Listen before i go — Sae

La poitrine est lourde, l'air est difficile à inspiré. Il y a des jours plus faciles que d'autres, mais celui ci n'en fait pas parti. Le coeur bat difficilement, trop vite peut-être, ou trop lentement. Le poing contre sa poitrine, penché au dessus du lavabo de la salle de bain, il voudrait que ça passe, alors qu'il a peur de croiser son propre reflet, d'en voir bien des démons. L'amant a quitté les draps depuis longtemps maintenant, et la solitude de l'appartement le rend presque malade. Tout devient plus froid, la chaleur quitte la chambre et toutes les autres pièces. Il déteste cette sensation, celle d'être incomplet. Mains tremblantes, larmes qui forment des rivières sur ses joues rosées, les jambes ne savent plus tenir alors qu'il vient s'effondrer sur le sol, incapable de respirer, quelques goutes de sang sont crachées, viennent tâcher le blanc immaculé du sol. Il sait qu'il ne va pas bien, rongé depuis des mois par la malédiction, par le yokaï qui trouve peu à peu son chemin jusqu'à son âme, jusqu'à son coeur qu'il vient agripper de toutes ses forces. Il n'y a qu'Assem qui sait, pour l'instant, l'ampleur de sa santé qui vient s'évanouir avec le temps. Des solutions qu'ils ne trouvent pas, les livres sont dévorés à la recherche d'un sort magique, d'une façon de le sauver. Mais plus le temps passe, et plus il se sait (il se sent) condamné.
Bruit sourd dans l'appartement, ça peut être Soo, comme Sae. Il sait qu'ils rentrent à leur guise, qu'ils font comme eux, car c'est ce qu'est cet appartement, une maison pour tous. Les jambes s'étirent, le corps se relève, le paume de sa main vient essuyer le sang à la commissure de ses lèvres. Faire semblant, c'est parfois la seule solution. Il inspire une dernière fois, la seule inspiration dont il est capable, avant de sortir, faire face à une vision qu'il n'attendait pas. Il se stoppe une fois dans le salon, la silhouette qui vient s'imposer à ses yeux, eux qui prennent peur. The fuck are you... Et Mini ne comprend pas qu'il n'y a personne d'autre que Sae derrière ces formes qui se déforment. Il ne comprend pas que c'est encore un tour du malin qui vient le hanter, lui montrer ses pires cauchemars sur ceux qu'il aime. Go away. GO AWAY!! La voix se casse, se brise en tant de morceaux qu'on ne pourrait pas tout réparer. Vase attraper alors qu'il recule, il a peur, il voudrait disparaître mais il n'a pas assez d'énergie, il n'a pas assez de force, seulement celle de lancer l'objet sur la silhouette monstrueuse, la céramique se casse, l'eau s'écoule et les fleurs se déchirent entre elles. Go away, go away, go away. You're not real. You're not here. You're just à monster. Go away. FUCKING GO AWAY! La rage s'empare de son corps si frêle, les hurlements résonnent alors que le sang perle de ses lèvres, tâche ses dents si blanches, le tissu de ses vêtements.
Il est condamné depuis trop longtemps.

