're sorry for... What. Les lèvres sont pincées, les larmes s'écoulent comme des rivières contre ses joues, ses ongles s'enfoncent dans la paume de ses mains. For leaving m-me like a... Stranger? Ses épaules tremblent de tristesse, de rage, de tout ce poids qu'il doit s'en cesse porter, jour après jour. Et un premier coup vient s'abattre sur le torse de Milan, d'une violence qui n'existe pas, il n'a jamais eu de force Mini, il sait qu'il ne lui fera pas de mal comme ça, mais il en a besoin. Il a besoin de savoir qu'il est là, qu'il l'entend hurler, pleurer, qu'il entend sa douleur. You're were m-my only f-friend. And you left. YOU LEFT!! Ses poings continuent de frapper sa carcasse alors que les larmes éclatent dans un torrent inépuisable. You l-left me! You didn't come back. Why? WHY?! Ses doigts s'aggrippent à la laine de son pull alors que le corps frébile menace de s'effondrer. I only had you... Only y-you... And you l-left like I was n-nothing to you... La réalité le frappe, encore et encore. Ils ne sont plus rien d'avant, mais au fond de lui, une flamme brûle encore. C'est l'espoir de le retrouver, de recoller les morceaux. Son précieux ami.

Le poing s'abat contre lui, et il ne pèse rien. Pourtant, il a l'impression de recevoir un couteau en pleine poitrine. A la sensation de vibrer au même rythme que les larmes dévalent les joues cristallines de Mini. Oh, qu'il a l'air faible. Qu'il pleure avec la douceur et la misère d'un monde peu accueillant pour lui. Et Milan aimerait l'accueillir contre sa poitrine, le serrer dans ses bras. Oh, comme il aimerait le protéger de la planète toute entière. De lui-même. Mais il avait échoué une fois, déjà. N'était pas prêt à recommencer. Et chaque poing qui s'abat sans avoir le moindre ricochet lui brise le cœur. Il a aussi envie de crier. Mais il laisse les accusations pleuvoir, parce qu'il ne sait faire que ça. Attendre la fin de sa souffrance. La délivrance de la réalité. Il a merdé, Milo. Il a laissé tomber l'ange de trop haut, et, maintenant, les ailes semblaient brisées.
Et il ne saurait pas se pardonner.
« I'm selfish. » Qu'il dit dans le murmure de la honte. Comme un secret qui n'en était pas un. Ah, il a le ricanement au fond des lèvres et il ouvre les bras légèrement. Les cheveux lui tombent sur le visage. Et s'il ne ressemble pas lui-même à un objet brisé, alors qu'est-il? Drôle de poupée, trop utilisée. Trop manipulée par de vilains doigts. Aujourd'hui, si papa n'a plus l'emprise qu'il avait autrefois sur lui, s'il ne tire plus les ficelles d'un fils qu'il a déjà détruit, Milan en garde les séquelles trop violentes qu'il a laissé comme joints sur le bord des articulations. « I fly away as soon as something feels to real. As soon as I'm scared. As soon as I'm getting too attached or as soon as I see someone get attached to me. » Parce qu'il a peur qu'on ne l'utilise. Qu'il ne les utilise. Qu'on ne l'abandonne dans une vieille décharge, ah, pauvre enfant qui n'aurait plus d'utilité, à présent. « I'm so sorry, because you were so much to me. And that's why I left. » Sauf que ça ne sonne pas suffisant.

Il a le feu aux lèvres, Mini, mais aucune violence dans ses poings, dans le creux de ses paumes. Il n'y a rien, rien du tout, seulement un coeur déchiré qui souhaiterait qu'on l'entende hurler, hurler, pour qu'ils sachent tous à quel point sa fait mal, le prix de cette vie, de ce qu'il porte de trop sur ses épaules. Malédiction, et il vient bénir chaque jour où il se réveille en vie. Où il peut admirer de nouveau les étoiles. Il est incomplet, Mini, parce qu'il manque trop de parties de son coeur, que Milan est parti avec un morceau sacré, sa confiance, son affection, tout ce qu'il pouvait ressentir pour lui ; quand l'amour n'a jamais été présent, pas de cette façon. Mini, il est tout aussi coupable. C'est à cause de lui s'ils ne sont plus rien, si Milan a eu peur. C'est à cause de lui, et il le sait. Ses paroles ricochent dans son esprit, sa voix le hante, alors que ses larmes ne sèchent pas. Il a le visage relevé vers lui, le regard paralysé, il n'y a que les tremblements de ses épaules qui indiquent qu'il est toujours là, toujours vivant. So am i. Il l'avoue.
Il ne voulait pas le laisser partir, il l'aurait retenu malgré toutes les tempêtes, toutes les batailles. Il se serait battu pour pour le serrer une dernière fois dans ses bras, malgré la tristesse ou la colère de l'abandon. You were so precious. You were so much to me. You were you, Milan. You were you. And that's all i ever wanted. Et les poings retombent légèrement, les bras s'enroulent avec douceur autour de sa taille alors que son menton s'échoue sur son épaule. L'étreinte est chaude, douce, tout ce qu'il ne pensait plus jamais pouvoir offrir à personne, de son corps froid, de son coeur brisé. Please come back. I don't want anything from you. You own me nothing... I don't want to die without beeing your friend again... Bombe que l'on lache au bord d'une falaise, on voudrait la voir exploser au contact de l'écume, mais ici réside seulement leur corps. Seulement eux. I'm so... I'm so sorry, for everything i've done to you. Et s'il décide de repartir ; il ne le retiendra pas. Il ne tentera pas de le rattraper.

