evening tide · inhyuk

croissant de lune qui orne un ciel diaphane. le bout de ses doigts est engourdi, peut-être par l'alcool qui réchauffe encore ses veines, probablement en raison du froid hivernal qui s'installe en catimini. tenue qui n'est pas appropriée à la température ambiante, malgré le lourd manteau qui pèse sur ses épaules. ce n'est pas dans ses habitudes, crimson, de sortir en pleine journée. ce n'est d'ailleurs pas dans ses habitudes de se trouver dans ce quartier, si près de cet établissement qu'elle connait un peu trop bien. elle n'y avait jamais vraiment mis les pieds, mais son renom n'était pas à faire. celui qui y passait le plus clair de son temps la hantait toujours - à croire que ses pieds l'avaient portée sans même y penser.

paupières pailletées qui papillonnent un moment lorsque les prunelles se posent sur cette voiture. la sienne. il en possédait certes plusieurs, mais celle-ci lui avait tapée dans l'œil. peut-être parce qu'elle y était monté plus souvent que dans toutes les autres. probablement pour tous les souvenirs qui ne cessaient de la tourmenter, psyché qui l'avait menée, à faire face à ses démons. envie de rayer la portière, raison qui s'empresse de lui dire que ce ne serait aucunement une bonne idée. elle n'a pas les moyens de lui devoir quoi que ce soit, malgré toute cette rancune qui l'anime. parce que tout au fond de cette colère est nichée une culpabilité débilitante à laquelle elle refuse d'être confrontée.

you can't get away from yourself by moving from one place to another.

elle ne réalise pas, crimson. que les secondes défilent, se transforment en minutes. elle n'a plus la notion du temps, et l'alcool qui coulait dans ses veines semble vouloir s'éteindre. ce sont pourtant les échos de ces pas qu'elle remarque, qui retiennent son attention, comme si ce qu'elle était venue chercher. sa présence pour une raison qui lui était totalement inconnue alors qu'elle ne cherchait qu'une chose: le voir disparaître. why is it that everytime i see your face, i wanna slap you. la nonchalance retentit tandis qu'elle s'appuie sur la bagnole, bras croisés sous la poitrine, visage de marbre, dénué de toute émotion. don't ask me why i'm here. i don't even know myself. can you give me a ride? la destination lui importait peu, tant qu'il la porte quelque part.

Il enchaîne les réunions en donnant toujours plus d’attention, comble l’envie de ne pas en accorder à ses émotions par toujours plus de travail et de concentration ; la fin d’année est chargée, prépare la nouvelle, les demandes de rapports et de projets de la part du gouvernement plus nombreux que jamais. Les Seo en effervescence, père et fils surchargés de travail, pas une seule minute pour penser à autre chose - et ça les arrange bien, l’un comme l’autre, Inhyuk préférant se vider la tête entre les cuisses de poupées inconnues.
Mais le passé ne frappe jamais à la porte, ne prévient jamais de son arrivée. Le téléphone à la main, il ne remarque pas la silhouette près de sa voiture avant d’y parvenir, alpagué par sa voix reconnaissable (et insupportable). “Why is it that everytime I see you, I wanna slap you.” Les yeux se relèvent pour croiser les siens et ne s’arrêtent pas, continuent leur route jusqu’au ciel, manifestant son agacement de la voir, là, maintenant. Il n’avait pas envie, de recroiser ce visage, ce corps (qu’il détaille de haut en bas comme s’il la dénudait du regard et la répudiait en même temps, la désirait toujours mais la détestait aussi), ce fragment détestable d’un passé toujours ancré, impossible à oublier. Mais il doit faire semblant, ne lui montrer que nonchalance et méchanceté sous couvert d’un sourire de miel, parce que Crimson croit toujours qu’il la transformée volontairement, qu’il la détestait d’avoir choisi sa famille plutôt qu’eux, au point de la maudire à tout jamais. Lui adresse un sourire insupportablement suffisant, ignorant le fait qu’elle s’est adossée contre sa voiture et qu’il n’a aucune envie qu’elle la salisse de sa présence. “That’s because you still love me, babygirl. That’s cute.” Et ça ne lui fait rien du tout, ça ne lui serre pas du tout le cœur ; ça ne réveille pas non plus la rancœur du choix qu’elle lui avait imposé, de sa tentative de meurtre parce qu’elle n’avait pas su dire non à sa famille. Dès le lendemain de leur ultime confrontation, il affirmait avec aplomb que ça ne lui avait rien fait et qu’elle avait mérité sa punition. Qu’elle pourrait bien être reniée par sa famille maintenant qu’elle était devenue ce qu’ils abhorraient, il s’en fichait. “Don’t ask me why I’m here.” Il ne l’aurait pas fait, parce qu’il n’en a rien à faire ; mais maintenant qu’elle l’a dit, une part de lui a envie de transgresser et de demander, rien que pour l’embêter. “Can you give me a ride?” Il regarde sa voiture, puis elle, en silence. Ça ne dure pas, Inhyuk l’ignore pour monter à l’avant, lâchant un “Nah, démerde-toi.” Il allume le moteur, s’apprête à partir sans même regarder si elle est toujours adossée à la voiture ; si elle doit tomber parce qu’elle ne s’est pas déportée, tant pis pour elle. “Ask your beloved family.” Le couteau s’enfonce d’un coup sec, sans prévenir. En une phrase, Inhyuk lui montre que la rancœur n’a pas disparu, qu'il est toujours amer et en colère. Qu’elle peut bien aller demander à sa famille chérie, celle qu’elle a choisi à sa place.
Mais Crimson ne bouge pas, ne se déporte pas ; s'impose dans la voiture à ses côtés, toujours aussi bornée, et il lâche un soupir d’agacement. Reste le moteur allumé, sans avancer. “I don’t have time for your bullshit, get out. Le trottoir te va mieux au teint de toutes façons.” lance-t-il en désignant sa tenue du regard. Et si on le lui demandait, il répondrait qu’il pense chacune des insultes, chacune des terribles paroles qu’il a pu avoir à son égard ; et peu importe si c’est la vérité, il n’assumerait jamais l’inverse.