Il passe sa porte comme il le fait tous les jours, sans savoir qu’aujourd’hui il entre dans un autre monde, son enfer, sur le point de découvrir ce que Mini cache depuis on ne sait quand - Saebyeog ne sait pas, ne mesure pas la gravité. Comment pourrait-il ? Il n’y a rien de différent, rien d’inhabituel. On ne sait pas quand la météo va changer et que l’orage va exploser, il ne prévient jamais de son arrivée. Pour l’instant, celle sous leur peau, au creux de ses entrailles, a des airs de journée paisible, le ciel seulement traversé par la brise - et s’il fermait les yeux, peut-être qu’il se verrait à ses côtés, en haut d’une falaise, à écouter le bruit de la mer.
L’appartement est vide et silencieux et Saebyeog attend un moment avant de s’avancer vers la chambre. Il n’en a pas le temps : l’orage gronde et en une seconde tout se délite, parce que Mini est arrivé dans le salon mais que son teint est livide et ses yeux éteints par la peur, la panique (la colère?). “The fuck are you… Uh?” Lui n’a pas peur, parce que lui ne comprend pas. Lui se retrouve seulement face à ce frère qui ne semble pas le reconnaître, le dévisage comme un étranger, voire comme un ennemi. “Mini?” Il n’y a que ça à faire, demander pour dissiper les interrogations avant qu’elles ne se changent en inquiétudes, chercher à être rassuré avant même d’angoisser.
Ça ne fonctionne pas, ça fait même tout le contraire.
“Go away. GO AWAY!!” Les sourcils se froncent autant que le ciel, au creux de ses entrailles, soudainement rempli de nuages. Saebyeog ne comprend pas, la main tendue vers son meilleur ami, tente de le rassurer sans comprendre où est la menace, si ce n’est qu’elle semble ne faire qu’un avec lui. “Mini, it’s me, it’s Saebyeog, what- La fin de sa phrase s’écrase dans le fracas du vase empoigné puis lâché par Mini, non, lancé - Saebyeog n’a pas le temps de l’éviter, un peu trempé par l’eau des fleurs jonchant le sol, le souffle coupé par la violence de la céramique s’écrasant contre son torse. Il cherche dans son regard la moindre solution, la moindre explication. Il n’est pas temps de comprendre mais de le sortir de cet état de transe, sauf que Saebyeog ne sait pas comment s’y prendre, désarmé, la main tendue qui s’est recroquevillée sur le point d’impact du vase. “Go away, go away, go away. You're not real. You're not here. You're just a monster. Mini it’s me, it’s- Go away. FUCKING GO AWAY!” Chacune de ses tentatives s’écrase et sa propre peur augmente, en même temps que grandit l’incompréhension et l’impuissance. Comment l’aider quand il ne voit en lui qu’un ennemi, à la place de son frère ? Il ne peut pas rester sans rien faire, se contenter d’observer impuissant le sang tâcher ses lèvres, couler sur ses vêtements ; voudrait le prendre dans ses bras, le rassurer, voudrait le secouer, s'il savait que ça fonctionnerait. Mais il n’ose pas s’approcher, reste à une distance raisonnable, la main qui se tend à nouveau vers lui, le ton qui se veut rassurant et bienveillant. Au fond il sait, ce qui se passe, comprend que l’état de Mini s’est aggravé (depuis quand?), mais il n’a aucune idée de comment l’en sortir. “Mini, you’re hallucinating, it’s me, there is no monster, it’s just you and me. あなた、私、そして全世界” Se dit que leur phrase réveillera peut-être de sa torpeur l’âme emprisonnée, même s’il n’y croit qu’à moitié.

Comment est-ce que tout cela a commencé ? Quand ? Les souvenirs sont douloureux dans sa mémoire autant que dans son coeur. Il se souvient de la nuit éternelle qui enveloppait son corps et ses peurs, des voix murmurées à ses tympans, cherchant à tenter l'enfant avec des désirs improbables. Faible garçon qui voulait simplement revoir la lumière du jour, entendre la voix de sa mère à travers le brouillard. A présent, ton monde sera gris, les voix ne sonneront plus comme avant. A présent, tu ne seras plus qu'un fantôme. Des paroles qu'il ne comprenait pas plus jeune, mais au fil des années écoulées, leur sens s'est incrusté dans sa poitrine. Il n'y a pas de solution ni d'antidote à ce poison qui hante son âme. Car tapis dans l'ombre, le diable attend de dévorer ce qu'il reste de lui, de sa vie, souillant encore et encore l'âme qui habite cette carcasse qui ne cesse de pourrir de l'intérieur. Grenade qui peut exploser à tout moment, dans une heure comme demain. Comme dans 3 mois ou 10 ans. Non, non il ne tiendra pas aussi longtemps. Il est coincé, dans cette réalité qui ne lui appartient pas, coincé dans les ténèbres d'une nuit qui semble ne l'avoir jamais quitté. Il ne parvient pas à se réveiller, à rouvrir les yeux sur son monde, sur Sae qu'il ne reconnaît pas. Il ne voit que le sang qui perle de son propre corps, de ses lèvres. Les yeux rivés sur l'hémoglobine qui tâche ses paumes. Rire qui s'échappe de sa gorge, le regard est habité par la peur, les terreurs, et son coeur, lui, se tue à chaque seconde. I'm dying. I'm dying. It's soon the end. Alors qu'il se perd dans ses propres mots, dans le délire que son être lui fait voir, et vivre. Et aux paroles de son meilleur ami, frère, moitié de son âme, l'attention revient sur lui. Oh, on pourrait croire qu'il revient enfin à lui, qu'il comprend, qu'il le voit tel qu'il est. Mais ce n'est qu'un mirage, un instant figé dans le temps. Il s'approche, lentement, laissant les bras retomber le long de ses hanches. Saebyeog? Les pas se stoppent face à lui. Il semble le regard, plongeant ses orbes dans les siennes. Un moment de paix, mais les secondes sont des poignards qui s'enfoncent dans son esprit torturé. Il ne le voit pas, toujours pas. Ce n'est pas lui. C'est un monstre. You're not him. You're just a monster. A living monster. I need to kill you. I can't find peace if you live, monster. Et à ces mots, les mains se portent violemment autour de son cou qu'il serre, serre, serre, encore et encore, jusqu'à lui couper la respiration. Il y a la haine dans ses yeux, et le néant l'accompagne. Ce n'est pas lui, ce n'est pas réellement Mini. L'ombre derrière lui se fait soudainement plus imposante, plus puissante à chaque fois qu'il resserre ses doigts autour de la peau qui ne cesse de blanchir. I need to kill you. That's the only way. 'Cause you're just in my head. Right?

