childhood's memory ☼ oliver & june

Il n’arrête pas de tirer sur le col de son haut, de détacher le tissu de la peau et ça gratte, ça gratte, il n’en aime pas la texture mais n’aime pas se promener cou à l’air depuis la soirée fatidique. Si le regard de haine de Kayn le hante encore, si les messages supportifs et apeurés de Neela serrent le cœur autant que sa peur bleue de sortir de chez lui, il n’aime pourtant pas s’y cantonner. Il a l’impression d’être incapable de fonctionner comme quelqu’un de normal. A l’impression de suffoquer sous ses propres besoins contradictoires : rester à l’abri, trouver refuge chez lui, sortir, montrer au monde qu’il n’allait pas si mal que ça, qu’il était encore capable de bouger ses fesses et de voir le soleil quand bien-même celui-ci brûlait sa chair. Son côté sang froid lui hurlait de rentrer chez lui sur-le-champ. Son côté rationnel et perfectionniste avait simplement besoin que Robin finisse la tâche qu’il s’était promis d’accomplir avant de repartir de cette bibliothèque. Et alors qu’il entre, bloque le chemin, qu’on le bouscule dans l’entrée pour qu’il dégage le passage, Robin a l’impression de se retrouver à un endroit où on ne l’attend pas, là où il ne faut pas, comme il ne faut pas. Il tire sur ses manches longues, cache sa peau toute pâle, frémis lorsqu’il pose le regard sur les étagères sans fins de la bibliothèque avant d’inspirer et de se détourner du spectacle.

C’est d’un pas faussement assuré que Robin se dirige vers l’accueil, remontant son seul pantalon non troué sur ses hanches comme si cela allait lui donner un peu plus de prestance (cache ses doigts contre le tissu étranger pour en dissimuler les griffures, les zébrures et les blessures autant du temps que sa bagarre avec son ami). « Erm… Hello. » Et le regard que la bibliothécaire lui envoie le fige quelques secondes. A-t-elle déjà remarqué le pli de son japonais? A-t-elle déjà vu au-delà de l’imposture qu’il était?  « I’d like to borrow a book on the restricted part. I have a letter (? l’intonation flagelle)  from a contact. He told me he had access to some of the books here. » Et cette fois, la femme l’observe plus attentivement, cette fois, son regard est véritablement inquisiteur. Elle tente peut-être de voir au travers de sa peau déjà trop pâle, au travers des tâches de rousseur qui ressortent sur sa chair maladive, au travers des cernes assombrissant son regard, de la coupure zébrant son visage. Le métabolisme amélioré du reiketsuki n’avait en aucun cas aidé à la cicatrisation, peut-être que celui-ci avait eu trop à faire sur le corps amoché qui avait été abandonné, pas mort mais tout comme derrière les mains de Kayn. Il tend le papier, la laisse lire, le regard dérive sur quelques étagères, sur quelques titres de livres inintéressants, tout pour ne pas se concentrer sur les murmures discrets des gens alentours, tout pour ne pas avoir à remarquer le tic-tac incessant de l’horloge. « I’m sorry sir, you don’t have an authorisation to go there.  - Can’t I just do something to obtain it? - This could take years, sir. » Et Robin avait peut-être le temps, avant, mais plus maintenant. Plus maintenant qu’il avait les menaces d’un gang sur le cul, plus alors que Kayn était une menace même à son existence. Il grimace, songe à une excuse pour pouvoir y accéder plus rapidement pour obtenir des résultats sur ses recherches et- le regard rencontre l’azur. L’océan d’un souvenir qu’il ne pensait retrouver.

Ses propres yeux s’écarquillent, alors qu’il n’analyse pas la situation dans son entièreté. Il rencontre l’air perdu de la bibliothécaire, reprend maladroitement la lettre de ses mains, le bout des doigts tremblants, la peau flambant parce que June est là et il n’avait pas prévu de la croiser. Pas dans cet état. Pas alors que ses métacarpes sont si abîmées, qu’il a l’air de ne pas avoir dormi depuis des mois et que les blessures manqueraient de transparaître sur la peau translucide.  « It’s um- okay. Thanks anyways. » Et il veut fuir. Prendre ses jambes à son cou. Partir loin d’ici parce que, ah, bordel, il n’a pas envie d’entrer dans cette partie là de sa vie aujourd’hui. Mais le destin n’a pas l’air d’accord, oh non. Le destin veut qu’aujourd’hui, les mondes collisionnent. Que le château de carte s’effondre. Car il se retourne, et c’est le sourire resplendissant de sa meilleure amie qu’il croise, l’air sympathique d’Oliver. Et cela fait si longtemps qu’il ne les a pas vus qu’il a l’impression de suffoquer, que son propre sourire rempli d’anxiété monte et manque de se renverser. Il n’a pas le temps de sentir les larmes lui monter. De peur et de joie. Il aurait rêvé que leurs retrouvailles se fassent dans d’autres circonstances. Pas alors qu’il avait manqué de crever moins d’une semaine auparavant. Mais June le serre contre elle, et peut-être se rend-elle compte de la faiblesse de ce corps qu’elle tient trop fort contre elle (combien de temps cela fait-il, Robin, qu’il n’a pas bu de sang, exactement? il perd le compte des jours). Et il répond à l’étreinte comme une seconde nature. Comme un naturel qui ne lui avait jamais échappé. Manque de pleurer sur l’épaule de sa meilleure amie en inspirant son parfum trop longtemps laissé dans le fond de sa tête.

Chassez votre passé et il revient au galop.
Par-dessus l’épaule de June, il croise le regard d’Oliver, et les yeux dérivent sur sa peau parsemée de ces grains de beauté tracés dans ses rêves. Il n’arrive pas à maintenir son regard, ferme les yeux, inspire profondément, tremble quelques secondes avant de s’éloigner légèrement de June. Sourire tremblant sur le bord des lèvres, il tire le col de son habit de sorte à le remonter, comme si cela camouflerait plus encore les bleus à peine visibles sur la gorge, déjà dissimulés sous un sortilège (maladroitement formé, par une main malade). « Hi… I didn’t expect to meet you there… » Et il se rend compte que ce n’est pas comme ça que l’on salue des amis pas vus depuis longtemps. Il a un sourire plus large lorsque le cœur se gonfle d’amour pour eux. Lorsque le vase manque de se renverser à l’idée qu’ils n’auraient jamais pu tomber à un pire moment. « I’m so happy to see you. » Et les lèvres tremblent des mensonges accumulés en montagne, mais pas de cette vérité là. Était-ce aujourd’hui, que toutes les vérités retombaient de son dos?

