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p a n d o r e ;
A se demander parfois, au creux de quelques œillades volées, de jugement ravalé, si les familles aisées le font exprès – se pavanent devant ceux qui n’ont rien jusqu’à faire miroiter leur richesse dans le prénom de leurs enfants. Si ça les fait marrer, bander. A se demander si c’est pour ça que leur jeunesse dorée brille autant, s’ils ont pas payé les étoiles pour s’incruster dans leurs sourires. C’en est presque insultant, cette arrogance qui prend toute la place, qui se placarde sur chacun de leur trait jusqu’à la rendre impossible à ignorer.

Mais il a d’autres problèmes, Seok. D’autres rêves qui l’attendent, des promesses plus grandes que cette valse des apparences à honorer. Il s’en fout pas mal d’être le clochard qui côtoie la belle, d’être l’ombre qui vit au crochet de la lumière. Parce qu’il y a son frère, toujours en arrière-plan, comme le démon qui pèse trop lourd sur l’épaule, sans aucun ange pour compenser vraiment. Et ça fait taire cette fierté qui n’existe (plus) pas. Ça le rend plus docile, plus flexible. Ça empêche de tourner les talons en arrivant au lieu de rendez-vous, de serrer la mâchoire dans l’espoir de ravaler l’aigreur déjà prête à être dégueulée. Le corps n’hésite pas à s’incliner, le regard à se défiler. Y’a pas d’honneur à préserver dans un homme qui n’existe pas réellement – seulement le temps d’un bonsoir, miss Águilar, d’une main tendue pour récupérer ses clés (la même qui l’invite à monter). Son nom, à lui, reste dans cette zone grise, floue. Celle qui partage leurs rencontres qu’il est peut-être le seul à relever. Qui se rempli d’insignifiants souvenirs – quelques regards à peine partagés, des sourires de circonstances, des demandes aux allures d’ordres qu'il se hâtait de réaliser. Lui se souvient, parce qu’elle est difficile à oublier, conscient de l’absence de réciprocité.

Et y’a cette odeur qui irrite ses sens quand il s’installe au volant – ça pue le neuf, le parfum hors de prix, et les relents d’une soirée d’excès. Les sourcils se froncent, pas habitués, la voix s’éclaircie à la recherche de plus de contenance. Il essaye d'être à l'aise dans cet habitacle, comme s’il pourrait un jour y être à sa place (avec ses baskets usés, son pantalon jamais repassé). Et les doigts hésitent sur l'écran du tableau de bord ; home qui apparaît comme une délivrance au milieu de son mutisme travaillé. Il veut pas parler, Seok, encore moins s’imposer. Par peur que les questions qui se forment au gré de son envie et de son imagination ne prennent trop d’espace – dans sa tête d’abord, sur ses lèvres ensuite. Il a le visage fermé de ceux qui ont trop à dire, la concentration de ceux qui veulent pas penser. Les yeux rivés sur la route, à l’abri du bruit qui tabassait les vitres, des néons qui réfléchissaient les migraines. Pourtant dans le silence trône cette sensation étrange, de ces rencontres forcées par le destin, un hasard peut-être trop gros pour encore y croire. Et toujours se refuser à glisser le moindre mot à travers ses lèvres, refuser d’un revers de main cette étiquette de stalker qui pourrait lui fermer des portes aussi grandioses que nécessaires.

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Elle fait de ses nuits des éclipses continuelles, soleil d’une obscurité qui ne vient jamais - c’est elle qui l’en empêche, de son sourire accroché aux étoiles. Elle ne le perdra plus, depuis que la bonne nouvelle est tombée. Le cancer a quitté le corps de Noé et l’angoisse ceux de son entourage, même si les médecins leur ont interdit les certitudes. Elle ne se retiendra pas de lui lever ses (trop) nombreux verres, ce soir et tous les autres, le cœur bien plus léger et l'esprit enfin un peu apaisé. Au moins pour un temps. Profitera de cet espoir que les années avaient entamé, sans réussir à l’annihiler tout à fait. Elle était sans doute trop têtue, incapable de croire que Noé allait perdre sa guerre. Il valait mieux garder les larmes et les mains tremblantes pour les derrières de portes, ne pas lui montrer quand elle chancelait. À y réfléchir, Noé avait été l’un de ses premiers spectateurs, de tous les côtés du miroir. Bien sûr, il voyait ce qu’elle ne lui disait pas dans ses yeux, devinait ses inquiétudes au creux de la commissure de ses lèvres quand elle souriait, lui serrait la main quand elle s’endormait près de lui, les traits marqués par l’angoisse du lendemain. Bien sûr, il lui mentait aussi, feignait le bien quand son corps était bousculé par la douleur. Mais depuis que la bonne nouvelle est tombée, ils n’ont plus besoin de ces mensonges et les sourires sont plus sincères que jamais. Pandore a l’impression de vivre deux fois, d’enchaîner une nouvelle journée alors que la nuit vient à peine de tomber. Il y a des verres, des amis, de la musique, et une heure qui se met à tourner sans s’arrêter.
