— Naufrage étoilé (hauru)

Ils n'ont jamais été bons, ils n'ont jamais été des gens sur qui l'on pouvait compter. Ils s'aimaient lorsque la lune dansait au dessus de leur corps, mais se détestaient quand le soleil venait calciner leur coeur. Et il en est né, l'enfant des cendres. Il arrivé en ce monde sans amour, sans chaleur, sans attachement envers lui. Comme inconnu dans les bras d'une mère qui n'a cessé de pleurer. De rage, de colère. Elle le détestait déjà. Elle lui ferait payer son erreur, quand il n'a jamais commit aucun crime, si ce n'est que celui de naître.

Des violences, contre ses oreilles. Les hurlements à chaque erreur, à chaque mouvement. Il aurait dû rester dans un coin de pièce, ne jamais lever les yeux. Pourtant, ça n'aurait rien changé, ils n'auraient jamais aimé cet enfant qu'ils prenaient plaisir à torturer. Des mains, des poings, la ceintures contre son dos à en peindre les bleus, les cicatrices sur la peau encore enfantine. Naïf, pourtant il connaissait déjà toute la laideur du monde.

Il n'y avait aucun refuge, entre les murs de l'appartement. Le seul était cette école, loin de la Corée, proche du Japon, enfermé dans les dortoirs dès son plus jeune âge. Il ne rentrait que rarement. Et le fardeau pesait, les angoisses détruisaient et brulaient son estomac. Il ne voulait pas les revoir, ne voulait plus en recevoir châtiment jamais mérité, s'enfuir de ce cauchemar qui ne cessait pas. Désir presque exauscé quand le coussin s'est écrasé contre son visage une nuit, des nuits à ne rarement fermer les yeux. Il ne s'est pas débattu, il attendait silencieusement la fin, lorsque son souffle finirait par quitter ses lèvres une dernière fois.

Mère au courage trompeur ! La panique a fait céder les envies de le voir disparaître de cette manière. Elle a abandonné, elle a jeté l'oreiller loin de tout, des larmes sur ses joues. Des regrets ? Il n'y a jamais cru, à cette époque. Elle était faible, elle l'a toujours été. Incapable d'aimer, incapable de se battre. Incapable de faire disparaître son propre crime.

Silence.

Et il n'y avait qu'une solution à leurs maux. L'abandonner, laisser cet enfant vers des ailleurs où ils ne croiseraient plus son regard, ne toucheraient plus jamais sa peau. Grand père immigré sur l'île magique depuis des année, il y est envoyé comme une bombe à retardement, un fardeau que l'on refuse de porter. Sous les yeux intimidant du vieil homme, et à travers ses yeux pourtant remplis d'amour, le traumatisme de l'enfance lui fait oublier ces souvenirs malheureux. Les jeunes années, les tortures, les hurlements. Hauru vient enfin de naître. Dans les bras d'un grand père qui l'aime comme son propre fils, comme s'il avait toujours été là. Et quelque part ;

Il restera à jamais son unique famille. Celui qui lui contait quelques histoires l'hiver, au coin du feu. Celui qui haussait un peu la voix, quand il rentrait tard, couvert de boue, d'éraflures, mais il ne pouvait le blâmer pour essayer de vivre, pour respirer enfin. Sur ces chemins de terre et de poussière, dans les fonds de la bibliothèque du village, quand il sautait du train après l'école, et allait retrouver celui qui a bercé son adolescence, l'âme soeur. Avant que le printemps ne finisse, un jour, par l'emporté, lui aussi. Raison de l'âge et de la maladie.

Voisinage calme, il ne l'a jamais remarqué ailleurs que dans les allées de la bibliothèque. Livre adorés, aimés ! A en dévorer chaque ligne. Lui aussi aimait livre, et maladroitement, les noms se sont échangés sans savoir qu'ils étaient voisins. Sans savoir qu'ils seraient une bouée de sauvetage pour l'un et l'autre. Te voilà, avait murmuré son âme, quand il avait déjà envie de le garder, de le serrer si fort dans ses bras.

Même quand la vie a vacillé ! Que Kenma n'était plus que fantôme au fond d'un lit d'hôpital. Il n'y avait pas de réponse, aucune solution. Il a séché bien des cours pour rester à son chevet, lui contant ces livres qu'ils aimaient tant, pour ne pas lui montrer à quel point son coeur souffrait de le voir ici. De le voir mourir, lentement, à petit feu. Je te sauverai. Il l'a promis, silencieusement, dans son esprit. Quand les douleurs étaient fortes. Il ne voulait pas le perdre, pas lui. Pas Kenma.

Coloc bancale, arrivé comme un fracas ! Hauru et ses habitudes à en défier les émotions et la vie simple de Noriko, avant qu'il ne finisse par s'y habitué. Chaleur d'un foyer qu'il avait peur de ne plus connaître après la tempête que la vie lui avait imposé, encore et toujours. Et entre ses murs, les rires sont nés, de ceux qui ont toujours côtoyé le garçon. Kenma, comme élu de son coeur, sentiments autrefois silencieux, il vient le crier sur tous les toits, maintenant. Yujin, sage, jamais sûr de lui et cette envie de le protéger de tout, de la vie et de lui-même, petite grenade qui n'attend que d'exploser. Assem, le soleil, celui qui s'est accroché à lui comme pilier, celui qui est parti quand Hauru aurait aimé l'accompagner, oublier ses chimères loin de tout. Ils font tous rêver, quand toute cette grande fratrie ne cesse de s'agrandir, les animaux, le chat, Johnny, et ceux qui continuent à passer le seuil de cette porte magique. Bienvenue à la maison.

Il ne dort pas, ou peu. Dans les bras de l'amoureux, il trouve parfois la paix, sans y parvenir réellement. Les yeux se ferment, et ça fait mal, ça pique son dos, ses hanches. Ca hante ses rêves, ses sauchemars, ces brides d'un passé dont il ne se souvient pas. Enfance fracassée et il lutte, lutte pour ne pas s'en souvenir. Poudre blanche aspiré, herbe qui vient remplir ses poumons quand l'estomac n'est pas brûlant de l'alcool ingéré, que les tympans ne souffrent pas dans la musique quand il sort, quand tout vient l'étouffer avant qu'il ne finisse par lui même se noyer. Il ne demandera pas pardon, seulement à Kenma, avant qu'il ne soit trop tard.