honor in revenge (seok)

can you remember who you were
before the world told you who you should be

Don't tell mum and dad – i won't, le refrain entêtant de leurs week-end toujours annoncé par les mêmes notes, les mêmes promesses qui se nouent autour d'un sourire alors que le plus jeune s'échappe encore. Lui reste là, planté dans sa campagne. Les pieds prennent racine, tendrement, au fil de cette lenteur qui ne dérange pas. Il ne court pas après l’effervescence de la ville, Seok. N'aime pas la froideur de son bitume, le monochrome de ses rues. Le genre de résilience qu'il a observé toute sa vie chez ses parents ; leurs racines trop profondément plantées dans le sol pour qu'ils puissent espérer un jour s'en défaire. Une vie que le plus jeune vivait souvent comme une punition ; le genre d'opinion que Seok lui regrettait sans jamais lui en vouloir. Pourtant le cliché qui s'est imprimer dans sa mémoire reste rassurant ; le vent qui gronde entre les flans de la montagne, le vert irréel des collines, le ciel indécis qui joue avec ses teintes. Les pieds las de son père qui raclent le sol poussiéreux, lourds de leur journée de travail. La voix nasillarde de sa mère en envolée lyrique, rythmée par la liste sans fin des reproches accumulés en son absence. Loin d'être un paradis sur Terre, il y avait de la vie en eux – chez eux. Parfois trop, dans les soupirs de son frère, et les rires discrets qui glissaient sur les lèvres de Seok. Mais, quelque part, jamais assez.

Ils disent contraires, pour ne pas risquer de faux pas à oser les opposer. Eux préfèrent complémentaires, parce que cette distance qu'ils veulent silencieusement leur prêter n'existe pas – n'a jamais été. Des jumeaux qu'ont pas eu la chance de naître la même année, mauvais timing si facilement oublié. Tout est facile, les pieds évitent les embûches, les langues le mot de trop. Ça se retrouve à chaque fois que le soleil tire sa révérence, là, au milieu de leur campagne profonde ; ça parle de rien, mais surtout de tout. De ce qu'ils sont, ce qu'ils seront. De ce monde que le plus jeune est déjà prêt à refaire, et des promesses de l'aîné qui sera évidemment à ses côtés. Et ça a pas à être vrai, l'important c'est de le dire pour se donner l'impression que ça le sera. C'est à ça que sert un grand frère – engloutir la noirceur jusqu'à en gerber, laisser les nuages traîner au dessus de sa tête pour voir le soleil briller sur cet autre qu'on s'est un jour juré de protéger. Il prend les balles pour lui, même si y'en a pas. Il remplace le jugement par des sourires, l'anxiété par des promesses. Cherche à combler la moindre faille, à contrecarrer le moindre doute. Éternel rempart, déjà effacé pour voir l'autre exister.

i have never understood where the line is
between sacrifice and self-slaughter

Y'a encore cette fierté absurde qui résonne dans ses oreilles quand il pense à tout ce qu'il ferait autrement s'il pouvait faire marche arrière. Ce moment ridiculement long, laissé là en suspens, dans le silence de leur incompréhension, où tout hurle à la fausse-bonne idée – cette panique qui prend naissance au cœur de l'estomac, le trop soudain qui prend toute la place, qui vient étouffer l'orgueil des parents (cette étincelle foireuse qui illumine jusqu'à leurs sourires) What do you mean, you're sending us to a school in Japan. Et la fierté se fane comme le dialogue se ferme. La nouvelle devient sentence ; de celles au goût de fer quand la lame se plante dans le dos. This is a once in a lifetime opportunity. Les pieds racines se décollent du sol. Jin's teachers have been praising him so much, it can't go to waste. Atterrissent sur une terre qui n'est pas la sienne. It's gonna be ok. It's gonna be fine. Il veut y croire. A besoin d'un pansement pour couvrir toutes ses peurs, les doutes qui l'assiègent, qu'il commence à deviner sur le visage de son frère. Don't worry, it's gonna be fine, murmure mensonger qui rassure, dans cette chambre partagée misérablement étroite, arrachés à tout ce qu'ils connaissaient en sacrifice à tout ce qu'ils deviendraient.

Les masques se superposent, se mélangent, deviennent ce visage passe partout qui ne lui ressemble plus. Il s'est oublié dans sa course contre l'argent, la jeunesse perdue sous les cernes, la combativité qui s'efface entre deux bâillements. À jouer tous ses rôles dans une perfection approximative, Seok s'est perdu en chemin. Devenu le pantin d'ambitions qu'il a fait siennes, le devoir filial en boulet supplémentaire qu'il traîne bruyamment derrière lui, les chaînes rattachées à sa cheville raclant le sol à chaque nouvelle paye. Il compte les jours qui deviennent des nuits ; livreur, barman, mascotte, vendeur de nuit dans ce konbini moisi, baby-sitter, serveur, chauffeur pour cette richesse qui ose, arrogante, balancer à outrance des l'argent de fait pas le bonheur. Il laisse la vie (la vraie) à ce double bien plus solaire – lui ses amis, il les compte sur les doigts d'une main. Parce que les obligations passent avant ; il a pas le temps pour des soirées qui s'étirent jusqu'à ce que le soleil soit levé, n'a pas le temps pour ces trois heures perdues au karaoké. Certains comprennent – la fille Aguilar en fait partie. De ses caprices inoffensifs, à grand coup de sourires colorés, elle s'est imposée sur cette main comme un des seuls noms qui comptaient vraiment ; parce qu'elle a l'argent, l'influence, et cette humanité rayonnante qui sauve tout le reste.

i wonder if i will ever find a language
to speak of the things that haunt me the most

Il a pas compris tout de suite, Seok ; pourquoi le visage de Pandore s'est imposé dans son deuil, comme un couteau qu'on se plaît à tourner dans une plaie béante. Il se souvient surtout d'un bout de son sourire, comme un flash de lumière alors qu'on venait de le plonger dans le noir. Le genre de sursaut qui garde en éveil, qui stimule la seule partie du corps pas tout à fait endormie – tout le reste était mort avec lui. On lui avait volé sa famille, son soleil. On lui avait pris sa vie entière, et y'a personne que ça intéressait vraiment. Malgré les excuses, les condoléances de passage, les regards remplis de pitié qu'il ne voyait qu'à travers le prisme de sa propre colère. Il avait perdu son frère, bêtement – parce qu'il avait pas fait attention, qu'il avait sûrement baissé la garde l'espace d'une seconde. Il l'avait laissé seul. Il avait merdé. C'était de sa faute. Incapable de protéger la seule chose qui avait vraiment du sens dans ce chaos bien organisé. Les promesses ont volé en éclat en même temps que la nouvelle traçait sa route à l'intérieur de son crâne. Et rapidement la culpabilité s'est installée. Gourmande, elle a grignoté ce qu'il restait de bon en lui ; a fait de la place pour accueillir cette colère plus grande que le monde. Celle qui portait son nom – Pandore. Pandore, qui avait tenu sa main pendant des années, qui lui avait tourné le dos pour quelques secrets bien gardés. Pandore, qui avait fait de son frère l'objet de sa vengeance. Pandore, qu'il retrouvera en enfer.

. . .