Le changement de quotidien, la belle ne s'y était pas préparée, pas aussi vite, bien que ses pieds avaient déjà martelés les pavés de l'ile plus d'une fois, elle avait encore du mal à se dire qu'ils y résidaient maintenant. June travaillait ici, Oliver également, et ils n'avaient jamais été aussi proche de Robin depuis son départ pour l'archipel. Pourtant, le visage de leur meilleur ami ne s'était pas présenté devant eux malgré les nombreux messages laissés par l'aînée, des excuses toujours trouvées, et June ne lui en voulait pas, bien sûr, elle comprenait. Il devait avoir un emploi du temps chargé, un travail prenant et sa vie à lui aussi, était différente de celle qu'il avait à Londres. Elle espéraient simplement qu'il soit en bonne santé, en forme, malgré l'inquiétude de ne pas le voir, le fond de tristesse de son cœur de ne pas encore pouvoir le serrer dans ses bras après tout ce temps. Oliver l'avait-elle remarqué ? Cette moue un peu moins joyeuse que d'habitude, la façon dont elle cherchait sa silhouette à chaque coin de rue, dans chaque boutique, avec l'espoir de rencontrer ses yeux noisettes. Bien des soupires avaient quitté les lèvres du soleil depuis leur arrivé, mais rien ne pourrait jamais l'éteindre ni même en faire faiblir son éclat. June était une étoile éternellement scintillante dans les cieux, dans ce cosmos ou Oliver et Robin gravitent, de près comme de loin.

L'aventure qui frétillait au bout de ses doigts, elle avait envie de découvrir tous les mystères de l'ile, ses secrets et ses endroits cachés derrière bien des ruelles étranges. Elle avait motivée son mari afin qu'ils en profitent pour sortir avant qu'ils ne reprennent le travail, bientôt pour Oliver, dans quelques jours pour June. Pile qui ne sait jamais s'arrêter, elle sautillait déjà dans le lit à peine les yeux ouverts, serrant les doigts de sa moitié, le laissant parcourir sa peau pour la calmer, apporter patience dans son être qui vit beaucoup trop vide pour ce monde qui ne tourne pas assez rond. Elle avait déposé des baisers sur ses joues, embrassant chaque grain de beauté comme d'habitude avant de laisser ses lèvres sucrées contre les siennes. Oliver était un remède à l'hyperactivité qui habitait sa femme, quand dans ses bras, elle fondait et ne devenait plus qu'apaisement. Même si, très vite, elle revenait à la charge. Let’s go visit the library we saw the other day! "Kay? Mais elle n'attendit pas la réponse de l'homme, l'entrainant dans la douche, sachant qu'il cèderait probablement encore à un de ses caprices, comme toujours, June était princesse à qui l'on ne pouvait rien refuser, de ses yeux brillants à son sourire qui inspirait tous les couleurs du monde. Malgré tout, il avait avalé leur petit déjeuner en prenant leur temps avant de s'aventurer dans les rues de la ville, June déposant toujours des regards émerveillés vers les vitrines et les bâtiments colorés, les épices qui volaient dans l'air, les stands de nourriture, où June avait évidemment craqué pour quelques sucreries rapidement dévorées avant de se rendre enfin à l'endroit tant attendu.

June ne pouvait pas être aussi heureuse qu'une fois qu'elle était entourée de tous les ouvrages imaginables. Ses doigts caressaient le dos de couverture de chaque livre qui se glissant dans ses mains, les pages aux odeurs anciennes qui ravissaient son esprit, ses yeux qui s'accrochaient à chaque lettre, chaque description alors qu'elle montrait fièrement ses trouvailles à Oliver, qui lui, lui faisait également part ce qu'il avait trouvé, des livres sur la médecine, June pendue à ses lèvres, avalant chaque mot même quand elle n'en comprenait pas la moitié, elle déposait sa paume sur son avant bras pour qu'il lui explique plus en détail. Elle adorait le voir parler de ce qu'il aimait faire, de ses passions, de son travail, du monde entier, des pays qu'il voulait qu'ils visitent, de leur vie. Elle le trouvait toujours intéressant, peu importe les années. Et au détour d'une étagère, son regard s'était arrêté sur une silhouette familière, pourtant devenue étrangère avec le temps et les silences. Elle ne disait plus rien, et c'était assez surprenant venant d'elle, les yeux rivés sur le garçon aux doigts tremblants. Elle en était certaine, c'était lui, c'était Robin. Et alors qu'il terminait ses affaires avec la bibliothécaire, elle s'en était assez approchée pour confirmer ses doutes, un sourire solaire dessiné sur le visage rayonnant de la jeune femme. Sans même attendre qu'il ne s'exprime, ses bras s'étaient refermés autour de sa cou, sur la pointe des pieds pour déposer des baisers sur ses joues, enfouir sa tête contre son épaule pour s'enivrer de son odeur qui lui avait terriblement manqué. Tout de lui lui avait manqué, il était parti avec un morceau de son coeur, et ça lui avait fait trop mal pour qu'elle en ignore la douleur. Son corps était fin, comme toujours, mais peut être plus que d'ordinaire ? Elle ne pouvait réellement le juger, car la distance lui avait fait perdre cette notion chez Robin. Les corps s'éloignaient enfin qu'elle ne lui laissa pas le choix d'un autre contact, sa main posée contre son bras, caressant sa peau à travers la tissu. Well, I missed you too Rob'! La voix forte dont elle se fichait, car il n'y avait rien de mieux à cet instant que de retrouver son meilleur ami, un peu de sa moitié, une partie de sa vie et de son âme. Son rire était comme une chanson, une harmonie parfaite entre son être et son énergie jamais épuisée. I'm soooo happy too. How are you? Where’d you go? I thought we’d never see each other again! Les yeux de couleur azur qui s'accrochaient intensément aux yeux, les sourcils crispés d'une inquiétude qui ne l'avait jamais quitté, pas même lorsqu'ils n'étaient que des enfants. Are you free right now? We could spend some time together, right Liv'? Sans même lui laisser une chance de s'échapper, June restait le centre du monde, celle qui voulait garder tout le monde près d'elle.

Il y avait là, accrochée à la poitrine, se soulevant à chaque battement de cœur, cette sensation étrange de vivre en aparté. Comme si leur petit cocon se battait pour être conservé, pour les garder tous les deux dans cette bulle où rien d’autre n’existait – quand June mourrait d’envie de voir son quotidien renversé. Parce qu’il était devenu impossible d’ignorer cette curiosité si particulière qui brillait dans son regard, gagnait en intensité à chaque jour passé sans le voir (Robin). Elle avait justifié son choix de bien des façons, avait apporté au débat un nombre incalculable de raisons, d’excuses, quand ça crevait les yeux qu’il n’y avait sur ses lèvres qu’un seul prénom – Robin. Il était partout ; et nulle part à la fois.
Lui aussi avait su se faufiler au travers d’excuses, de raisons – avait justifié son absence de bien des façons. Mais son visage manquait inlassablement au couple ; et Oliver serait bien naïf de le nier. Leurs repères bousculés depuis des semaines, les habitudes éclatées – il avait besoin de se reposer sur quelque chose (quelqu’un) de familier. Quelque chose (quelqu’un) qui sentirait la mer, qui aurait le parfum de l’archipel, mais le goût de ce monde oublié ; celui que les Hadley avaient laissé derrière. Et même si les mots s’échouaient sur ses lèvres comme l’écume vient chatouiller les pieds (he must be busy as hell, let’s take our time to explore everything we can in the meantime, he’ll probably text you next week), il savait que ce n’était pas assez pour réellement rassurer June. Il sentait son cœur se serrer quand elle y pensait, pouvoir percevoir toute son inquiétude de ses doigts effleurant les siens. June, comme un livre ouvert qu’il n’aurait besoin que de feuilleter. Et s’il était facile de répondre sure thing à tous les caprices de sa femme ; il était plus compliqué de gérer ses déceptions quand la nuit tombait. Quand le sourire était plus compliqué à éveiller, et que les efforts perdaient de leur grandeur.

