( dancing in the rain )

l'accalmie de la nuit est rompue par le grincement du bois, lui-même entrecoupé à cause d'une hésitation fugace. puis la lumière du couloir vient nimber la pièce d'une couleur orangée, découpée par la silhouette de nyl posée dans l'encadrement de la porte.

what is it baby? did you have another nightmare?

la voix de nosaia est la première à s'élever dans le silence, à peine transformée par le sommeil de surface dans lequel elle était plongée ; comme si elle s'attendait à ce que sa fille vienne de nouveau ici, au milieu de la nuit. parce qu'ils sont fréquents, ces derniers temps, les cauchemars qui l'assaillent et qui ne lui laissent aucun répit. un sommeil agité ne signifie rien d'inquiétant pour une enfant de 4 ans, pour autant sa mère ne rechigne jamais à l'accueillir entre elle et son père, dans l'espoir d'apaiser un tant soit peu ses angoisses de passage.

can i go to the garden to play with grandma, please?

cette fois, nosaia se réveille vraiment. son cœur rate un battement - de peur ou de surprise, elle ne sait pas vraiment. son sourire reste en place, s'agrandit même un peu malgré elle dans le but de rassurer sa fille (mais elle n'est pas effrayée, nyl) et ses yeux ne montrent rien de son affolement soudain.

sorry, with who again, honey? elle s'enquiert, avec une voix aussi douce qu'à son habitude, alors que du bout des doigts elle agite l'épaule de son époux pour le réveiller à son tour. il grogne, pour toute réponse.

nyl, elle, répète avec toute l'assurance du monde. with grandma. grandma okja. just a few minutes i promise, and then i'll go back to sleep! nyl assure, presse, les paumes collées en guise de prière silencieuse. nosaia est démunie, et lui tend la main pour l'inviter à approcher - elle la rejoint, joie cousue entre les commissures de ses lèvres. nyla, you know that your grandma is not there anymore… nonsense mama, she's just right there, look!

et elle suit du regard ce que lui pointe du doigt sa fille, mais n'y trouve qu'un coin de pièce - absolument vide.

right baby… look, it's- sa mère vérifie l'heure, sachant pertinemment à quel point il est tard et la lune haute. et nyl s'impatiente, espère du fond du cœur qu'elle dira oui, parce qu'elle a vraiment envie d'aller jouer avec sa grand-mère dans le jardin. 3am. but- not a time to play outside, i fear. you'll play tomorrow with grandma, okay honey? l'enfant fait la moue, mais abdique. hm. i'll come with you, i promise, we can go to the beach if you want. hm, okay. how does that sound?

nyl sent sa main passer dans ses cheveux.

i really wanna play with her now, you know. souffle-t-elle, murmure confié dans l'obscurité. i know. but you'll play longer if you sleep first. l'argument sautille un temps dans les méninges de la gamine, et elle finit par acquiescer avec un petit sourire. that is true. you wanna sleep with us tonight? propose-t-elle, en embrassant son front. nyl n'hésite pas et grimpe sur le lit, trouvant sa place entre ses deux parents, mais juste un peu plus proche de sa mère.

nosaia ne trouva pas le sommeil cette nuit, mais s'apaisa le lendemain avec les explications de darian - lui aussi était passé par là, et il était tout-à-fait ravi que son don ait été transmis à sa fille. son unique fille.

et nyl ne cessa pas de voir d'autres personnes, inconnues et connues, bienveillantes ou malveillantes - mais toujours mortes. le temps ou l'envie de les voir disparaître, parfois, n'y a jamais rien changé. elle ne pouvait que se contenter de les supporter, en attendant qu'elles se décident à la laisser en paix.

les visions, elles, sont arrivées plus tard.

those ghosts don't just exist,
they act, they want something
that's when they're dangerous, when they want something.

la première fois que cela arriva, que le noir autour d'elle l'enserra si fort qu'elle du se rappeler comment respirer, nyl relia cette sensation désagréable à son don de sōgaka, consciente que le croissant de lune apposé sur son front ne signifiait en rien qu'elle maîtrisait tout l'éventail de capacités que ce dernier lui offrait.

mais il y eut d'autres fois ; où elle pouvait dire exactement où se trouvait chaque personne dans une pièce, combien il y en avait, si un vase venait soudainement à bouger, si une lumière faiblissait, s'éteignait ou s'allumait - elle avait une vision très claire de son environnement proche, des ombres y évoluant, et cette sensation était loin de ressembler au moindre coup de chance instinctif habituel. nyl n'en parla pas à son père, ni à sa grand-mère, ni à personne, peut-être parce qu'au fond elle avait conscience que poser la question ne lui offrirait aucune réponse ; que c'était une chose qu'elle devait apprendre à gérer seule. aucun bouquin, aucune source viable n'a pu la renseigner sur le phénomène qu'elle vit, alors elle tâtonne encore aujourd'hui, mais a tout de même appris à contrôler un tant soit peu la sienne, parce qu'il n'y a qu'au travers d'essais foireux et de patience que son don s'apaise et dévoile son utilité.

those ghosts don't just exist,
they act, they want something
that's when they're dangerous, when they want something.

sōgaka ( 想画家 ) branche 3, nécromancie · seuil 2 branche 2, vision · seuil 3-4

rōnin ( 浪人 ) contrôle des ombres · ressenti & extension

labyrinthine reminder

nevenyl a toujours regretté, a toujours ressenti trop fort les événements de son passé, avec une mélancolie si vive et douloureuse qu'il est parfois difficile de tout-à-fait l'affronter. elle regrette ses premières années à tokidai, ses fêtes d'anniversaire, les éclats de bonheur qui ont parsemé sa vie comme s'il n'y en aurait aucun autre à venir, et plus que tout elle regrette de ne pas avoir passé plus de temps avec sa mère avant qu'elle ne parte.