Et dans le reflet des yeux de Mini, Milo a l'impression de se perdre. De retrouver une ombre qui n'est pas entièrement la sienne. Il a la sensation froide que l'on embrasse un corps qui n'est depuis longtemps plus le sien. Milo a changé, depuis leur dernière étreinte. Il a grandi, les mots sortant de sa gorge se sont assaisonnés de piment, d'un peu de sel. « I'm not the same anymore. » Qu'il murmure comme un aveu. Car celui que Mini avait étreint avait encore eu la douceur, peut-être encore quelques espoirs dans le fond des paumes, dans le fond de la poitrine, d'exister. De ne pas être que le pantin que papa désirait de lui. Il n'avait pas compris, Milo, qu'il avait volontairement été vidé de sa propre enveloppe charnelle. Que celle qu'il habitait aujourd'hui n'était qu'une carcasse créée pour oeuvrer. Pour écouter. Pour obéir. Et aujourd'hui, tous les jours, il se débattait contre se palpitant balbutiant, contre les tressauts d'un cœur fragile. Contre la sensation de déraper dans un monde qui ne l'accueillait plus comme avant. Mini était une épave du passé qu'il avait préféré oublier. Parce que les émotions ressenties avaient été trop fortes.
Parce qu'il se savait incapable de rendre tout amour et avait eu peur que ce soit cette affection qu'il portait à la poupée désarticulée.
Et les aveux, les supplications coulent sur sa peau, sous ses yeux plus grands ouverts. La bouche en forme de surprise. Il a le corps qui tremble un peu et pourrait presque affirmer avec certitude, oui, qu'il ressent du regret. Une affection qu'il n'avait jamais vraiment su effacer pour le dojin-ka. Et il inspire profondément. Les larmes ne viennent pas comme il voudrait qu'elles apparaissent. Il se sent plus humain qu'il ne l'a jamais été depuis bien longtemps. « What if I disappoint you, Mini? I'm not the friend you were hoping to have forever by your side. I'm just... I've been broken, since then. » Et il n'entre pas dans les détails. En serait bien incapable. Il a les bras qui s'accrochent au corps qui s'est échoué contre le sien et il inspire, là, doucement, l'odeur de son parfum rassurant. « I should be apologizing to you. » Qu'il dit en tremblant légèrement. Mais une vraie poupée ne serait pas si sensible à ces retrouvailles.

I'm not the same anymore. Les mots résonnent dans son esprit comme une vieille malédiction, comme celle qui ne cesse de s'accrocher à son âme, ne cesse de le dévorer jusqu'à ce qu'un jour, il ne soit plus. Il sait que ça arrivera, bientôt, ou peut-être un peu plus tard, mais comment lui avouer alors qu'il vient seulement de le retrouver après autant de temps. Après la fuite, les peurs, les doutes et les incertitudes. Son coeur se serre comme qu'on presse une poupée fragile, si fragile qu'elle se brise en morceaux, des miettes sur le sol et des larmes dans les cieux. I’m not the same either... Qu'il glisse dans une moitié de confession, sans en dire plus. Ils ont changé, tous les deux. Leur vie prenant des directions opposées, tragiques ou cruelles, mais à cet instant, il est juste soulagé de le voir. Soulagé car sa colère s'en va, laissant place à sa peine. Il aimerait le serrer pour toujours, ne plus le laisser s'envoler, mais il a grandi, Mini, et il ne l'a jamais aimé de la bonne façon pour s'autoriser à être égoïste. Mini aime le voir libre, ironique quand la poupée est tirée par toutes les ficelles du monde, invisibles aux yeux des mortels.
Milo... Sa main agrippe avec douceur son poignet pour le laisser entrer, laissant la porte se refermer derrière eux, car le monde n'a pas besoin d'entendre leurs maux, et ici, à l'intérieur, il y a une sorte de paix, cette bulle de réconfort qui réchauffe les entrailles de ceux qui finissent par franchir son seuil. No matter how you are, you will always be the friend that I loved and that made me feel important, just like you are for me. Sa main relachant son poignet, il lui laisse de l'espace, un instant avant de resserrer de nouveau ses bras autour de lui, et sentir les siens l'enlacer également, fait naître la nostalgie en lui, un sentiment qui s'était envolé depuis son départ. You've been broken, and I die a little more every day. Il chuchote. I was angry because you were my dear friend and you left without a word... But now, i can't be angry anymore, i just can't... I just want to say... It's gonna be okay. For you, for me. For everyone. Ses mains glissent avec répétitions contre son dos comme pour rassurer un enfant en panique, un enfant prêt à pleurer, sans qu'il ne sache comment ça marche. You know... I have so much to tell you... And i want to hear your adventures too... Qu'elles soient positives ou négatives, il veut juste qu'il soit de nouveau là, sans plus jamais le perdre de vue.