Mais il n'y a qu'un seul monstre.
Une seule abomination.
Lui-même.
Mini.

Ils plongent, sans retour, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. Mini s’est perdu, englouti par ses propres démons, à tel point que Saebyeog ne sait pas si tenter en vaut la peine, si la lutte a un quelconque intérêt. Il ne sait pas s’il pourra le ramener, s’il parviendra à contacter son frère ou si ce n’est plus à lui qu’il se confronte. La respiration en sursis et le cœur à la dérive, il ne peut que le regarder s’éloigner plus encore, inatteignable. Et malgré la douleur, malgré l’incertitude et la peur, Saebyeog a envie de tendre la main pour le prendre dans ses bras, lui dire que tout va bien se passer, épancher le sang qui glisse de sa peau en cascade ininterrompue. Mais le pire, c’est qu’il n’a pas le temps de réagir et à peine le temps de comprendre. “I'm dying. I'm dying. It's soon the end. What?” Mini lui assène la vérité et Saebyeog a l’impression de se prendre un second vase, impossible à éviter et tout aussi douloureux. Il devrait réagir, le ramener, au lieu de paniquer sur ce que Mini vient de lui avouer, l’esprit pourtant submergé de questions qu’il ne peut pas poser.
Il n’a aucun contrôle, subit seulement le moment, spectateur de cette tragédie en un seul acte, parce que rien ne semble pouvoir ramener Mini des limbes dans lesquelles le démon l’a emprisonné. “Saebyeog?” Sous la surprise, Saebyeog relève les yeux, gorgé d’espoir. “Yes, yes, it’s me, it’s- You're not him. You're just a monster. A living monster. I need to kill you. I can't find peace if you live, monster.”
Il n’a aucun contrôle, à nouveau projeté en antagoniste, incapable d’arrêter le déroulement de la pièce. Saebyeog se retrouve trop vite à terre, la gorge enserrée et les mains qui tentent d’enlever celles de Mini, la voix suppliante et le cœur qui ne sait pas combien de temps il va tenir. “Stop, it hurts, Mini- it’s me-” Mais ça ne sert à rien, ça ne l’arrête pas. Mini voit en lui quelqu’un d’autre, quand lui-même n’est plus tout à fait lui. Gagné par l’impuissance et le désespoir, Saebyeog ne sait quoi dire pour le convaincre de sortir de sa léthargie, de voir à travers, de le reconnaître. Rien n’y fait. Il ne peut que sentir les larmes couler sur ses joues, appelées par la douleur et le corps qui mendie pour un peu d’air, un peu de répit. “Please see me- I need to kill you. That's the only way. 'Cause you're just in my head. Right?”
Sa question ne trouve pas de réponse. Rien d’autre que le silence assourdissant d’un frère à l’agonie, qui n’a plus ni la force ni l’air pour répondre et se débattre. Ses mains quittent les siennes, sa vue s’amincit, sa force le quitte. Saebyeog lâche prise. Fin du dernier acte.