Mais les meilleures choses ont une fin, et elle est trop alcoolisée pour voir la sienne. No te preocupas, I'll call a Hitch, lance-t-elle à l’une de ses amies, les doigts qui pianotent sur le téléphone pour appeler un prince charmant prêt à conduire son cheval blanc. C’est plus prudent.
Au début, elle ne le reconnaît pas ; c’est sans doute parce qu’elle ne le regarde pas, ou qu’à moitié. miss Águilar. Le salue avec toute la politesse et la grâce qu’on a fait infuser dans ses veines, mais ne s’intéresse à rien d’autre qu’à cette main tendue et à son nom de famille - qu'elle exècre entendre, ramenée à ces parents qui ne l'aiment qu'une fois sur deux, à ce doux sentiment d’hostilité qui la fait parfois se sentir comme une étrangère dans son propre entourage. Pandore, please, corrige-t-elle gentiment, hi, thank you, hum, Mais la phrase se meurt parce que son son nom lui échappe en même temps que lui et Pandore se contente du mystère, sitôt assise sur sa banquette arrière, la main posée sur son front et l’esprit qui tente de faire passer les vertiges.
I know you, même si elle s’étonne elle-même de couper ainsi le silence qu’il semblait quémander depuis son arrivée, autant qu’elle s’étonne de n'avoir pris conscience que maintenant de cette coïncidence, les yeux qui se sont enfin penchés sur sa silhouette dans le rétroviseur. Weren’t you at the reception last time? And… Elle cherche à voix haute, à défaut de pouvoir s'appuyer sur son esprit en manque d’énergie. And somewhere else, too, where was it… the auction, right? Les souvenirs sont flous, mais Pandore fait de ses rencontres des protagonistes en puissance, parfois même involontairement, marquée par des silhouettes qui se montreront à nouveau de l’autre côté du miroir, sans qu’elle ne puisse vraiment contrôler leur apparition. And now, Hitch driver… You wear many different hats, but I don’t think I’ve ever known your name… what is it? L’application ne lui avait rien donné d’autre qu’une photo un peu floue - sans doute un geste volontaire de sa part, puisqu’elle commençait à comprendre qu'il n’était fait que d’ombres, à l’image de ses métiers. I mean, you don’t have to tell me if you don't want to, ajoute-t-elle rapidement, dans un éclair de lucidité. Elle ne voulait pas s’imposer, le forcer à sortir la rejoindre en pleine lumière ; peut-être préférait-il l’anonymat, et peut-être était-ce leur dernière rencontre, l’apothéose d’après toutes ces coïncidences.

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Les masques fondent sur ses traits mobiles, se déguisent sous des airs qui ne lui appartiennent pas, simplement pour plaire. Il s’invente renouveau dans ces yeux perçants qu’il surprend dans le rétroviseur, glissade sur l’inconnu qui ne l’était pas tant. Elle place les pièces du puzzle avec maladresse, lentement, ralentie par les élans d’alcool qui prennent en otage un esprit d’ordinaire plus vif. Et lui qui a l’habitude des rails, des excès à outrance, des mots entrecoupés, des phrases sans commencement ni finalité, la laisse à son mystère sans importance. Il garde au coin de ses lèvres timidement retroussées la surprise de s’imaginer exister aux yeux des plus grands. S’imagine sa pudeur comme un compliment alors que le visage s’ouvre. Lentement. Sûrement. Il vient offrir dans une synchronisation millimétrée les réponses qu’elle échappe comme la clé à ses questions – the auction, yes. Le sourire grandit, les valises sous les yeux cherchent à partir en voyage pour n’y laisser que de la sympathie. Il tire sur ses propres ficelles, Pinocchio des temps modernes qui ne s’active que lorsqu’on lui demande. Échappe un rire qui se rajoute, brouillon, sur la montagne de ses artifices. Pourtant l’éclat qu’il y glisse sonne sincère, il a la mélodie des jours heureux, de la légèreté d’un cœur pourtant solitaire. Il sait pas quand il s’est habitué à ce vide à l’intérieur, ni comment il arrive à berner le monde en le couvrant de ce