yeux au ciel pour implorer les cieux. elle avait souvent eu cet effet sur lui, de l'exaspérer, encore plus maintenant que les choses s'étaient envenimées. que sa simple présence lui soutire se genre de réaction lui semblait toutefois amusant, sourire éphémère qui tire sur ses croissants carmins tandis qu'elle remarque la façon dont il ignore complètement sa présence. et peut-être est-ce mieux ainsi. qu'il agisse comme si elle n'existait pas, comme s'il ne l'avait même pas vue - parce qu'elle n'aurait jamais dû s'y trouver en premier lieu. ça ne valait jamais la peine de continuer à jeter de l'huile sur le feu.

et pourtant, ça semblait être un de leurs jeux. à se relancer, se piquer jusqu'à se brûler dans ce brasier qui ne s'était jamais totalement éteint. les braises brillaient toujours d'une lueur surnoise, prêtes à se consumer de nouveau à la moindre demande. “That’s because you still love me, babygirl. That’s cute.” et c'est son tour de lever les yeux au ciel, parce que ses mots, bien qu'elle n'oserait jamais l'avouer, portaient un fond de vérité titillant sa bonne conscience. i think it's the other way around, stop projecting, seo. i never loved you. mots poisons qui lui brûlent les lippes, à confesser cette hargne qu'elle couve pour celui qui avait jadis partagé une parcelle de sa vie. et jamais elle n'oserait confesser ces sentiments auxquels elle avait pu goûter, pas de vive voix. eux seuls connaissaient l'étendue de cette passion passagère, avortée prématurément par une décision désormais regrettée. et y'a ce sourcil qui s'arque lorsque ses mots la heurte. “Nah, démerde-toi.” elle n'en attendait pas moins de son aîné. “Ask your beloved family.” c'est comme un poignard qui lui transperce le thorax. qui lui couple presque le souffle, bien que son visage reste impassible. il le sait, inhyuk, que les ponts ont été coupé. qu'elle a tout perdu depuis cette nuit. et c'est peut-être la douleur qui la pousse à se décoller du capot pour contourner la bagnole, ouvrir la portière et s'installer côté passager, à s'imposer comme elle savait si bien le faire. and i don't have time for your bullshit either' hyuk. take it as a bargain, you won't even have to lurk around the sidewalk to find someone tonight. le sourire qu'elle lui décoche est amer, à reprendre ses mots pour les retourner contre lui. i'm not here to kill you again, now go. qu'elle soupire dans un roulement des yeux, tirant sur sa ceinture pour la boucler, lui confirmant par le fait même qu'elle n'avait pas l'intention de s'extirper hors de l'habitacle. you'll have to take me out yourself if you want me to leave. show me you mean it. et ses prunelles s'enfoncent dans les siennes, un air de défi en premier plan. elle l'en sait capable - elle ne fait pas le poids contre un loup de sa stature. il y a pourtant une pointe de curiosité à savoir jusqu'où il serait prêt à aller.