Et aujourd'hui, comme tous les jours, l'esprit cherchait à s'évader pour ne plus rester à se morfondre d'une absence trop facilement remarquée. Aujourd'hui, comme tous les jours, l'aventure les appelait.

Ses pas légers cherchent à cacher sa présence au milieu de cet univers qui s’étale sous les yeux ; immense, grandiose. Il a l’impression de se noyer tant sa rétine peine à s’accrocher sur ce qui l’entoure. Les titres retiennent son attention, l’odeur des livres vient à l’enivrer alors qu’il se laisse porter dans le sillon de son soleil ; s’autorise à la couver de loin pour se donner un sentiment d’ancrage dans cet inconnu trop vaste. Jusqu’à ce qu’un oh.my.god. lui échappe et que tout s’envole autour de lui. Les doigts s’agrippent à la couverture d’un des livres, le regard traverse rapidement les lignes qui se découvrent sous lui ; et c’est toute sa passion qui se déverse de ses lèvres à l’attention de cette femme attentive qui boit ses paroles sans rien dire. Et ça dure, ce que dure les passions éphémères – longtemps, mais jamais assez. Parce que l’attention de June s’envole ailleurs, comme elle le fait toujours. Et Oliver la suit des yeux, comme il le fait toujours.
Face à face brutal orchestré par ce destin qui se plaisait à les tester (tous) – Robin était là, le moindre doute effacé par la rapidité qu’avait eu June à le rejoindre, là où Oliver avait plus traîné. Peut-être qu’il aurait aimé être préparé, ne pas tomber sur ce bout de souvenir au hasard. Mais c’est trop tard, ils sont là tous les trois. June, Robin – et lui. Comme autrefois.
Et reste cette sensation bizarre qui continue de grimper le long de son cœur, qu’il sent bouger sous sa peau, sans savoir poser les mots dessus. Ça manque de justesse – parce que ça fait tellement longtemps qu’il l’a pas vu. Pourtant le sourire d'Oliver reste le même, à naître dans la même spontanéité d’avant. Les plis sont restés les mêmes autour de ses yeux, et l’étincelle brille toujours autant en leur centre ; même si leurs regards ne s’accrochent pas longtemps. Une seconde consumée ; tout ce que Robin lui offre. Une seconde consumée, et une phrase qui se gorge de justification.
Mais il laisse June emporter dans son rire ce malaise qu’il pense déjà avoir imaginé. Il était toujours plus simple de plonger dans sa lumière que d’affronter tout le reste ; les apparences trompeuses, les doigts crispés contre son col, les mensonges mal assurés. I didn’t expect to meet you there – neither did we, qui se glisse dans un nouveau sourire, amusé de voir le destin se mêlé à ces chemins qui peinaient à se recroiser. Mais voir June briller, comme elle sait si bien le faire, rempli le cœur de cette chaleur familière et réconfortante. A en oublier les inquiétudes et les tracas qui se plaisaient à assombrir son visage à chaque coin de rue ; she’s actually more than happy, but i don’t think any word could describe the feeling. It’s good to see your face, Rob’. Et ça déborde de sincérité, ça englouti tout. A se demander s’il n’avait pas, au fond de sa poitrine, mis de côté l’idée d’un jour le retrouver. Parce que ça faisait trop longtemps, que leurs mondes ne vibraient plus ensemble, que ça manquait de synchronisation ; de timings ratés, de plus tard accumulés.

Il y a un monde où les évidences ont transpercé les cœurs plus rapidement. Où les questions ont été posées, l’abcès crevé. Il y a un monde où la maigreur de leur ami les a immédiatement alerté, où cette fragilité excessive les a poussé dans des excès d’inquiétude. Mais ce monde n’est pas le leur – pas encore. Let’s not pretend he has a choice, you’re already glued together.
Là où sa voix se rempli d’assurance, s’étouffe dans un souffle amusé ; le corps maintient la distance. Trop grand, presque maladroit, il ne sait pas où se mettre Oliver, comment bouger. L’image est pourtant la même que d’habitude, mais quelque part il reste cette surprise qui l’a figé dans l’instant. Sans savoir pourquoi, il était redevenu cet adolescent (presque adulte, mais pas totalement), encombré de tous ces souvenirs qui devenaient boulet plutôt que valise. Il a pas su tendre la main vers cet ami, ni s’autoriser à passer la finesse de ses doigts dans les cheveux du plus jeune pour les ébouriffer. Y’a un gouffre qui les sépare soudainement, comme si tous les efforts de ces dernières années brûlaient d’hypocrisie. Alors Oliver se contente de glisser le long du dos de sa femme pour déposer la main dans le creux de son cou. At least, even for ten minutes, let’s have a cup of coffee. Or anything you’d fancy. Somewhere this loud young lady won’t be disturbing anyone else. D’un baiser déposé sur le haut de la coupable en toute tendresse, il invite d’un regard Robin à leur montrer le chemin, les guider dans cet inconnu qui n’est pas le sien.

Robin avait été capturé par le soleil et ses grands sourires, dévoré par ses rayons et s'il était incapable d'en supporter la lumière, d'habitude, lorsqu'il s'agissait de June, il en réclamait une nouvelle dose. S'il fallait cramer à en crever entre les bras de celle qui apportait le parfum trop fort de cannelle qui ferait tousser, dont il s'imprégnait chaque fois qu'il enfouissait son nez dans les habits de la femme, alors il accepterait son sort pour une dose de bonheur auquel il n'avait pas goûté depuis trop longtemps. Il avait un autre réconfort, ici, à Meiwa, mais Neela n'avait pas l'odeur de la maison d'avant, elle avait un goût neuf qui restait sur le fond du palais et un confort qui ferait douter du retour au pays; mais June était Londres. Oliver aussi, mais il était aussi bien plus, bien trop. Il était tous les regrets laissés derrière lui qui le poursuivait jusque sur une île trop grande où il avait cru courir à sa liberté.
Pourtant, il le remercie presque de ramener comme l'on traîne un boulet à ses pieds les effluves de son parfum un brin changé (de leurs parfums mélangés). Car il avait la sensation qu'aujourd'hui, ils tournaient la page d'un mariage qu'il avait foiré de sa simple présence.
Aujourd'hui, il effaçait son départ en voleur pour les accueillir plus grandement (amoché) malgré toutes ses insécurités.