Il prend les traits du monstre qui habite son corps et son âme depuis trop longtemps, celui qui le ronge comme une vieille sorcière aux doigts tordues qui s'infiltrerait dans son cerveau pour tout lui arracher. Son bonheur, ses joies, ses souvenirs jusqu'à les déformer. Comme si rien de tout cela n'avait jamais existé. Et si c'était le cas ? S'il vivait dans une autre réalité depuis tout ce temps, s'il était simplement coincé dans une bulle faite de tous ses cauchemars ? Comment pourrait-il se réveiller alors que ses mains sont scellées autour du cou de ce frère, ce âme jumelle qui n'a jamais quitté la sienne depuis leur naissance. Ils étaient destinés à ce rencontrer, pas à s'auto détruire comme Mini le fait de ses phalanges coupables. Le démon sous lui prend plusieurs visages, le sien, celui de ses cauchemars, mais jamais celui de Sae. Il n'y a que l'écho de sa voix qui traverse la glace dans lequel il est emprisonné depuis ce jour fatidique. Il l'entend, quelque part, il sait qu'il est là, mais où ? Ses yeux parcourent la pièce avec panique alors que ses mains tremblantes ne lachent pas le corps qu'il étouffe. Sae? Sae Where are you? There's a monster, please help me! Mais la voix de son meilleur ami s'éloigne, comme le souffle dans sa poitrine. Il n'est peut-être qu'un mirage, peut-être que tout ça n'est qu'une illusion. Illusion ? Le collier autour de Mini se met doucement à briller sous ses yeux alors qu'il s'élève, se détachant de sa peau. Eclair soudain pour le ramener à la réalité. Un sort posé sur l'objet ? Assem qui en a deviné sa détresse ? Il n'en connaitra certainement jamais les réponses alors qu'il desserre son emprise sous la surprise, se reculant à côté du corps presque inerte au sol. Il a du mal à reprendre ses esprits, l'être qui vogue encore dans les abîmes, au milieu des astres qui tentent de le soigner, de panser ses plaies ouvertes, béantes, le sang s'en écoule, invisible. Sae?... Et l'horreur se découvre, car sous les traits du monstre se cachait ceux de Sae. Plus doux, jamais horrible. Car l'horreur ne réside que dans le corps de celui qui s'apprêtait à lui tuer. Sae?! Il se penche vers lui alors qu'il le redresse dans l'espoir qu'il reprenne sa respiration. Sae, was it me? Did I do it? Son corps sursaute de dégout, de peur, il a envie de fuir, de tout détruire, de disparaître. Oui, il aurait dû disparaître depuis longtemps déjà. Les perles nacrées s'écoulent le long de ses joues comme des rivières animées par la tempêtes. I'm so sorry Sae. So sorry... Alors qu'il l'aide à se mettre sur le sofa, il ne peut pas s'empêcher de reculer une fois l'avoir installé, regardant avec horreur cette toile dessinée sous ses yeux. I'm sorry i-... I didn’t mean to hurt you. Mais les mots ne parviennent plus jusqu'à ses lèvres, ses mains bloquant sa bouche alors qu'il préfère rester loin de lui. You should leave, please... Don't stay here... Parce qu'il a peur. Peur de faire pire.
Peur de lui voler sa propre vie.