En réponse à ce qu’elle lui faisait ressentir, il avait préféré éteindre la lumière. Faire comme si de rien n’était, comme si son cœur s’était fermé dès l’instant où elle avait choisi sa famille plutôt que lui. Et même des mois après, il feint l’ignorance, fait comme si rien ne l’atteignait ; en réponse à ce qu’elle lui fait ressentir, il préfère éteindre la lumière. Lui jeter sa haine et sa rancœur en pâture, parce qu’il préfère largement ça à l’idée d’avoir encore le cœur saigné, des mois après. Il se veut cinglant, volontairement, parce qu’il vaut toujours mieux enfoncer le couteau plutôt que de s’écorcher la peau contre la lame. “I think it’s the other way around, stop projecting, Seo. I never loved you.” Et il y croit, il y croit presque, parce que c’est ce que son attitude avait crié, quand elle avait voulu le tuer. Dans leur petit jeu à la con, c’est visiblement à celui qui cachera le mieux ses sentiments. Passés ou présents. “Yet here you are.” C’était elle qui avait reconnu la voiture, qui s’était arrêtée - l’avait attendu. Volontairement ou non, elle était restée un instant, suffisant pour que ce foutu destin s’en mêle et réunisse les anciens amants. Rien que pour ça, il considérait avoir gagné. Avait mieux caché l’amour qu’elle continuait de lui porter, à se délecter de ce qu’elle ressentait encore, sans vouloir admettre la réciprocité.
Mais Crimson ne bouge pas et ça lui tape sur les nerfs. Pourquoi est-ce qu’elle continue à l’emmerder, des mois après sa trahison ? Alors qu’elle devrait le détester ? Il ne posera jamais ces questions à voix haute, puisqu’elles impliqueraient un quelconque sentiment à son égard, mais il aurait bien voulu qu’elle reste le plus loin possible avec sa rancœur, à le détester dans son coin, le rendre responsable de l’abandon familial et de la vie misérable qui s’en était suivie. Après tout, tout était de sa faute, non ? “And I don't have time for your bullshit either' Hyuk. Take it as a bargain, you won't even have to lurk around the sidewalk to find someone tonight.” Il crache un rire-soupir, se montre indifférent à sa tentative d’attaque qui ressemble à un aboiement de chiot. “Yeah, I don’t do whores anymore,” rétorque-t-il en plongeant ses yeux dans les siens. Elle avait été la dernière. “I'm not here to kill you again, now go.” Et il serre les dents mais ça ne lui fait rien (presque). Il revoit simplement ses yeux en comprenant pourquoi elle était venue, ce soir-là, quand il avait compris ses intentions. “Because that went well last time you tried. But you’re right to spare your energy, there’s nothing for me to take from you now. Your life is enough miserable as it is.” Et peut-être que ça l’énerve, peut-être qu’elle a envie de tout faire sauf de rester ici ; et il se dit que si elle reste, malgré tout, ce doit être à cause de sa fierté. À sa place, il n’aurait pas bougé non plus. “You’ll have to take me out yourself if you want me to leave. Show me you mean it.” Il lui jette un dernier regard, avant d’appuyer sur l’accélérateur. “I don’t care enough.” Il ne compte pas se battre pour une cause censée le rendre aussi indifférent.
La voiture s’arrête devant l’entrée de son parking, mais Inhyuk ne prend pas la peine de tourner les yeux pour la regarder. Attend simplement qu’elle s’en aille, maintenant qu’elle pense avoir obtenu ce qu’elle désirait. “Get the hell out of my car.”