beau plus faux que beau. I guess i just happen to be where I’m needed. Joue de ses hasards pour s’ouvrir les portes d’un monde de rêve – à rêver d’en rester spectateur pourtant. La lumière appartient aux autres, même si les plus grandes statures n’impressionnent que par la taille de leur ombre. Yun Seok. Et il a rien à cacher ; ses vérités sont absolues parce qu’il ne s’invente que des manières, l’identité, elle, reste entière. Il est lui, seulement perdu dans un gouffre où personne l’entend crier. Yun as in fair, Seok for stone. Le regard s’agrippe à elle à travers le miroir intérieur, questionne en silence si les sinogrammes qu’il avait dessiné du bout du doigt dans l’air opaque de la voiture avaient trouvé un écho, quelque part dans un coin de conscience. Réflex inoffensif qui se rétracte contre le volant. Les yeux qui dévient à nouveau sur la route. Et sur ses lèvres closes, toujours plus de questions qui se superposent. Il aura caché la surprise par quelques lueurs d’amusement quand les regards se sont croisés pour la première fois, perdu dans l’obscurité entre le chemin de deux lampadaires – i know you. Il s’attendait toujours à tout, mais pas à ce qu’on arrive à découper son profil pour le replacer dans un contexte. Pas non plus à ce que la jeunesse dorée pose les yeux sur lui, ni se souvienne de sa silhouette qui a l’habitude se de noyer dans une foule de paillettes sans se faire remarquer. Can I ask you some ? Ses manières pèsent lourd sur cette langue qui menace de s’échapper. Qui pourtant patiente jusqu’à l’autorisation de la reine de soirée. I thought families like yours had drivers of their own. Why call a random Hitch ? Parce qu’il connaît la valeur de l’argent, son prix. Ses dérives. La lueur que les billets savent faire naître au fond des pupilles. Les désirs infectes qui pourrissent dans les poitrines. Surely not your safest option.

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Elle n’y croit pas, pas vraiment ; ce ne sera pas leur dernière rencontre. Elle a beau exécrer certaines parties de sa vie, elle ne peut que reconnaître que le destin sait mieux s’amuser que personne. S’il a mis cet inconnu sur sa route, elle le reverra sans doute, en serveur ou en chauffeur, en cuisinier ou en homme à marier embaucher, quel que soit le métier.
Il se montre patient, avec elle. Peut-être ne se souvient-il pas, ou peut-être qu’il n’a simplement pas voulu mentionner ce qu’elle vient de comprendre, vu l’envie qu’il dégage de faire la conversation - aucune. Peu importe, Pandore prend le temps que l’alcool lui impose pour fouiller ses pensées, ses souvenirs, démêler les choses du miroir de celles de la réalité. Elle n’envisage pas la silhouette encapuchonnée, pas une seule seconde, et en quelques instants elle s’accorde à penser qu’il vient de la réalité, pas des rêves. Son fantôme s’impose ; la trace à peine visible de ces moments où elle l’a aperçu, sans forcément lui parler vraiment, la réminiscence d’une silhouette qui semble l’avoir suffisamment marquée pour ne pas être oubliée. Il termine sa phrase, même, valide le souvenir de la vente aux enchères avec politesse et délicatesse. Elle ne sait pas si c’est parce que c’est elle ou si c’est simplement parce qu’il fait tous ses métiers correctement. Peu importe. Elle ne sait pas non plus si c’est vraiment lui, qu’elle aperçoit dans le rétroviseur, ou si c’est l’un de ses masques (il en a forcément plusieurs, autant que de métiers) et qu’elle ne le verra pas se dévoiler tout à fait. En tous cas, pas ce soir. Peu importe. Pandore est habituée à apprécier l’instant sans songer au pourquoi du comment. Le destin le remettra sans doute sur sa route, de toutes façons, et elle aura bien le temps de découvrir à quel point il fait semblant. I guess i just happen to be where I’m needed. Yes, and thank you, coz I definitely wouldn’t have been able to drive, s’amuse-t-elle, même si le remerciement est profondément sincère.