Les bras de June serrent son corps. Son visage se perd contre son corps. Et sent-elle, sous ses doigts, les côtes plus sensibles? Lui, serre les dents lorsqu'elle presse trop fort la figure encore trop fragile, la garde avec vigueur contre lui et siffle doucement lorsqu'elle lui serre trop fort le bras. Elle s'éloigne et Robin s'empresse de combler le vide que cela laisse après le son étouffé d'un petit rire aux questions qui roulent de la langue de son amie, de l'affirmation d'Oliver. Ca ressemble tellement à avant, ancré dans un maintenant bien trop concret à son goût. « I’m fine. » Mensonge, mensonge, m e n s o n g e. « I was... So caught up with some work. Had a lot of people to see. » Quand il ne voyait plus que Neela depuis des jours (elle et ses mains douces qui appliquent de la crème comme l'on murmure un pardon). « It's getting better now. » Les mains de Kayn sur son corps ne sont que souvenirs des violences qu'il aimerait oublier. Il a l'impression de se présenter nu à ses deux amis alors qu'il a pris soin de dissimuler chaque preuve (sauf peut-être les traces un peu violacées qui menacent de dépasser du col de son haut car, oh, Robin n'a pas les yeux qui voient les côtés de la gorge pour en vérifier la poudre blanche bon marché bientôt dissipée). « I thought we'd never see each other again ! - Don't be so dramatic. » Qu'il dit avec un sourire qui n'atteint pas ses yeux. Il avait cru crever, ce soir-là (et il avait peut-être pensé aux rares personnes qu'il laisserait derrière lui (s'était demandé si June et Oliver auraient un jour connaissance de son sort misérable et mérité)). « I’m right here. »

Et les doigts glissent sur les bras de June, retrouvent une certaine contenance en essayant d'enfiler une couverture à la va-vite : celle du gars qu'il prétend être aux yeux de ses amis depuis des années. Celle de celui à qui la vie sourit. Celle de l'homme qui n'a pas été passé à tabac il y a quelques soirs de ça. (Celle de Robin, jamais anxieux, toujours droit, pas inquiet par le bruit du stylo de la bibliothécaire ni par le regard trop intense de ses amis rayonnants posés sur lui qui donnerait envie de s'installer tête contre le bureau et fermer les yeux en se coupant du monde.) « Just like Lili said : I don't think I have a choice here. » Qu'il dit d'un sourire gauche, un brin claudiquant. Pendant une seconde, Robin tend aussi le bras vers le plus grand. Se demande s'il ne devrait pas le serrer contre lui, lui aussi. Laisse la main lui retomber bêtement sur le côté sans savoir quoi faire de lui-même. Frissonne du regret de sentir le gouffre se creuser un peu plus profondément. Il n'est pas assez courageux pour sauter par-dessus. Le laissera se faire profond jusqu'à ce que la chute en soit mortelle.
Et le jour où il ferait le grand saut, peut-être tombera-t-il en son fond.
Les yeux brillent lorsqu'il observe le couple agir avec toute la simplicité du monde. Il fait un pas en arrière, tire sur les manches de son pull et acquiesce doucement, les rouages de sa mémoire tournant à toute allure dans le fond de son crâne. L'idée de les amener boire un bubble tea dans ce magasin un peu trop cher non loin (là où Neela l'avait amené un jour où ils prétendaient avoir assez d'argent pour se balader dans ces jolies rues colorées de vie) lui vient, gratte le fond de ses poches pour voir s'il avait la monnaie sur lui et, ah, jackpot. « I have more than ten minutes to give to my best friends. » Dans un monde idéal, il tendrait les bras, les enroulerait autour de chacun de ses amis et les guiderait en les serrant contre lui. Dans celui-ci, il leur fait signe de le suivre, n'osant voler June à Oliver. Gardant une distance en espérant qu'ils ne remarquent pas tout ce qui avait pu changer chez lui. Lui, avait noté la nouvelle coiffure de June, les boucles peut-être plus folles d'Oliver et leurs sourires heureux. Ils avaient changé. En bien. En beaux. Et il les enviait autant qu'il s'en réjouissait.

Alors qu'enfin il leur montre le petit café mignon auquel il décide de les inviter, Robin continue leur conversation, répond aux interrogations de June sans trop en dévoiler. Il se fraie un chemin dangereux entre les pourquoi et les comment avec dextérité. Il ne mentionne pas tout ce qui l'a maintenu ici. Ne mentionnera jamais le couteau sous la gorge de Calista qui, un jour les séparera à jamais. « I'd like a coffee with tapioca pearls. No sugar and normal milk. Cold, please. » Celui qui revigorerait son corps, lui offrirait une énergie et userait intelligemment de son argent, le goût de cendres déjà trop présent sur sa langue avant même qu'il ne goûte à la boisson. Cela faisait longtemps qu'il était habitué à se concentrer plutôt sur la texture que la saveur des aliments (à l'effet de la caféine sur son métabolisme). Rien n'avait plus de goût que le sang sur les papilles. Les perles avaient pourtant le caoutchouc du jeu. Les glaçons le croquant et le froid des émotions. Le café l'énergie dans les veines. Et si le regard avait glissé sur les boissons spéciales pour les keitsuki-kei (pour les vampires, surtout), ses amis savaient sûrement qu'il ne s'y attardait jamais. Il n'aimait pas l'attention que cela lui apportait. Une fois le japonais glissé d'entre ses lèvres, le voilà qui se tourne vers ses amis, attendant leurs commandes, à eux aussi. « Do you want to stay here? » Qu'il demande. Et le naturel de la situation embaume le cœur. Le ferait presque flotter.
Mais les ongles triturent les cuticules et les lèvres se font attaquer par ses dents sans répit parce que Robin ne se sent toujours pas tout à fait à sa place, sous le regard de ses amis. Voient-ils les faux-semblants, maintenant que l'écran de leurs téléphones n'est plus là pour dissimuler sa silhouette? Ou le temps a effacé cette proximité qui ne les laissait qu'avec peu de secrets les uns envers les autres?

June, le soleil. Robin la lune. Oliver leur éclipse dans l'apocalypse. Ils ont toujours été trois, et plus que tout, elle voudrait qu'ils restent ensemble aussi longtemps qu'ils le peuvent. A l'écouter, elle aimerait souffler son dernier souffle en même temps qu'eux. Partager sa vie jusqu'à la fin, avec ceux qu'elle considère comme sa famille, ses meilleurs amis, son tout et son univers entier. Mais n'est-elle pas un peu égoïste ? Des caprices enfantins alors qu'ils sont eux aussi des adultes. Eux aussi, ils sont blessés, des cicatrices couvrent les poitrines que l'on ose afficher de peur que ça se rouvre, que ça saigne de nouveau. Alors de ses mains salvatrice, elle n'a fait qu'appuyer sur cette hémorragie, encore et encore, persuadée qu'elle pourrait, avec le temps, tout arranger. Mais ce n'est pas son rôle, et June, n'est coupable de rien de tout cela. Pourtant ça la hante, jour et nuit, elle imagine de nouveaux scénarios, de nouvelles vies. Des possibilités qui crèvent son coeur. Elle s'efface de leur tableau, pour penser à ce qu'ils auraient été, si elle n'avait jamais été là. Dans les draps partagés où les bras chauds d'Oliver recouvrent souvent les épaules de la jeune femme. Dans ces nuits d'insomnies, caressant le visage de son mari, elle se demande s'il aurait été heureux avec Robin. Si elle ne lui a pas, au fond, volé un peu de lui. De leur amour. Mais ce sont des questions qui resteront à jamais sans réponse,  parce qu'elles n'existent que dans des non dits que l'on ose remettre sur le tapis. Quand elle voit la visage de Robin, plus maigre, toujours aussi pâle, c'est comme oublier toutes ces pensées parasites. Parce qu'elle s'inquiète, avant tout, même si elle n'en prononce aucun mot, s'accrochant à lui comme un virus s'accroche à son porteur. Elle éblouie le monde, Robin, Oliver. Son monde. Loin de la capitale britannique, sur des terres qu'elle ne connaît pas, elle espérait pouvoir réparer toutes les erreurs du passé, soigner ces blessures qui hantent encore et encore les âmes. Elle pensait, peut être, bien faire. Et pour elle, elle sait qu'elle ne peut exister sans eux, le centre de son cosmos, de son univers. Ils sont là, ils ont toujours été là. Hmmm, people more important than us? Penchée vers lui, le nez plissé pour tenter d'en découvrir les secrets qu'il cache si bien, de savoir si ce sont des mensonges, si c'est la vérité, si tout va bien. Mais elle ne dit rien de plus, n'aborde pas encore ce sujet. Let’s not pretend he has a choice, you’re already glued together. les paroles d'Oliver provoquent un rire chez elle, parce qu'il n'y a pas plus réel que ses mots, alors que les doigts de Robin glissent sur ses bras, comme avant, comme il y a quelques années encore. Elle se sent projetée si loin, la poitrine qui se gonfle de bonheur, de nostalgie, sans que son sourire ne vienne jamais quitter son visage angélique. Elle vit dans un cocon, et se demande, combien de temps ce paradis pourra durer. S'il sera éternel, ou s'il explosera comme une bombe, ravageant tout sur son passage. Laissant à découvert, les mensonges, les regrets, et tout ce qu'ils ont toujours souhaité eviter. Eux trois.
Le baiser est doux contre sa peau alors qu'elle lui rend de ses lèvres légèrement pressées contre les lèvres de son époux. L'amour qu'elle lui porte est inconditionnel, et elle ne saurait le partager. Sauf pour Robin, sauf pour lui. Elle serait prête à tout sacrifier pour lui, sans même lui avouer. Elle préfère qu'il reste dans l'ignorer de ces pensées qui briseraient son coeur en morceaux. Let's go then! I can't wait to drink something, and i was kinda hungry... Visage presque boudeur, à agir encore et toujours comme l'enfant de 13 ans qu'elle a été un jour, qu'elle reste dans le fond de son âme.