"yet here you are." et voilà qu'il retournait de nouveau la situation vers elle. parce qu'elle avait bien entendu choisi d'être ici. aucunement. elle s'était laissée porter par son esprit qui avait reconnu l'endroit, qui s'était accroché à cette familiarité d'autrefois. à ces sentiments qu'elle avait jadis pu connaître, qui ne sont maintenant plus que poussière ( du moins de ce qu'elle tente de se convaincre ). confrontation d'émotions, l'emporterait celui qui revêtirait le meilleur des masques, et qui saurait le garder le plus longtemps. un jeu auquel elle excellait jadis, avant que tout ne s'effrite entre ses doigts.
elle sait que son inertie le fera bouillir. inhyuk n'était pas toujours l'exemple de la patience même, et ça, ça lui faisait plaisir. de savoir que ses inactions pouvaient lui soutirer une quelconque réaction sans qu'elle n'ait trop d'efforts à accomplir. “Yeah, I don’t do whores anymore.” et l'amertume déborde de cet échange, dans les deux sens. elle arrive même à se demander s'il pense les mots qu'il vient de prononcer, et elle n'a pas de mal à se dire que c'est un fond de vérité, après tout ce qu'ils se sont fait endurer. elle préfère l'encaisser, celle-là, faire comme s'il n'avait rien dit, à supporter son regard perçant d'un visage marbre. “Because that went well last time you tried. But you’re right to spare your energy, there’s nothing for me to take from you now. Your life is enough miserable as it is.” et y'a cette boule qui se forme au fond de sa gorge, qu'elle avale difficilement. elle a toujours du mal à accepter cette réalité. celle de n'être plus rien, pour personne. pas même à ses propres yeux. parce qu'elle s'était perdue au cœur de ses erreurs, en plus du reste. thank you for reminding me how deep in shit i am because of what i did. les mots sont presque murmurés, dans l'espoir qu'il ne les capte pas. qu'il ne se rende pas compte que, pour la première fois, elle ne lui a pas jeté le blâme, mais l'a plutôt accepté. elle a eu le temps de penser, crimson. à ce qui l'avait poussé à agir ainsi, à cette décision. et elle était, au final, la seule à blâmer pour s'être retrouvée dans cette situation. inhyuk n'en était que la victime. la voiture s'arrête devant cette demeure qu'elle reconnait bien. le bout de son se fronce, mais elle préfère rester muette face à la confrontation. “Get the hell out of my car.” les mots l'atteignent, mais elle préfère rester de marbre. c'est loin d'être près de chez elle, trop loin, même. elle ne sait pas comment elle se rendra à destination sans se détruire les pieds dans ces horribles talons. elle hoche lentement la tête crimson, les lèvres pincées tandis qu'elle essuie le refus et l'opposition sans réaction. alright then. you don't care, you don't mean it. et y'a ces yeux qui roulent un moment tandis qu'elle retire sa ceinture, attrape son sac à main pour s'apprêter à quitter. et y'a un moment de silence qui s'installe, avant qu'elle ne se tourne dans sa direction, enjambant la console centrale pour s'installer à cheval sur ses cuisses. y'a ses carmines qui glissent contre la ligne de sa mâchoire, pour se presser à la commissure de ses lèvres. this is far from being the best ride you gave me, but thanks. appreciate it. good night mister seo. et le sourire qu'elle lui offre est doux, presque vulnérable, à laisser sa garde tomber lorsqu'elle ouvre la portière pour mettre le pied à terre.

