catch up between storms. (remira)

Les esprits sont agités à l’approche de tes appartements ; tu te demande si ce sont tes pensées ravagées, ta mauvaise humeur, les réminiscences de cette nuit profane ou la présence d’une autre âme impure entre ces murs qui les interpelle, mais personne de malvenu ne peut pénétrer en ces lieux. Tu restes en alerte, tous les sens en éveil, dans une nervosité jamais vraiment retombée de tes affaires nocturnes, pourtant ta conscience t’assure que tu n’en as pas besoin, t’as les nerfs échauffés mais les instincts calmes.

Quand la porte s’ouvre d’elle-même sous ton regard, tu croises celui d’Akira, ses cheveux ébouriffés, son sourire narquois, ses traits encore ensommeillés – est-ce une trace d’oreiller imprimée sur sa pommette saillante ? Le gars semble avoir passé la meilleure nuit de sa vie pendant que tu crapahutais sous la pluie selon les consignes de ta famille. Si les sens se mettent en berne, l’exaspération n’en est que plus grande. Un profond soupir s’arrache de ta cage thoracique encore trop fraîche de la nuit passée dehors, et toute la lassitude de ces derniers jours retombe sur tes épaules. Les alarmes de ton subconscient s’éteignent quand la porte se referme, abandonnant derrière les vestiges de tes affaires, et enfermant Akira avec toi, le mauvais diable. Tu ne dis mot, mais les électrons qui s’amassent dans l’atmosphère parlent d’eux-mêmes ; t’avances dans la pièce comme si les lattes du plancher pouvaient se dissoudre sous tes pas brûlants (mais humides) à tout moment. Tu tends un bras, et un katana se matérialise soudainement au creux de ta paume, que tu déposes tapageusement contre le mur. Tu sors toutes les affaires dissimulées dans tes poches pour les poser sur la table basse devant laquelle le démon est installé – portable, briquet, clés, gants en cuir, pilules stabilisatrices, sceaux divers, tout retombe en cascade devant lui sans aucune délicatesse. Akira lève un doigt vers son propre visage, comme pour te désigner un endroit par mimétisme, you – shut up. Ses mains se lèvent dans les airs, capitulent directement, des airs nonchalants accrochés à son regard caniculaire. Il a certainement la flemme de te répondre, et te laisse seule dans cette mauvaise humeur avant qu’elle n’en devienne contagieuse. Tu sens son regard te suivre, retourner à ses occupations d’avant ton interruption, revenir sur les contours de ta silhouette, et t’ignorer quand, tout en enlevant ta veste pour l’abandonner dans un coin, tu te retournes vers lui. Don’t touch anything, ton menton se redresse, d’un mouvement indique l’ensemble de la piaule, you smell misfortune miles away. D’un rictus sur les lèvres impies, tu mentionnes une puanteur comme on parlerait d’un corps en décomposition, une impression désagréable, trop familière pour n’être qu’un soupçon de ton sixième sens ; et puis tu détales sur les tatamis pour disparaître dans la salle de bain, claquant la porte derrière toi avec assez de violence pour l’en arracher presque de ses gonds. La malchance d’Akira n’est pas matérielle, pas visuelle, pas une interaction avec laquelle tu peux marchander, mais tu sais en reconnaître ses lueurs, ses contours, ses émanations, des années que tu t’y es éveillée – et les esprits des lieux ne trompent pas, le jumeau de tes enfers retrouve doucement ses grammes d’infortune.

Les reflets du miroir dévoilent à ton regard des traces de sang sur ton visage, discrètes, mais présentes, encerclant les recoins de tes traits comme de nouvelles estampes – et c’est certainement ce qu’Akira voulait t’indiquer, juste avant. L’eau chaude est une bénédiction, la seule que tu peux recevoir sans te pourfendre. Des crépitements raisonnent quand tu te glisses dessous, et plusieurs points de fumée s’élèvent de ta peau comme des court-jus. L’électricité stagnante s’estompe progressivement, vaincue. Tu apprécies les gouttes glisser sur ton corps immobile, les yeux fermés, laissant leur course salvatrice emporter les traces d’une énième nuit de sacrifice. Les muscles mâchés se détendent, et peut-être même que quelques nuages se dissipent dans la buée envahissante.

Un bruit sourd disgresse ce moment par-delà la porte ; Akira a fait tomber quelque chose, l’a peut-être même cassé. Oi! tu beugles à travers les murs, l’eau brusquement arrêtée, what did I say! Des vêtements s’enfilent rapidement, de confort, c’est dimanche, flemme de faire des efforts, t’aurais aimé remonter le temps de quelques heures pour dormir, mais la présence de l’autre trublion chamboule ta routine et tes envies. En le retrouvant, tu te rends compte que t’as presque la même dégaine que lui quand il tombe du lit, un tee-shirt random et un survêtement trop grand. Tu déboules vers lui comme une furie, les cheveux encore trempés que tu n’as pas pris le temps de sécher d’une quelconque magie anodine, à chercher la source de ses méfaits. Ton regard charbonneux croise les brûlures du sien, puis la table, et finalement la lettre de Minato abandonnée là depuis des jours, des semaines, tu ne sais plus vraiment. Tu te penches par-dessus son buste et des gouttes d’eau chaude retombent de tes cheveux sur ses joues, ‘none of your business, tu t’en saisis d’un geste rapide mais sec, tapes le crâne d’Akira avec (et seul le bruissement du papier à la rencontre de ses cheveux n’a le moindre impact), you brat, et tu vas pour la faire disparaître dans un tiroir, claqué lui aussi, avant – enfin – de t’asseoir rageusement devant ton comparse d’infortune, de l’autre côté de la table.

Why – what – soupir, assise les jambes croisées, ton visage part vers l’arrière, retombe vers ton épaule, avant de rouler comme pour t’échauffer, étirer ta nuque endolorie, tu balaie les airs d’un revers de main, nevermind. Tu ne veux pas savoir ce qu’il fait là, s’il a dormi ici (de toute évidence, oui), si sa nuit a été bonne (évidemment), s’il a l’intention de rester, de partir, de s’entraîner, de fouiller dans tes affaires, de te demander quelque chose, de – pendant que tu roules des épaules, les yeux fermés, les sourcils froncés, pour apaiser tes tensions musculaires, en ruminant pourquoi diable Akira est là, présence habituelle quelque peu abandonnée depuis ses nouvelles histoires, une odeur parvient finalement à tes narines, chaudes, aguicheuse. Tes paupières se relèvent, ta gueule se rabaisse et retrouve la table, le regard méfiant, douteux, d’une perplexité étirant soudainement tes traits fracassés : you – is that breakfast? Les agitations d’un estomac s’élèvent et, enfin, la tempête se relâche.