Films are silent, but memories are not — Ijin

When death takes my hand,
i will hold you with the other,
and promise to find you
in every lifetime

1 Tout a commencé quelque part. Il y a toujours un point de départ, une flamme, une étincelle. La sienne, sa vie, commence dans un amour à peine ressenti. Un amour seulement de passage, devenu fardeau quand le ventre s'est arrondi. Ijin, il a les lèvres de sa mère, le regarde de cette nymphe qui n'a jamais cessé de l'émerveillé. Il a le nez de son père, sa mâchoire, cet air un peu innocent. Il est un mélange parfait, c'est ce qu'on a souvent dit, ce qu'on a souvent répété à sa naissance, alors que sa mère souriait faussement à sa belle famille. Ils voulaient un mariage parfait, mais c'était comme l'enfermer dans une cage, dans une bulle où elle ne pourrait plus respirer. Oh cet homme, elle ne l'a jamais aimé correcteur. Lui, ne l'a jamais regardé comme il regardait les autres. Elle était indifférente. Mais dans ses bras, il y avait leur enfant. Un enfant à qui il ne pouvait tourner le dos.

Ijin n'a jamais eu le luxe de connaître ses parents ensemble. Il se souvient des aller-retour chaque semaine, pendant les vacances, chez l'un et chez l'autre. Chez papa, il y avait sa belle mère qui pinçait ses joues en riant, le prenait en photo avant ses petites soeurs dans les bras, le sourire fier d'un gosse à l'innocence encore intacte. Chez maman, c'était différent. Il n'y avait qu'eux. Il a toujours été son petit prince, ce fils qu'elle a aimé chérir, gâter. Ensemble, ils étaient plus fort que tout. C'est ce qu'elle répétait. You and me, Ijin, we'll always be stronger than everyone

Quelques mots, phrases, sont gribouillés autour des dessins de ses soeurs, de sa mère, d'une vieille photo de famille reconstituée. What if everything was different?

2 Heejin & Hyejin, les prénoms se répètent autour de lui, dans un monde qu'il ne comprend pas du haut de son jeune âge. Il ne comprend pas tout, seulement qu'il va devenir grand frère. Non pas d'une petite soeur mais de deux. Deux, c'est ainsi qu'elles sont arrivées. Ensemble. C'est ainsi qu'elles auraient dû partir, bien plus tard. Il n'y avait plus de solitude, de fils unique, non. Il y avait eux. Ce trio grandissant ensemble, riant, faisant résonnant leur voix entre les murs de la grande maison, sous le regard chaleureux de papa, de sa belle-mère qui l'a toujours considéré comme son propre fils, même si à ses yeux, sa mère restait unique. Les années ont marqué leurs genoux, leurs chevilles égratignées à force de s'échapper dans les bois l'été, de tomber du vélo sur les chemins alors qu'une des roues butait sur un cailloux trop gros. A kiss, and you’ll never hurt again!, séchant les larmes de crocodiles de ses soeurs. Ses précieuses soeurs.
Les mains jointes, la nuit, alors qu'il n'y avait plus personne pour l'observer, il murmurait ;
Please god, never take my family away from me.

tw : noyade, accident, décès

3 What the hell did you do? La question se mélange avec les hurlements de leur mère, tenant la corps froid et sans vie de sa fille, sa précieuse fille. Les mains lourdes de son père sur ses épaules alors que son regard se perd, sur l'horizon, sur Heejin qu'il refuse de regarder, sur Hyejin et son regard qu'il a peur de croiser. Une gifle vient rougir et chauffer sa joue alors que ses larmes coulent dans un silence que seule la faucheuse connaît. Il est incapable de répondre. Incapable d'expliquer. De raconter. De leur avouer de lui même qu'il n'a pas veiller sur elle comme il le fallait. Il n'est pas arrivé à temps, qu'il est resté pétrifié face à celle qui se débattait dans l'eau gelée de l'hiver. Paralysé. Incapable d'agir. Si seulement il avait su trouver un peu de courage, si seulement il avait attrapé sa main, plongé à sa place. Peut-être... Peut-être qu'elle serait toujours là. Mais elle s'est envolée. Son coeur a cessé de battre quand ses poumons se sont noyés sous la glace. Il est le seul coupable de cette vie volée. Meurtrier. Without you, she would still be here. C'est vrai. Ils ont raison. Sans lui, le malheur ne se serait jamais jeté sur leur nom. Il n'aurait pas brisé Hyejin, ni leur mère, encore moins leur père.

Le visage de sa soeur s'est effacé avec les années. Il n'en reste que des souvenirs, quelques apparitions dans ses cauchemars. Un fantôme lorsqu'il croise celui de sa jumelle. Quelques larmes s'écrasent sur le grain, se mélangeant aux traits de son crayon.