Est-ce qu'un jour, ils arrêteraient de se chercher, constamment ? De se rappeler à quel point ils avaient pu se faire souffrir, précisément en continuant à le faire ? Lui répondrait qu’il le voulait volontiers, mais qu’elle persistait à le retrouver et à s’imposer dans son quotidien - c’était le cas rien que ce soir. Lui affirmerait avec aplomb et audace qu'il était passé à autre chose depuis longtemps et qu’elle l’en empêchait, sirène insupportable à la vie misérable. “Thank you for reminding me how deep in shit I am because of what I did.” Pendant une seconde, il n’entend pas tout à fait et s’apprête à ricaner, satisfait d’avoir enfoncé le couteau exactement dans la plaie, d’avoir appuyé sur une douleur qu’elle lui confirmait être toujours à vif. Sauf qu’Inhyuk reste en suspens un instant en entendant la fin de sa phrase, incapable de cacher sa surprise - of what I did. Et il déteste, l’effet que ce qu’elle vient de reconnaître lui fait. Déteste que ça ait un effet. Il serre les dents pour retrouver son indifférence, se force à passer à autre chose, à faire comme s’il n’avait pas entendu, parce que c'est trop tard, le mal est fait, le mal a été fait il y a des mois.
Alors il impose l’indifférence, lui ordonne de dégager de sa voiture, en se disant que plus vite il sera débarrassé d’elle, plus vite il pourra retourner à la vie normale. “Alright then. You don’t care, you don’t mean it.” Il s’oblige à ne pas l’entendre, à faire comme si, quitte à reconnaître que ce qu'elle dit est vrai ; il affirme ne pas s’en préoccuper, se fiche bien de savoir comment ou quand elle sera rentrée. Mais elle fait durer le silence, ne quitte toujours pas la voiture ; pire, elle enjambe la console pour se retrouver à califourchon sur ses cuisses. Inhyuk serre les dents, les mains qui ne lâchent pas le volant. Et il déteste parce qu’elle continue à lui faire de l’effet, malgré les mois passés, malgré la rancœur et l’amertume. Ne peut de toutes façons pas empêcher son corps de réagir, même s’il l’abhorre. Au-delà de toute cette haine qu’il a pour elle, il voudrait la prendre par la taille, comme avant. Son simulacre de baiser se perd contre une mâchoire tendue, cadenassée spécialement contre elle (pour elle). “This is far from being the best ride you gave me, but thanks. Appreciate it. Good night mister Seo.” Et lorsqu’elle met un pied à terre, sur le point d’enfin le libérer, Inhyuk pose son pied sur l’accélérateur, prêt à s’en aller pour espérer ne plus jamais la croiser.
because of what I did.
“Wait.”
Il tourne la tête - à peine, seulement pour la regarder un instant. Et peut-être que ses traits et le ton de sa voix se sont légèrement adoucis, lorsqu’il ajoute, “Come on, I'll drive you home.” Finalement, peut-être qu’ils n’arrêteraient jamais de se chercher, parce qu'ils sont encore trop liés. Parce qu’à travers la rancœur, ils continuent en quelque sorte à s’aimer. De manière malsaine et maladroite, sans aucun doute. Et peut-être que cette main tendue n'est qu'une réponse à celle de Crimson, lorsqu'elle avait enfin reconnu que tout était de sa faute et que lui n'y était pour rien. Mais elle a le mérite d’exister.
Inhyuk conduit en silence jusqu'à cette adresse qu’il n’a jamais oubliée. Cette fois, il franchit la barrière du parking souterrain et se gare dans l’une des allées, le moteur qui s’éteint automatiquement. Et cette fois, il ne lui ordonne pas avec violence de s’en aller, mais attend seulement qu'elle le fasse d’elle-même. Comme si, puisqu'elle avait commencé, il avait à son tour tiré le drapeau blanc, au moins pour une soirée.

il y aurait toujours une chasse entre eux. quelque chose qui les tire dans la direction de l'un et de l'autre malgré les œillères qui masquent leurs yeux. à prétendre que leur histoire s'était terminée sur la dernière page d'un livre pourtant encore inachevé. c'était de l'aveuglement volontaire, mélange d'amour et de haine que même eux n'arriveraient jamais à expliquer. leurs chemins n'avaient cessés de se croiser depuis la fin subite de leur idylle, et même si elle affirmait sans doute possible qu'elle était passé à autre chose, au fond son subconscient subsistait une part de regret. celui de lui avoir infligé une décision irréfléchie, même si elle l'avait tournée et retournée dans tous les sens. à se voiler les yeux face à une réalité qui était tout autre: elle avait tout brisé. ce qu'ils étaient, ce qu'elle était jadis.