Il est le premier à croire que cette pièce n’aurait pas de seconde fin ; que cette dernière expiration l’était vraiment et que ses yeux fermés qui n’avaient pas projeté l’entièreté de sa vie allaient le rester, pour toujours et à jamais, comme des vœux macabres qui ruineraient n’importe quel mariage. Que de la main de son meilleur ami, de son frère, Saebyeog allait s’éteindre comme il était venu, dans un silence discret - la seule différence resterait l’apaisement, parce qu’il ne partirait pas en paix, le cœur heurté par la violence de cette mort causée par un démon dont il n’avait appris la dangerosité que trop tard.
Il n’entend pas ses plaintes, ne peut aider ce qui est déjà hors de sa portée ; Mini était trop loin quand Saebyeog s’est élancé, avait déjà été englouti, avalé par la noirceur et la maladie. Ils sont tous les deux ailleurs et il n’y a jamais eu tant de distance entre eux, au point de ne plus savoir si l’autre est encore là, ou s’il a disparu, pour de bon. La vie semble attendre, que chacun revienne dans la réalité quittée avec violence, retrouve ses esprits ou son souffle. Sae?… Le corps de son frère gît au sol, les yeux fermés et la poitrine trop rigide pour bouger. La magie a disparu, révèle la véritable peau transparente, si bien que Mini distingue sans mal le cœur qui semble s’être arrêté, les poumons qui ont fait de même et la météo qui ne dit mot. Il ne fait ni beau, ni laid ; il ne fait juste pas.
Sae?! Sae, was it me? Did I do it?
Et c’est peut-être parce que la vie a envie de le rassurer, de rétablir la vérité, que Saebyeog tousse en reprenant de la contenance - au milieu du torse, les organes reprennent leur fonction principale, les poumons à la dérive et la gorge qui sort violemment Saebyeog de sa léthargie. Ses mains saisissent celles de Mini et quand ses yeux croisent les siens, une fois son esprit conscient de ce qu’il a demandé, il ne se passe qu’une seule chose.
Saebyeog enfouit toute sa peur dans une boîte qu’il n’ouvrira plus, en tous cas pas devant lui. Impose à la météo de ne pas afficher le moindre nuage, encore moins un flocon. Mini connaît trop leurs significations, depuis le temps. Il ne sait pas, qu’un autre sera spectateur de cette tragédie, que Kazuha verra involontairement toute cette angoisse qu’il se met instinctivement à cacher à son frère. L’essentiel, c’est que Mini ne la distingue pas. No, chuchote-t-il, difficilement. you didn’t… anything… Ce besoin de le rassurer passe avant les autres, même celui de reprendre ses esprits, de respirer correctement à nouveau, de tenir debout sans avoir à s’accrocher à quelqu’un d’autre. Ça ne fonctionne pas très bien, parce que Mini prend conscience d’une version de l’histoire, celle dans laquelle il est responsable, et Saebyeog ne peut que tenter de calmer ses larmes d’un doigt faiblard. I'm so sorry Sae. So sorry… You have… nothing to be… sorry for, articule-t-il alors que Mini l’installe sur le sofa. Ses poumons ont du mal à suivre la cadence, n’apprécient sans doute pas les mots que Saebyeog leur impose, mais il n’a pas d’autre blessure que celle de l’air qui manquait à ses organes et il ne lui faut qu’un instant pour à nouveau se sentir vivant. I'm sorry i-… I know, Mini, I know, Son ton est un peu plus assuré, la voix moins coupée, mais il sait que ça ne suffira pas à le convaincre. It wasn’t you, it was, … Et en voulant compléter, il se souvient de ce secret que Mini a cru bon de leur cacher, de la gravité d’une malédiction qu’il avait tenue secrète. When did it get that bad? Why didn’t you tell me?
En face, Mini n’est plus vraiment là. Saebyeog ne sait pas s’il a entendu ses questions ou s’il compte y répondre. Ce n’est pas le même mal, il n’est pas parti dans cet autre monde où Saebyeog est devenu une menace, mais il semble tout de même ailleurs, la main portée à une bouche qui hurle la culpabilité sans avoir besoin de le faire. You should leave, please... Don't stay here… Il tente d’attraper son bras ballant, d’apposer sa main contre son cœur, de le forcer à regarder l’évidence - tout en ignorant que son toucher lui procure des frissons terrifiés, qu’il ne peut s’empêcher de penser que l’instant d’avant, cette main était autour de son cou. Saebyeog fait passer Mini avant tout le reste, préfère le rassurer que de penser à lui-même. Mini, I’m okay, look, look at my heart, I’m alright, see? I’m okay. Sans savoir si ce sera suffisant.

Au fond de lui, il a toujours su que ça arriverait. Autant que ce jour où la faucheuse l'emportera. Il a toujours su qu'il finirait par faire du mal à ses proches, mais pas de cette façon. Pourtant le monstre en lui gratte, dévore ses organes de l'intérieur pour ne laisser que de la pourriture. Il n'y a déjà plus rien de bon à récupérer, il n'y a déjà plus aucun espoir, il le sent en lui, dans ce qu'il reste de son esprit qui s'abîme à mesure que le temps passe. Autant qu'il sent la honte le poursuivre dans l'ombre, elle murmure, chuchote à ses tympans. It's all your fault. Look at him. Look what you did. It's you. Ses excuses se perdent dans le vide de son univers qui s'effondre alors qu'il plonge son regard dans celui qu'il a toujours considéré comme son frère, bien plus que son frère biologique. It wasn’t you, it was, … Ses ongles s'enfoncent dans la paume de ses mains, ses dents brisent la fine peu de sa lèvre inférieur alors qu'il ferme les yeux, si fort qu'il croit y voir ses étoiles, mais elle ne sont pas celles de l'espérance, d'un jour nouveau. C'est là où il aimerait disparaître à ce moment même. Me... Qu'il murmure discrètement comme une réponse à ses mots, ceux qu'ils s'arrêtent de prononcer avant de poser cette question qu'il aurait préféré ne jamais entendre.

When did it get that bad? Why didn’t you tell me?