Yun Seok. Yun as in fair, Seok for stone. Il lève pour elle le plus grand des mystères et le sourire de Pandore s’agrandit, ravie - elle ne l’aurait peut-être pas été autant sobre, mais alcoolisée, son nom dans sa bouche a une saveur qu’elle ne peut ignorer. Elle n’a jamais été aveugle, seulement bourrée. Okay, Yun Seok, nice to meet you, finally. Sa voix ne cache rien de ce qu’elle ressent, se sert, avec toute la finesse que son état lui permet, de leurs rencontres passées comme d’un tremplin pour mieux le draguer. Elle reste polie et courtoise, malgré tout. C’est ce que sa chère mère désirerait, la manière dont elle l’a éduquée. Can I ask you some? Of course. I thought families like yours had drivers of their own. Why call a random Hitch? Surely not your safest option. Ravie qu’il s’intéresse, elle ne peut s’empêcher un soupir en entendant ses questions, plongée dans le chaos qu’est sa propre famille. Parfois, Pandore aurait aimé naître dans une autre, même si elle a conscience de son hypocrisie, satisfaite du luxe dans lequel son nom actuel lui permet de vivre. En réalité, elle voudrait seulement changer de parents ; mais ça, ça ne se choisit pas. Oh, my parents do. But they don’t care about me enough to get me one. Ce n’est pas l’alcool, qui la rend sincère, et peut-être que ça s’entend à sa voix assurée malgré son emprise. Pandore n’est juste pas dérangée par le sujet, ses relations compliquées avec ses parents ne sont plus une surprise pour quiconque. Yun Seok n’est pas le premier et ne sera pas le dernier à le savoir. Don’t feel sorry for me, I’m fine. She’s not. Elle aussi sait très bien faire semblant. I could get one myself, but I’m owning it. Danger’s way more fun anyway, don’t you think? Elle n’est qu’à moitié sérieuse ; elle sait qu’elle pourrait se défendre elle-même, et qu’elle est aussi protégée et bien entourée. But if I do someday, I’ll be sure to call you first. Peu importe, si elle n’a pas son numéro. Elle finira bien par le trouver. Attend le reste de ses questions avec une once d’impatience, galvanisée par sa propre curiosité.

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La langue roule avec facilité ; la même qui retient celle de Seok de soulever les zones d’ombre pour un peu plus de clarté. Et y’a un coin de ses entrailles qui l’envie, jalouse la façon dont elle sait offrir ses envies sans détours. Elle se cache pas, Pandore. Lui trouve ça étrange, presque idiot. Pourtant reste là, lui et son oreille attentive alors qu’elle déverse sa vie, sans murailles ni armure, son chauffeur de pacotille pour seul public. They don’t care about me enough. Vérité qui prend toute la place, écrase la poitrine de toute sa culpabilité dans des excuses ravalées (à deux doigts de s’échapper). C’est toute la légèreté de l’échange qui disparaît. Empêche les yeux de se retrouver. Parce qu’il ose plus, Seok ; peut pas faire comme si ses vieilles baskets troués n’avaient pas plongés dans des blessures débordant encore de sang bien frais. Il lui reste que la blancheur de ses dents pour massacrer les derniers bouts de questions suspendus à ses lèvres. Ça, et l’ouverture aussi ridicule qu’évidente qui se dissimule à peine dans la rhétorique de la brunette. Depends on the danger itself ; I’m not one to enjoy a good old fashion stabbing experience. L’imaginaire prend racine dans ce visage pour y creuser une subtile grimace ; anticipation absurde d’une douleur qui ne viendrait pas. Lui n’a plus qu’à chasser sa seconde de rêverie par un autre rire, se cacher dans la naïveté que la vie ne s’attaquerait pas à un homme déjà à terre. Pas encore à l’agonie, mais pas vraiment en vie. Il est juste là, maintenu par des fines ficelles de promesses d’une vie qu’il n’aura pas (il le sait, au fond, que rien changera ; pas maintenant, pas plus tard), qu’elle se plaît à tirer du haut de sa tour de cristal sans même le réaliser. Seok, incapable de refuser sa main tendue comme la plus belle des opportunités. Il plonge, à s’y noyer, dans cette course contre l’argent qu’il est pourtant certain de jamais gagner. I appreciate it. La reconnaissance pas même cachée, persuadé quelque part que ces gens là s’en nourrissent pleinement. But i’d rather wait for you to be safely back home to rate me 5 star first. Le regard qui s’échappe, glisse dans les rétroviseurs, surveillent avec attention la route qui ne se vide pas avec les heures. Le pied patiemment posé sur l’accélérateur, interdit du moindre excès quand sa passagère en déborde. I would hate my success to be all thanks to my handsome features. La gorge hésite à ravaler le faible éclat qui menace déjà de s’envoler. Il a juste l’impression de s’enfoncer, dévoré par les ombres de la nuit et les dessins qu’elles peuvent laisser refléter sur son visage pourtant innocent – on apprend très tôt à se méfier des gentils. Elle devrait en faire autant. Nouveau regard déposé sur son corps ensoleillé, nouveau sourire partagé ; il a le service facile, et elle l’a évident (sûrement). Do you mind me taking another road to your house ? There seems to be a bit of traffic ahead. Demande qui n’existe que pour évincer le moindre doute sur sa personne, la perdre dans les rues à peine éclairées de la ville ne figurant pas sur la liste de ses objectifs principaux.  