Sur le chemin, elle s'accroche à eux, un bras enroulé autour de celui de son mari, alors que son autre main est accroché à Robin, de peur qu'il disparaisse, que tout ça ne soit qu'un mirage, qu'elle ne se réveille une fois de plus en sursaut, venant cacher sa culpabiliser contre les épaules d'Oliver, sans lui dire un mot, sans lui dire que parfois, elle pense avoir tout gâché entre eux. This place is kinda cute. I love it. Qu'elle glisse à son meilleur ami avant qu'il ne prenne commande, laissant ses deux ami.e.s décider de leur choix. Pendant ce bref instant, son regard inquiet se pose dans celui d'Oliver. Elle n'a pas besoin de s'exprimer, de laisser les mots se poser sur ses inquiétudes vis à vis de Robin. Quelque chose cloche, c'est différent d'avant, tout est différent. Et il n'y a qu'avec la confiance d'Oliver, qu'elle sera rassurée, qu'elle se dira qu'elle n'est pas si folle que ça, que lui aussi à remarqué. Sa main se presse contre la sienne comme pour confirmer leur sentiment mutuel avant que ça ne soit déjà à leur tour. Imma take the same, and hm... Some takoyaki, please. Prononcé dans un japonais qu'elle tentera de perfectionner avec le temps, mais jusqu'ici, ça fait l'affaire, elle comprend le minimum. What d'you want love? Tournée vers sa moitié, prête à passer leur commande avant de payer rapidement, attendant finalement les boissons et la nourriture commandées un peu plus loin. We could? We have sooo much to talk about, so much time to catch up! But if you want to talk too, it's okay for me. I'd love to discover a bit more of this city. Le sourire est toujours solaire sur ses lèvres, laissant le vent les porter, l'esprit léger, quand son coeur, lui, est bien trop lourd.

L’ironie s’étale sous ses yeux, vêtue de sa simplicité la plus agaçante – i have more than ten minutes to give to my best friends. Quand l’homme jouait à l’ombre insaisissable depuis si longtemps qu’Oliver avait cessé de compter, de demander. Depuis si longtemps qu’il avait cru que le sourire de June finirait par faner. Mais ils sont là, tous les trois, et l’emploi du temps ministériel du plus jeune s’était libéré dans un claquement de doigt. Un naturel qui s’ancre dans une bourrasque de joie, qui fait plaisir. Il flatte l’ego, caresse les inquiétudes dans le sens du poil pour mieux dissimuler son absurdité.
Mais June est si heureuse ; même Oliver se laisse tromper.
Parce que les mensonges sont plus faciles à avaler quand ils couvrent une vérité trop difficile à avouer (à accepter). Le cœur se concentre sur l’essentiel – l’éclat de sa femme, la discrétion de son ami. Le choc de deux mondes qui avaient valsé ensemble pendant si longtemps que la collision prend des airs de soulagement. Tout n’est pas parfait, il reste des dissonances, des notes qui s’accordent mal. Mais rien qui ne saurait trouver sa place quand les habitudes reprendront la leur. Il s’en convainc, profondément. Il ne peut en être autrement – les vieux réflexes referont surface, la complicité les liera à nouveau. Il l’imagine comme une évidence, de peur de voir sa femme s’écrouler à ses côtés quand son rêve éclatera en un millier de morceaux impossibles à recoller.

Pourtant ses propres artifices vacillent quand son regard croise celui de sa moitié. Au fond des pupilles, les mêmes inquiétudes, les mêmes questions – cette impression de changement qui s’incruste trop facilement sur leur peau. Ce qui devrait être normal devient dérangeant. Ils le savent, tous les deux, sans oser mettre des mots dessus. Il sait qu’elle devine chez lui ce qu’elle cherche à transmettre dans cette main qui se serre contre la sienne – subtile, mais pressante. Il n’y a pas besoin de mots. Plus depuis longtemps. Le pouce caresse la douceur de sa main crispée, comme la promesse silencieuse de trouver les réponses à toutes ses questions. Are those good – tapioca pearls ? L’attention de nouveau portée sur Robin, le regard se veut innocent. Le masque de l’insouciance a repris sa place d’une rapidité déconcertante, pour que sa recherche de vérité ne crève pas l’écran. I’ll have some black milk tea, please. With tapioca pearls. There is no way i am turning my back on black tea, you traitors. L’ironie du reproche est soufflée entre eux, cassé par la chaleur de son sourire, et l’espièglerie qui se force dans le noir de ses yeux.