Implosion.
Ses yeux se rouvrent, et la panique revient le frapper.
En plein dans cet estomac qui ne voudrait qu'un peu de paix.
It didn't-... Et qu'espère t-il faire en créant un énième mensonge ? Il sait que Sae ne le croira pas. Il sait que ses mots trembleront peut être trop pour être vrais. September. Oh, ça sonne comme une trahison. Comme un secret gardé depuis bien longtemps, trop longtemps. Il aurait dû le prévenir, se jeter dans ses bras pour effacer ses peines comme ses douleurs. Au lieu de ça. Il s'est isolé, s'est laissé convaincre par lui même que mourir seul serait la solution. You're not okay. And i'm not. Ses mains se détendent alors qu'il s'effondre à ses côtés sur le sofa, la tête basculant vers l'arrière, fixant ce point vide au plafond. I'm dying. this time it's for real. I lied to you. I kept it from you, too long. Sa nuque se redresse lentement alors que son regard glisse sur lui, ses doigts se placent à quelques centimètres de la poitrine de son frère, sort murmuré pour l'aider à de nouveau respirer, dégager un peu plus sa gorge et ses poumons. I thought it would get better. That spitting blood... it was nothing serious. Il y a pensé, au début. S'est imaginé encore quelques années auprès de ses proches, à profiter de leur tendresse comme de leur amour. But I also lied to myself. Il rigole, ironiquement, légèrement. Apologizing won’t solve anything. And what I did today... is unforgivable.
Et il voudrait lui crier de ne plus jamais l'approcher,
De ne plus jamais revenir.
Mais son égoïsme retient ses mots.
Il veut le garder à ses côtés jusqu'à la fin.

Ils sont dans l’après, assis et allongé dans un sofa immaculé - c’est bien le seul. Le sol est jonché de fleurs écrasées, de gouttes d’eau parsemées, de morceaux de vase éparpillés. Dans cette scène d’après-guerre qui, heureusement, n’aura connu qu’un blessé, Saebyeog se heurte à une nouvelle attaque, celle d’une tentative de mensonge qui fait résonner le tonnerre au creux de ses entrailles. It didn’t-… Ils le voient tous les deux, cet orage qui se profile près de son ventre, qui répond à sa place. Il n’en veut plus, de ces paroles creuses, trop loin de la vérité. Quand elle arrive, finalement, d’un september arraché presque contre son gré, le tonnerre ne s’arrête pas, s’accompagne d’un coup de foudre. S’il parvient à masquer toute sa peur, Saebyeog ne peut lui cacher son irritation. Quatre mois qu’il souffre en silence, à ne rien vouloir lui dire, sans doute persuadé que ça ne pouvait que le protéger. Il avait menti pour son bien - ce n’était pas ce qu’il avait dit, mais Saebyeog le devinait entre les lignes. Il le connaissait par cœur. Il avait préféré affronter ses propres tempêtes, persuadé que si ses proches ne les vivaient pas avec lui, l’épreuve serait moins douloureuse ; et à cette pensée, l’orage se remet à gronder. You're not okay. And I'm not. Affaissé, Mini se perd dans la contemplation du plafond et Saebyeog, la tête un peu relevée, dans celle de ses traits, forcé à tousser à intervalles réguliers. Cherche le reste, attend la suite, sans savoir si elle viendra, une main qui vient chercher la sienne, ancre ses doigts aux siens. Prêt à affronter la tempête, cette fois à ses côtés. I'm dying. this time it's for real. I lied to you. I kept it from you, too long. Saebyeog doit se concentrer pour ne pas laisser transparaître ses émotions, parvient à calmer l’orage sans faire apparaître les nuages, le vent, les flocons. La météo se calme, symbole de résolution, d’une assurance sans failles. You… are… not, répond-il difficilement, avant de lâcher un soupir de soulagement, les poumons apaisés par le sort lancé par Mini. Continue à l’écouter, partagé entre l’irritation de ce que son frère lui a caché ou l’envie de trouver une solution, au plus vite. Apologizing won’t solve anything. And what I did today... is unforgivable. Sa main tire la sienne, l’invitant à s’allonger près de lui, les yeux qui plongent dans les siens et les doigts qui se perdent dans ses cheveux, tentent de le rassurer par les gestes, les mots étant définitivement insuffisants. I’m okay, chuchote-t-il, avant d’ajouter, même si c’est sans doute inutile, please don’t blame yourself. It wasn’t you, you know it wasn’t. We’ll find a solution. We always have. Et quand ses yeux se gorgent de larmes, il n’y a définitivement plus aucune trace d’un quelconque orage entre ses côtes. Seulement une pluie fine, allégorie de sa tristesse. But don't think it's better that you go through this alone. Don’t shut us out, please.