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L’atmosphère a vrillé, parce que Seok a compris qu’il avait pris des montagnes russes sans être certain d’être bien attaché. Pandore s’est offerte dans toute sa sincérité, peut-être un peu trop ; il faut dire qu’il n’est pas habitué et que ça surprend forcément, parce que c’est comme s’il lui avait posé une question sur la météo d’hier, alors qu’il a plongé les pieds en premier dans le plat-Águilar. Dans tous ses vices tordus et sa complexité démesurée. Tout ce qui lui donne la nausée, mais dont elle ne pourrait pas se détacher. Les poignées en or ont quelque chose d’élégant, au fond. Impossible de totalement la dépouiller de son luxe natal - ses parents l’avaient bien compris, appuyaient sur la corde sensible que Pandore serait toujours incapable de pleinement couper. Dans tous les cas, elle n’aurait pas pu partir sans se retourner, rien que pour Noé. Elle voudrait lui dire que ce n’est pas grave, que cette question ne la dérange pas. Mais le moment est passé et la légèreté avec, et Pandore n’y peut plus rien. Tant pis, elle la ramènera de force, se fera soleil en pleine nuit noire, comblera sa gêne par la drague et sa curiosité. Depends on the danger itself ; I’m not one to enjoy a good old fashion stabbing experience. Les lèvres étirées dans un sourire amusé, Pandore se réjouit de ce qu’elle aperçoit dans le rétroviseur. De ce miroir qui lui répond, de cette silhouette qui ne reste pas de glace à ses tentatives de chaleur. Ah, yes, that seems reasonable indeed. Et de lui tendre la main depuis sa tour exécrée, Pandore espère qu’il la récupérera ; à défaut du danger, presque sûre qu’elle va rentrer en toute sécurité, elle aimerait aussi passer une bonne fin de soirée. I appreciate it. But I’d rather wait for you to be safely back home to rate me 5 star first. Come on, don’t underestimate yourself. I would hate my success to be all thanks to my handsome features. Elle s’arrête, pleinement engoncée dans le siège, donnant son accord en silence, amusée mais surtout séduite. (Elle voudrait d’autant plus passer une bonne fin de soirée.) That would be a shame. It does help, though. À nouveau, les sourires se répondent et Pandore se met à espérer du trafic pour ralentir la voiture et lui laisser un peu plus de temps, une véritable occasion de faire connaissance avec les coïncidences. Et c’est comme si le destin lisait dans ses pensées, mais seulement à moitié ; Do you mind me taking another road to your house? There seems to be a bit of traffic ahead. Elle s’en voudrait de l’obliger à rester plus longtemps que nécessaire et regarde la route qui s’étend devant eux comme si elle avait besoin de voir le trafic de ses propres yeux, pouvait anticiper le temps d’une simple observation. Sure, now that I know I probably won’t be stabbed. Elle croise ses yeux dans le rétroviseur, semble hésiter - ne se retient qu’à moitié. Don’t worry. About the parents thing. I don’t mind you asking. Don’t feel guilty. Do you have other questions? Shoot.