4 Ombre du tableau, on ne prononce plus son nom, on ne le présente plus. Il n'existe plus entre leurs lèvres, à leurs yeux. L'âme chaleureuse de la maison s'est envolée, et il ne reste plus que la tristesse, le deuil, la colère. La colère qui résonne dans leurs mots. La rancune qui s'échappe comme un venin, un poison que lui offre également Hyejin. Ijin, il n'est là que parce qu'il est obligé de se tenir à table avec eux. De faire bonne figure lors de quelques évènements, mais sa présence se fait de plus en plus rare. Pourquoi se présenter auprès d'un meurtrier ? D'un monstre ? La honte glisse sur la silhouette du garçon qui voudrait disparaître, se fondre dans le sol, tirant sur ses vêtements, pinçant sa peau, celle qu'il ne supporte plus. Son propre reflet dans le miroir de sa chambre, celui qu'il ne supporte plus. Who am I? Et ses démons glissent à ses oreilles ; Nothing. Ils ont raison. Il n'est rien. Il ne reconnaît pas son visage, pas son regard. Il grandi, et les miroirs se couvrent de draps, incapable de se regarder, incapable de se tenir devant de peur d'y voir son fantôme, de croiser son propre regard. Celui qui l'insupporte. Lui-même, coincé avec le mirage de sa soeur à tout jamais.

5 Il se perd, Ijin, dans ses cauchemars comme dans ses rêves. Ceux où il arrive à sauver sa soeur. Puis le souvenir d'elle qui disparaît. Il y pense, y repense. Il y a quelques années, il voulait devenir un grand peintre, un artiste. Aujourd'hui, il veut réparer ses erreurs. Défier l'impossible, le temps, les lois que cet univers à fondé pour eux. Il a cette quête dans sa tête qui ne cesse de le hanter. Remonter le temps. Assez loin pour la sauver, assez loin, s'il faut, pour prendre sa place. Assez loin, malgré le prix à payer. Même s'il doit tout sacrifier, tout abandonner. Rêve qui consume son coeur, son esprit, plongé dans ses livres, dans la fabrications d'artefacts qui finissent par se briser entre ses mains. I have to succeed. Just succeed and then we’ll be a family again. We’ll all be together again.

Les papiers tombent, glissent, de son bureau. Des ébauches d'artefacts, des notes, des calculs. Son regard s'y accroche, incapable de bouger, comme ce jour là. Ah. Ca n'a pas marché. Encore une fois, ça a échoué. Encore une fois, il a échoué. Fuck. Les mains tremblantes qui attrapent un nouveau carnet, ses doigts qui recommencent à écrire, calculer, dessiner, alors que son autre main se perd dans ses cheveux maltraité par les décolorations.

0 Les cernes maquillent son visage fatigué, épuisé. What time is it? Question posé à ses démons, sans jamais avoir de réponse, sans levé le regard de ses livres, de ses expériences. Il ne sait pas s'il fait jour ou nuit. Si dehors, le soleil brûle les peaux ou si la pluie fracasse les os. Il ne sait plus compter les jours qui passent, les minutes, les secondes. Ah, ça fait bien longtemps qu'il a cédé à cette folie qui le hante, à ces idées qui ne trouvent plus sens. Ca fait trop longtemps, beaucoup trop longtemps qu'il s'est oublié, qu'il vit dans une illusion, un mirage. Dans un passé dont il ne peut pas se libérer. Ca fait trop longtemps qu'il s'est égaré, qu'il ne foule plus la poussière de son propre chemin. Son téléphone s'illumine, vibre, mais son regard de s'y attarde pas. Il ne l'entend même plus, ses pensées trop fortes, trop présentes.

Ijin. Une voix fait écho dans son crane alors qu'il relève enfin la tête de son désastre, un crayon dans la main, des dessins déchirés sur le sol, sur son bureau. Des traits floutés sous ses larmes, le graphite écrasé sur la pureté des pages. Tout est rayé, gribouillé, son visage, leur visage. Des mots sont maladroitement inscrits. Ijin, listen to me. Ses yeux se posent sur le corps de Milo qui se rapproche de lui, posant une main sur sa nuque. Please, you need some sleep, okay? It's okay. I'm here. Libérant le crayon des doigts du garçon, refermant le carnet où ses croquis se sont échoués. Come. Et sans un mot, comme l'ombre qu'il a toujours été, il suivra ses ordres, son corps, jusqu'à s'échouer dans ses draps, laissant Morphée l'emporter dans les bras de Milo, meilleur ami qui peine à le maintenir à la surface, alors que ses doigts se plongent dans les mèches blondes pour le rassurer, calmer ses pleurs.

FACTS Ijin est genderfluid (désigne toute personne qui ne se définit pas par un genre fixe.) • Il n'est pas rare qu'il ne sache pas la date du jour ou même l'heure. • Il est très terre à terre, détestait les personnes qui se cachent derrière un masque. • Il est très proche de sa mère, passant toujours ses vacances à NYC, chez elle. • Il a quitté le foyer familial à ses 18 ans. • Il continue de souhaiter l'anniversaire de sa soeur et de son frère chaque année, envoyant même des cadeaux, sans savoir ce qu'ils en font. • Rat de bibliothèque. • Il est très souvent blasé. • Sa passion et son talent premier est le dessin. • Il décolore ses cheveux sans cesse. • Il lui arrive de s'enfermer plusieurs jours dans sa chambre sans en sortir, inquiétant ses proches dont Milo qui, souvent, se pointe pour le faire sortir de cet état. • Il évite toujours les miroirs.