“wait.” y'a le sourcil qui s'arque de nouveau à la voix qui s'élève. la surprise qui teinte ses orbes lorsqu'elle remarque quelque chose différent dans cette façon qu'il a de la regarder, même s'il ne le fait qu'une infime seconde. “come on, I'll drive you home.” y'a la tête qui se penche légèrement sur le côté alors qu'elle reprend place dans l'habitacle dans le plus grand des silences. ...what made you change your mind? les mots sont murmurés après un long moment, même lorsqu'il s'est garé, que le moteur est coupé. elle ne s'attend pas à une réponse, mais la question lui aura brûlé les lèvres tout le long du trajet. son visage s'incline légèrement dans sa direction, prunelles glissant sur ce faciès cisaillé dans le marbre dans l'attente d'une quelconque réaction. et pourtant elle se penche vers l'avant pour rapatrier son sac à main, à regarder l'heure qui s'affiche toujours sur l'écran principal de la voiture. i don't have anything to repay you but a simple thank you... les mots sont cette fois-ci chuchotés, accompagnés d'un sourire qui se veut franc tout en étant discret. parce qu'il aurait pu la laisser sur le trottoir. aurait pu la laisser se démerder comme il l'avait cette soirée. mais tous deux semblaient avoir pilé sur un orgueil mal placé, inadéquat pour une telle situation. et elle s'entête à reprendre le même chemin que précédemment. à se glisser de nouveau à cheval sur ses cuisses, à laisser le bout de ses doigts filer contre cette mâchoire nombre de fois embrassée. les habiles se faufilent délicatement pour glisser cette mèche derrière son oreille, carmines qui s'étirent en un sourire presque joueur si ce n'était de la sincérité des propos prononcés. should i invite you over for dessert or must i wish you goodnight again? les iris s'envolent, tout comme les minutieux qui pousse la portière ouverte pour s'extirper hors du véhicule. you got five minutes to decide before i lock the door. et elle compte les secondes au rythme de ses talons qui martèlent le béton. combien de temps faudra-t-il avant qu'elle n'entende le moteur  de sa voiture vrombir, prêt à partir? elle espérait ne pas avoir à compter jusque là.

What made you change your mind? Il ne répondra pas à ses questions. Ne lui donnera pas le plaisir de reconnaître verbalement ce service qu’il lui rend, ne s’épanchera pas en explications. Elle devra se contenter du silence, mais c’est peut-être ce qu’il peut lui offrir de plus doux, quelque part. Le silence la laisse imaginer les réponses qui lui font envie, fait peut-être prospérer des espoirs de drapeau blanc (qui ne deviendront jamais réconciliation, ça, elle en est d’ores et déjà certaine, le connaissant).
Une main sur le volant, Inhyuk attend que Crimson mette fin à cet échange qui traîne en longueur, même si c’est lui qui l’a étiré en la ramenant chez elle. Il est trop fier et orgueilleux pour le reconnaître, semble implicitement la rendre responsable de cette autre fin - sans doute parce qu'il se dit que c’est sa spécialité, les fins violentes. Les fins brusques et silencieuses, qui n’ont pas besoin de mots pour cracher des émotions en fanfare. I don’t have anything but a simple thank you… La mâchoire se cadenasse à nouveau ; il ne répondra pas. Mais cette fois, quand Crimson se glisse sur ses cuisses, il n’est pas surpris. Ça n’empêche pas son corps de réagir au contact de ses doigts, ses mains de vouloir se saisir de sa taille, ses lèvres de vouloir déchirer les siennes, mais il n’en fait rien. Il l’a ramenée chez elle, c’est déjà bien assez. Should I invite you over for dessert or must I wish you goodnight again? Il ne lui souhaite rien - il y a quelques heures, il lui aurait souhaité de continuer cette vie misérable à laquelle elle s’était elle-même condamnée. Semble ignorer, jouer l’indifférence, sans que Crimson ne sache s'il se contente de feindre ou s’il est sincère et attend seulement qu’elle s’en aille pour partir sans avoir à la croiser à nouveau. You got five minutes before I lock the door. Et alors qu’elle s’en va, enfin, Inhyuk ne la quitte pas du regard, les dents serrées face à ce corps qu'il désire toujours autant, malgré toute la haine qu’il éprouve.
Mais peut-être qu’il savait déjà, qu’il allait retomber, puisqu’après tout, il avait garé la voiture.
S’extirpe hors de sa voiture qu’il verrouille d’un geste, avant de la rejoindre devant les ascenseurs. Et toujours en silence, il prend à nouveau possession de ses lèvres après des mois d’abstinence, une main contre un mur et l’autre autour de sa taille, bien conscient qu’il n’y a rien de sain dans cette étreinte. À bas la sanité. Si elle s’avise de jouer l’arrogance, il pourra toujours lui rétorquer qu’il se sentait d’humeur à voir une prostituée, ce soir.
Il la dévore, pas vraiment arrêté par le bip de l’ascenseur annonçant son arrivée ; glisse ses mains sous ses cuisses et la soulève sans effort, une main qui s’enlève seulement un instant pour appuyer sur son étage. Et si son manteau de fourrure tombe au sol une fois qu’ils sont parvenus dans l’ascenseur, Inhyuk l’ignore, les lèvres en pleine reconquête, de sa bouche, de son cou, de l’entièreté de sa peau.