Yes please, we’ve been traveling around all morning – sorry Junie but i can’t keep up with you, i need a break. Thank you. Les remerciements chantent sur ses lèvres ; à la fois soulagé de pouvoir offrir à ses pieds un moment de répit, et étrangement rassuré de pouvoir contenir Robin là où il ne pourrait s’enfuir. L’impression que le plus jeune pourrait devenir un nuage de brume d’un instant à l’autre presse Oliver à s’installer dès que leur commande est récupérée. Refuse de lui offrir cette possibilité ; parce qu’il avait pris le large dès qu’il en avait eu l’occasion, Robin. Il s’en était allé, le plus loin possible. Avait profité d’un instant d’absence pour disparaître, et avait embourbé la vérité dans des excuses si parfaites qu’on les avait laissé couler. So, how is … life ? C’est vague. Terriblement cliché. Mais il ne sait plus par où commencé, Oliver. Les conversations qui les avaient liés ces dernières années reposaient sur un étrange mélange de non-dits et d’apparences en papier. Et de l’avoir là, en face de lui, revenait à faire éclater cette bulle de naïveté qui les avait fait avancer. That question sounds aweful, doesn’t it ? La frimousse se tord dans une grimace gênée, se tournant vers June pour qu’elle puisse remonter le niveau d’intimité de cet échange. La curiosité d’Oliver avait plus sa place en retrait, parce qu’il n’était pas le cœur de ce qui les unissait. June l’était. Et c’était très bien comme ça. Les lèvres posées autour de la paille, à découvrir le gluant du tapioca mêlé au plaisir d’un thé au lait, le regard qui navigue entre ses deux amis, à suivre la conversation d’une oreille éloignée. Parce que le regard accroche à un début de réponse – le cou coloré de Robin. Une tache mal dissimulée sur un tableau qui semblait parfait. Il se demande si June a déjà remarqué. Ou si son attention a été flouée par l’amour qu’elle lui porte, et le plaisir coupable de leurs retrouvailles inespérées. Rob ? I – Sa main se dépose sur celle de sa femme, excuse muette pour l’avoir coupée en plein élan. You do have something, there. Maybe it’s just – nothing. Il veut y croire quand ses doigts pointent sur son propre cou l’emplacement exact du détail dérangeant. Veut croire à des bêtises d’adolescent, à une marque amoureuse déposée sur l’épiderme, au secret d’une relation naissante qu’il n’aurait pas encore osé avouer. Pourtant loin de la vérité.

Il sourit, lorsqu'ils démontrent de leurs affections, lorsqu'ils s'aiment à en crier sur tous les toits parce que c'est ce qu'ils devraient faire. C'est ce qu'ils méritent. C'est ce pourquoi ils ont signé les papiers tous bien habillés, tous parfaits, sourires aux lèvres, trop aveugles de leur amour pour voir le torrent sur les joues de Robin. Et il ne leur en voulait pas. Ne leur en voudrait jamais. Parfois, Robin se demande s'il passera un jour au second plan quand, même à des kilomètres d'eux, ils avaient toujours eu assez de temps pour lui parler, chercher de sa présence là où il n'était jamais. Il était celui qui les avait fait passer au second plan. Celui qui les avait oubliés (peut-être volontairement) pour se reconstruire de zéro mais, même en cherchant à se défaire de tout ce qui les retenait à eux, au fond, il savait que jamais il ne saurait exister dans un monde où June ne lui souriait pas, où Oliver ne lui enverrait plus jamais de ces sourires complices quand bien même de complicité, ils n'en avaient plus. Avaient tout perdu parce que Robin, oh traître de leurs émotions, avait piétiné leur amitié à pieds joints par pur égoïsme.
Bête petite créature, Robin, réveilles-toi donc et offres à tes amis de meilleurs mensonges que ceux que tu leur met dans l'assiette.
Bientôt, ils se réveilleront et t'en voudront.
« Never. Never more important than you. »

Il sent les regards. Les questions défiler dans les regards. Et sa posture n'offre aucune réponse, ses lèvres encore moins. Il répond aux questions avec le sourire faux, l'intonation adéquate, l'effort nécessaire pour ne laisser transparaître son anxiété, ses inquiétudes et son récent mal-être. S'il allait mieux, il n'était pas tout à fait guéri et avait encore peur pour sa peau, parfois. Kayn ne l'avait pas achevé, mais qui disait qu'il ne reviendrait pas finir le travail qu'il avait abandonné en plein milieu? « They're very squishy. » Qu'il dit avec un air content. C'était tout ce qui lui importait, dans ce genre de boisson. Et il aimait les perles de tapioca bien moelleuses, quoiqu'un peu plus dures au milieu. Il a l'impression qu'en s'installant contre le mur, ses deux amis le coupant de sortie, il est pris au piège de leurs regards, de leurs observations. Est-ce seulement lui, ou bien le soleil a tourné la tête en sa direction? Les projecteurs ont-ils forcé les lumières à converger en son sens? Non, ce ne sont que les regards azur et charbon de ses amis qui lui donnent envie de rapetisser, alors qu'il serre son verre entre ses doigts, tire sur la paille, la glisse entre ses lèvres, yeux baissés, mordille le plastique et croque les glaçons pour faire passer le goût de cendre qui glisse sur le palet.

« So how is ... life ? » Et ça lui donne la sensation de n'être plus qu'un étranger. D'avoir poussé les limites trop loin. Etait-ce de sa faute, s'ils avaient décidé d'aménager ici au plus mauvais moment de son existence? S'il avait été obligé de fuir autant pour leur protection que pour se préserver de leurs regards qui scruteraient chaque coin de son visage? Robin ouvre tous grands les yeux, à la recherche d'une réponse adéquate à offrir à cette question. Et alors il rit un peu, secoue la tête. « To be fair, I should be the one asking. After all, you're the one beginning a new life here, not me. » Rediriger l'attention loin de sa personne était toujours la réponse la plus aisée. Il n'avait pas le courage de mentir sur sa profession encore. Ne savait plus comment garder la couverture intacte alors qu'ils étaient juste là, devant lui. Qu'ils remarqueraient plus facilement la supercherie.

Et la conversation avec June le fait moins trébucher, pendant qu'il écoute le flot de paroles avec intérêt, aime apprendre de leur arrivée ici, de leurs découvertes, de leurs maux et surprises. Le sourire se fane légèrement lorsqu'Oliver interrompt pourtant le tout pour briser le tableau parfait et les épaules détendues, soudainement, reprennent de leur raideur. La main retrouve le bout de peau dévoilé sans délicatesse, redresse le col roulé du bout de doigts vibrant de peur, d'hésitation. Il inspire trop profondément alors que du coin de l'œil, il observe son reflet dans la vitre en espérant apercevoir une figure en meilleure forme que ce qu'il ne montrait à ses amis. Mais le schéma n'a toujours pas changé : ses cernes marquent sa peau comme des cicatrices, ses habits lui donnent presque un air décharné quand bien même il était mieux habillé que la plupart du temps. Et sur le cou, le violet des mains de Kayn contraste trop fort avec l'opale de l'épiderme.

Il n'a pas le cœur à sourire. N'a pas le cœur à offrir un plus grand mensonge sur une quelconque relation. Mais comment expliquer les traces qui ornent le cou tel un collier? Quand bien même la blessure s'apaise au fil du temps, le pire à présent effacé de sa peau comme l'on essaierait d'oublier un mauvais souvenir, il était connu que les plaies et autres hématomes ne restaient pas bien longtemps sur la chair des vampires qui guérissaient bien plus vite que les mages lambdas. Alors, Robin, quel sera ton nouveau mensonge? « It's- nothing. » Mais il bute sur les mots. Ne trouve pas le droit chemin, cette fois. Ne sait qu'inventer pour les distraire. Un amoureux? Ils chercheraient à en savoir plus. Une expérience mal passée? June réclamerait à voir l'étendue du violet sur sa peau et s'en affolerait (se rendrait compte des mots dénués de sens qu'il leur aurait offert). Il est à court de mensonges. Il est à court d'excuses bidons, et sa main libre glisse de la table pour s'échouer contre ses cuisses pour en cacher le tremblement. Les doigts de l'autre serrent trop fort le col de son pull pour que leurs vibrations se fassent visible. Il grimace légèrement, ricane gauchement. « Nothing you have to worry about, at least... Just... Life, you know. Made some weird choices, recently. » Et ça n'expliquait rien, mais il espérait qu'il n'aurait rien à ajouter. Peut-être interpréteraient-ils cela comme une aventure de parcours. Robin ne faisait pas dans les plan d'un soir, mais peut-être avait-il assez changé pour que ce soit le cas? A leurs yeux, il était certainement un étranger. Et il espérait qu'ils n'en réclameraient pas plus que ça. Qu'ils ne paieraient pas plus d'attention à tout ce qui faisait de lui un être décharné, sans cesse apeuré, uniquement riche des étreintes de Neela et des flacons éclatés qu'il n'avait pas la force de ramasser chez lui. « Don't look at me as if I was made of glass. » Qu'il dit avec un sourire qui n'atteint pas ses oreilles et sonne faux, tremble presque autant que sa couverture à deux doigts de s'effondrer. « You didn't say anything about your job here. » Qu'il ajoute en espérant détourner l'attention de sa peau camouflée.