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Il la regarde, sirène aux écailles qui scintillent dans le trop sombre de la nuit, reste pourtant impénétrable. Les pupilles qui se rencontrent, se lient, et s’échappent. De quoi se sortir de la banalité de la route, de l’éclat froid des lumières de la ville (celles qui clignotent, qui fatiguent, alors qu’elle, illumine). Il se demande si c’est l’alcool qui se fait artiste, qui peint un portrait aux plus belles couleurs que la réalité. Sait au fond que c’est faux, parce qu’elle a toujours brillé Pandore. Elle a ce charme ancré dans la peau, la conscience bien éveillée (peut-être trop). A prendre ses aises, lâcher des compliments comme on balancerait des politesses de façade – simplement. Il connaît pas bien les règles Seok, alors il fait comme il fait toujours ; reste en surface. Il devine à tâtons les limites d’un jeu qu’il suit à l’aveugle. Retient un audacieux you should know qui n’a pas sa place ici (il est trop tôt). Il préfère les devinettes de leurs sourires, en sachant qu’elle s’imagine trop. Quel mal existe-t-il a laisser planer un doute qui s’oubliera demain – aucun. Pandore s’accroche, pourtant. Ses envies de conversation qui glisse sur ses lèvres, curieuses, se suspendent au rétroviseur qu’il évite un temps. De peur d’y rester scotché à son tour, les yeux loin de la route sur laquelle ils restent posés sagement. Il tangue dangereusement vers le personnel, I never meant to overstep, pour revenir à la trivialité de leur relation. Ne t’écarte pas des chemins battus. I don’t know, let me think. L’attention portée ailleurs ; clignotant, rétroviseur, boîte à vitesse, et la voiture qui s’engage dans l’étroitesse de ses raccourcis. Il a pas l’âme curieuse, Seok ; à vivre dans la retenue et l’ombre, à compenser pour ceux qui vivent trop, parlent trop fort. Parfait opposé de sa passagère. Et l’esprit se vide sous le mécanisme douloureux des méninges qui s’activent, cherchent à résoudre un problème qui n’en est pas un. How about this instead ; you give me three random facts about yourself, and l’ll try my best to figure out which one of those three is a lie ? Nouveau regard à travers le miroir, à la recherche d’un signe – approbation, contestation, qu’importe. Et si elle refuse, il demandera simplement pourquoi. Game on.

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Et si demain, ils ne se revoyaient plus jamais ? L’oublierait-elle, cette ombre au nom de pierre, cette silhouette de glace que sa voix tentait de réchauffer, sans être sûre d’y parvenir entièrement ? Et lui, se rappellerait-il de cette âme-soleil aux maux prononcés trop vite, trop fort ? Il pensait s’être retrouvé avec sa boîte dans les mains, destinataire du colis du mythe ; mais la vérité, c’est que Pandore ne s’est montrée qu’à moitié, a jeté en pâture les maux évidents et s’est gardée de dévoiler les plus profonds. C’est toujours comme ça, avec les soleils. On voit ce qu’éclairent leurs rayons, à tel point que cette vue surpasse le reste, sature la vision - l’évident. Mais on ne parvient pas à deviner ce qu’il y a de l’autre côté de l’astre, ce que réserve le soleil à son contraire, ce qu’elle ne dit pas, parce qu’elle ne veut pas ou parce qu’elle-même ne le sait pas. C'est toute la beauté du mystère, comme si Seok se voyait offrir une boîte à demi-ouverte, incapable de deviner ce qu’en cache le fond.
Elle pensait qu’il avait d’autres questions - s’était imaginée capable de satisfaire sa curiosité, mais Pandore se heurte à sa réflexion, pas à l’instinct d’interrogations qu’il n’avait pas osé prononcer. Tant pis, ça ne l’arrête pas ; les genoux se croisent et la main s’appuie sur le siège, dans le silence de l’attente, à ne surtout pas se cacher de son observation, les yeux fixés sur sa nuque et, au-delà, sur les traits qu’elle devine dans le rétroviseur. Elle le regarde, vraiment, fait de cet inconnu croisé par hasard une œuvre d’art en attente d’exposition, une qui mérite le passage. Il n’a pas l’air de considérer qu’il en vaut la peine, et ses yeux s’attachent à lui prouver le contraire, en attendant qu’il trouve ce qu’il voudrait lui demander. How about this instead ; you give me three random facts about yourself, and l’ll try my best to figure out which one of those three is a lie? Le sourire s’agrandit. Game on. Alright. Am I allowed to buy you a drink if you succeed? Or do you usually keep things… strictly professional? (Et se prépare à la déception, mais ne se couchera avec aucun regret.) Peu importe, Pandore s’enfonce dans son siège et réfléchit à quel côté de l’astre elle veut lui faire admirer. One, I have a little brother that just got in remission for his cancer. Two, I have a pet snake. Three… I’ve lived almost all my life in Puerto Rico, l’accent espagnol se glissant naturellement au moment opportun, comme un indice ou un coup de bluff bien placé. (Im)Patiente, les yeux qui ne quittent pas le ciel étoilé de sa nuque et de ses traits, elle prend un air malicieux, curieuse de savoir s'il saura repérer le petit mensonge ; tout aussi curieuse de savoir ce qu’il pensera des deux vérités.