L'inquiétude de June a toujours su se lire rapidement, dans ses regards comme sur ses mains, peaux rongées de stress et d'angoisse, et ça a toujours été plus difficile à contrôler lorsqu'il s'agissait de Robin et Oliver. Elle semble porter à elle seule, tout le poids de leur amitié qui s'est effritée avec le temps, quand eux, portent le poids des regrets et d'un amour réduit en cendres. Rongées par toutes les questions qui tournent en boucle dans son crâne, elle ne sait pas faire la paix avec elle même, avec ses décisions, ni même avec son coeur qui hurle le nom de son mari. Dans une autre vie, elle aurait renoncé à son bonheur pour eux, poussant de nouveau les garçons dans les bras de l'un et l'autre. Mais dans celle ci, elle porte une alliance à son doigt, les photos de leur mariage sont précieusement conversées, malgré l'amertume de cette soirée, les larmes versées au milieu de l'alcool sur la langue de Robin. Dans cette vie, ils se retrouvent, à l'autre bout du monde, au fin fond d'une bibliothèque japonaise, comme si le destin s'était chargé d'eux, de les ramener à cet instant précis, quand ils étaient encore trois. Encore ensemble. Tout ça, ça a un gout de nostalgie pour June, elle a l'impression de briller de nouveau, de sentir la chaleur prendre possession de son être tout entier. Mais quelque chose cloche. Son coeur lui hurle, ses impressions sont toujours bonnes, elle ne se trompe que rarement, et c'est toujours vers son époux qu'elle vient chercher réconfort, pour savoir si elle devient folle, ou si ses ressentis sont justes. Aujourd'hui, aujourd'hui est l'une de ces journées où ça ne file pas correctement. Trop d'incohérences, trop d'hésitations dans les mots de Robin, dans ses gestes maladroits, mains presque tremblantes. Elle sait son inquiétude partagée, et ça a le don de la rassurer alors qu'elle revient à ce masque qu'elle porte souvent quand ils sont ensembles. Elle rigole aux mots d'Oliver, les traitant de traitres. I love coffee now, you should know... Ses yeux plissés de son sourire solaire sur son visage alors qu'elle suit les garçons pour aller s'installer. C'est vrai qu'ils ont beaucoup marché, et que leurs jambes commencent à fatiguer depuis leur arrivée. Alors, même si elle a tout d'une pile électrique, elle leur accorde ce moment de paix et de repos, prenant place à côté d'Oliver pour faire face à Robin. Sous la table, ses doigts se glissent dans ceux de sa moitié alors qu'elle porte son attention sur lui puis sur son meilleur ami quand les questions sont posées. C'est vrai, ils ne savent rien de ce qu'il fait ici, et parce qu'elle ne veut pas interrompre leur conversation, leur tentative d'intéraction, elle reste silencieuse, hochant la tête en souriant. Elle ne reprend que la parole après lui, lui expliquant leur déménagement et le cocon qu'ils ont eu la chance de trouver sur l'archipel. Que Robin devrait y venir un jour, elle préparerait un bon plat, comme avant, ce qu'ils ont toujours préféré. Ils finiraient par boire un peu de thé devant une vieille série anglaise où ils se moqueraient du jeu d'acteur médiocre de l'époque en riant. Mais Oliver vient la stopper, son regard se tourne vers lui. Elle ne fronce pas les sourcils, elle le regarde avec curiosité alors qu'il pointe quelque chose sur le cou de Robin, et soudainement, son regard change. June, éblouie par sa clarté, n'avait même pas remarqué les traces sur la peau du garçon. Oh Robin... Sa voix est douce alors qu'elle penche ses mains pour tenter d'emprisonner les siennes avec toute l'affection qu'elle lui porte. Can you show us? Oliver could maybe do something if you're hurt... Elle n'avait pas l'air en colère, ni déçue, non. June est inquiétude et son coeur rate quelques battements, du moins, elle en a l'impression. Did you fight with someone? Elle espérant que non, que ce n'était là que l'oeuvre de quelques aventures qu'il garderait secret. Mais encore une fois, l'impression de June lui hurlait que c'était quelque chose de plus grave, de sérieux, et l'habitude de Robin n'aidait pas à la rassurer. Don’t try to change the subject, Robin. If you have any problems, you can tell us, and we could help you... You're not made of glass but this, it’s not your type.. Ses doigts emprisonnant ceux du garçon à la peau livide, froide, qu'elle réchauffe de son contact. Talk to us, please. Elle avait peur, plus que tout, elle avait peur de découvrir des choses et des aventures où elle ne l'aurait jamais imaginé avant. Elle a peur de le perdre encore une fois, après toutes ces années d'absence et de silence, surtout depuis leur arrivée. Qu'est-il arrivé à Robin, son Robin ? Son coeur se serre, son esprit se torture. Aucun réponse ne vient combler ses questions.

It’s – nothing. L’hésitation donne envie à Oliver d’attendre, de lui laisser le temps de trouver les bons mots et enfin apporter les réponses au petit milliard de questions qui s'est accumulée (des années de fausses notes glissées par écran interposé). La simplicité n’a jamais été leur fort – à aucun d’entre eux, mais l’honnêteté avaient toujours su les maintenir à flot (à peu près). Oliver comptait dessus, maintenant plus que jamais. Parce qu’il ne pouvait pas gérer l’inquiétude de sa femme en plus de la sienne ; celle qu’il gardait, silencieuse, au fond de la gorge, mais qui pourtant débordait de ses yeux. Parce que cette hésitation laissait entrevoir tout ce sur quoi ils avaient fermé les yeux pendant trop longtemps ; la maigreur dissimulée sous son col roulé, creusée contre ses joues, les excuses flottantes accumulées, les prétextes, son refus de rentrer. Tous les points convergent enfin, se lient pour n’être qu’une masse informe qu’Oliver ne sait pas appréhender. Il a des questions qui se succèdent par millier, mais les mots s’écrasent contre la barrière de sa bouche fermée. Par peur de voir son propre tsunami emporter Robin devant lui, de le voir s’éloigner d’eux encore un peu plus – ne sait pas comment ferait June pour le supporter. Et le regard qu’il pose sur leurs mains liées ne fait que lui confirmer ce qui gronde au fond de lui – something is terribly wrong. Can you show us ? Le sarcasme qui menaçait d’éclater dans un rire mauvais est contenu, remplacé par un froncement de sourcil ; Robin n’a pas envie d’être vu. N’a peut-être même pas envie d’être là. Il se cache, depuis des jours (des mois), derrière des sourires vides et des apparences trompeuses. Il n’y aura pas d’honnêteté entre eux, sauf si le couple arrivait à lui arracher contre son gré.
Était-ce là tout ce qu’ils étaient devenus ?
What kind of weird choices are we talking about, exactly ? I’m not sure we have the same definition of that concept, Rob’. Là où June arrondissait les angles, tentait de l’atteindre à travers sa tendresse ; Oliver fonçait droit devant. Il manquait de patience (encore amer de lui en avoir trop donné). Peut-être manquait-il aussi d’un peu de cette bienveillance qui l’avait toujours guidé jusque-là. Le cœur trop plein de ce mélange infâme de frustration, de secrets et d’évidences qui continuaient de leur être cachées. Il n’avait plus envie de jouer, Oliver. Ne voulait pas non plus voir leur soleil se ternir à force d’essayer (d’échouer). Talk to us, please – who did this to you ? June avait raison ; ce n’était pas son genre. Le plus jeune ne nageait pas dans les problèmes (d’habitude), ne s’attirait pas les foudres d’autrui (plus depuis longtemps), il faisait simplement son chemin de vie dans un cocon de maladresse et de discrétion. Depuis quand est-ce que ça avait changé ? June is right, we can help. Just –  give us something, tell us the truth, come clean. Mais la phrase ne se termine que dans son esprit embrouillé, le corps plus vif à prouver que leurs paroles n’étaient pas que des bourrasques vouées à le duper. Les fesses se relèvent, la main tendue (comme il n’avait pas su le faire plus tôt) qui finalement se pose contre ce cou que Robin avait de nouveau enseveli sous le tissu. Le contact est assez bref pour qu’Oliver puisse dissiper les marques de l’affront sur la blancheur de sa peau ; mais suffisamment long pour rappeler à ses doigts la sensation de cet autrefois qui l’avait longtemps hanté. Et il devrait pas penser à ça, devrait pas retrouver sur sa peau des sensations oubliées comme ça – mais ça fait si longtemps. I’m afraid you can’t hide from us any longer. So … ? Le thé est laissé à l’abandon, mis de côté, parce qu’il n’y a plus que Robin qui compte. Lui, et ses misérables secrets.

La peau lui pique. Le col roulé le démange. Et sous les regards de ses amis, il se retient de gesticuler d'inconfort. De les supplier de ne pas le regarder. De ne pas observer cette pauvre carcasse qu'il devient au fil du temps et des années à ne pas le voir. Ils n'avaient jamais vu la misère étirer ses traits, ou du moins pas autant. Ils n'avaient jamais cherché sur sa peau des hématomes d'une bagarre mal déroulée. Et sur les poches qui ornaient ses yeux comme de bijoux mal polis, les réponses résidaient : la peur de voir Kayn réapparaître et menacer sa pauvre vie sous des répétitions de traître, traître, T R A Î T R E. Mais au confins de ses pensées, Neela était assise. Et dans le siège qu'elle occupait, elle le réclamait contre elle. Comme deux bêtes blessées, qui s'étaient blessées entre elle, qui léchaient leurs plaies en espérant se faire pardonner, aucun des deux n'en voulait véritablement à l'autre. Âmes meurtries qui ne savaient plus fonctionner l'une sans l'autre, il était la main ensanglantée de l'ombre quand elle tenait le couteau. Et dans le chaos de leurs vies, ils étrangleraient chaque obstacle.
Entre eux, June et Oliver n'avaient jamais eu de place.
Et il refusait de leur en donner une, dans cet univers qu'il s'était volontairement construit loin de ses deux amis. Pour ne jamais les inquiéter. Pour ne jamais les impliquer.

Alors quand le regard tombe sur les mains de June qui emprisonnent les siennes, il manquerait de pleurer. De la rejeter comme il aurait certainement dû le faire. Par peine, par colère, comme Neela lui avait assuré qu'il avait le droit de ressentir envers son amie. Par amour, parce que c'était tout ce qu'il pourrait jamais offrir à June. A Oliver.
Cette fois, il ne sait quel mensonge inventer. Alors le regard se perd sur les ongles de son amie, sur ses mots doux et courbés qui sont bien vite aiguisés par ceux de son mari. Il ne lui en veut pas, Robin. A l'habitude de ce qui le caractérise tant (de ce qui l'avait fait tomber sous son charme) : cette franchise. Oliver fonçait droit dans les soucis. Droit dans ceux de son entourage sans même se demander ce qui risquait d'exploser. Mais Robin refusait de les mettre en danger pour ses propres erreurs. Et si un jour Kayn réclamait la mort d'un être, il espérait que ce soit la sienne. Pas de ceux sans qui la vie n'aurait plus de saveur. Il a un soupir qui tremble, alors qu'un nouveau mensonge lui monte à la tête. Le regard repose maintenant sur Oliver. Pas vraiment dans ses yeux. Plutôt sur son front. « Let's say I have been careless and got into a fight recently. » Ce n'était pas vraiment un mensonge. Vérité à moitié camouflée. Il ne nommerait ni Kayn ni la raison de son arrivée dans son appartement. Ne dirait pas quelles abomination il avait pu faire (quelle confiance il avait encore perdue) pour en arriver là. « Nothing too bad. I just didn't want to alarm you. I'm sorry. » Et le regard se baisse de plus belle. Sous la paume de June, sa peau le démange. Il a envie de s'en extirper. Il a envie de se mettre en boule dans un coin de ce petit café charmant et de laisser sa tête reposer contre le froid du mur. Mais il est figé. Ne bouge pas. « I'm fine. » Dit-il en offrant un petit sourire. Un peu sincère. Un peu anxieux.

Et s'il ne bougeait pas quelques secondes auparavant, il manque pourtant de s'éloigner avec la vivacité d'un chat blessé, feulant sur la main tendue d'un étranger. Mais c'était parce qu'il ne connaissait que trop bien le propriétaire de cette main soudainement déposée contre sa peau que le regard se pose cette fois directement dans celui d'Oliver. Un peu plus grand. Surpris par le contact, mais, au fond, surtout terrifié à l'idée qu'il le touche là où Kayn l'avait fait quelques jours auparavant. Le frisson qui le parcourt quand le contact s'interrompt est plus violent qu'anticipé, le regard fuyant activement celui de l'homme, le souffle tentant de retrouver un semblant de terre ferme. De quoi s'accrocher à cette réalité qui lui échappait. Loin de ses mensonges et bien trop proche, tout à la fois. June a-t-elle senti ses doigts s'accrocher trop fort aux siens lorsque le palpitant s'était remémoré toute cette affection qu'il portait au plus grand ? « Don't look at me like that. It probably won't happen again. I didn't even know the guy. » Le regard de haine de celui qu'il avait autrefois osé nommer ami se reflétait dans le fond de sa tête. « Thanks. » Qu'il adresse cette fois à Oliver. Qu'il cache de nouveau derrière son pull un peu trop grand.
Et dans un sourire un peu triste, adressé d'abord à June (puis à Oliver qu'il fuit pourtant bien rapidement pour en revenir à son amie), il affirme : « I won't try to involve you in any uninteresting beef I had with some weirdo. Please don't try to avenge me. » Qu'il dit en ricanant.