aujourd'hui encore, la chambre de nyl porte des notes de son parfum, mélangé aux effluves du sien, et quelques-unes de ses affaires et vêtements sont disséminés un peu partout ou stockés à l'aide de sorts d'extension. les surfaces sont gorgées de souvenirs, ont retardé son deuil plus qu'elle ne l'admettra jamais, et malgré les demandes de darian elle refuse de s'en séparer.

c'est peut-être pour ça que les caméras ont toujours possédé ce fort pouvoir d'attraction sur elle, et qu'aussitôt son cursus d'évidence terminé, c'est sa curiosité pour les enregistrements qui a pris le relai. les images, elles, à moins d'être détruites, ne peuvent être effacées - et la technomagie s'assure de rendre l'usure de plus en plus minime. moins infaillible que ses pouvoirs ou que la mémoire, pour sûr, qui elle s'effrite tous les jours pour faire de la place au nouveau.

hot blood

la boutique est nulle part et partout à la fois, se trouvait auparavant par le bouche à oreille mais sa notoriété a eu raison du secret de son existence. elle l'a connue jeune, nyl, lorsque sa mère était encore là et que rester seule à la maison à ses côtés ne lui semblait pas suffisamment intéressant. l'encadrement est magique reliée à plusieurs localisations précises de l'île et d'au-delà - un cul-de-sac à eiyamachi, une allée dissimulée aux intouchés à tokyo, dans une cabine téléphonique à nekonomichi, et au deuxième étage d'un bâtiment à uminomiya - il faut savoir où la chercher pour y accéder. autrefois, darian s'assurait de les changer régulièrement afin de brouiller les pistes, parce que si ce sont des services qui y sont proposés, des objets de valeur, artefacts, potions, sceaux et autres demandes plus spécifiques y sont également entreposés et font toute la convoitise de ceux de l'extérieur.

nyl en a aujourd'hui la charge, après plusieurs mois passés en tant qu'apprentie auprès de son père, maintenant occupé à transmettre ses savoirs à la nouvelle génération. il lui arrive encore de passer, d'aider, mais la confiance familiale est aveugle et globalement, elle est libre sur sa façon de gérer les affaires. d'une main un peu hésitante au départ, elle en prend grand soin, à présent - emplit l'air de sortilèges de protection et d'effluves apaisantes en fonction des saisons, s'applique à décorer l'endroit et à conserver la venue des clients réguliers.

my violet and my blue

elle n'en connaît pas la signification, de ces rêves étranges où tout est uniforme, trop parfait pour être réel. ils sont apparus lorsqu'elle avait 6 ans, et depuis, ils reviennent régulièrement - que sa journée ait été heureuse ou malheureuse, que son cœur soit empli d'anxiété ou totalement en paix. la plupart du temps, voire tout le temps, le monde est teinté de bleu et de violet ; la végétation est étrange et l'eau s'étend à perte de vue, comme un océan. et il n'y a qu'au réveil qu'elle se rend compte qu'il n'est pas normal, qu'il n'existe pas et que sa présence dans sa tête a une raison bien particulière.

parce que ce n'est pas pour rien qu'un croissant de lune est figé sur son front, et qu'un oeil divin grignote une partie de sa nuque, derrière ses longs cheveux rouges.
tout doit avoir un sens, lorsque l'on est sōgaka.

nyl n'a jamais cherché à s'en échapper mais l'a arpenté tant de fois qu'elle a arrêté de compter. elle sait l'emplacement de chaque arbre, le nombre de pas nécessaire pour atteindre le point d'eau le plus proche, quel chemin emprunter pour apercevoir un ponton de bois, qui traîne vers l'infini. les souvenirs s'estompent progressivement une fois le sommeil rompu pour revenir la nuit suivante, mais elle a pris l'habitude de tout noter aussitôt ses yeux ouverts, dans un carnet placé sur le guéridon à côté de son lit.

tout est identique - tout est toujours pareil.
jusqu'à ce qu'elle apparaisse, cette femme aux yeux brillants et aux mèches châtaignes.

elle ne parle pas. elle la suit, parfois ; lui sourit, souvent.
(qui es-tu ? que veux-tu ?)

le silence demeure sa seule réponse.

glimpse of heaven

・elle a tenté de tuer ses chagrins, à plusieurs reprises, lorsqu'elle n'était plus une adolescente mais pas tout-à-fait non plus une adulte ; quelques addictions qui n'ont jamais duré, quelques hypnoses peu efficaces face à tout ce qui se trame dans sa tête. le coût à payer n'a jamais été rentable.
・il existe une crique sur l'île de tenchijima, à l'eau aussi bleue que de l'azurite, cachée par des pins élancés et un bosquet rocailleux. le chemin est fastidieux à emprunter pour les étrangers, et nyl en a ensorcelé les sentiers à la suite de plusieurs visites impromptues - le moindre faux pas renvoie à la case départ, rendant la plage inaccessible à ceux qui n'en connaissent pas la malice. c'est son rivage, là où elle sait pouvoir suspendre le temps - ses pas l'y mènent systématiquement lorsqu'elle a besoin de récupérer, de se reposer, sachant qu'il y a peu de chances qu'elle y trouve qui que ce soit.
・ses cheveux sont très longs, et leur couleur gravite entre le noir (naturel) et le rouge. elle les dépointe une fois par an mais les nourrit si intensément d'huiles végétales que ce n'est presque pas utile.
・elle emploie couramment le tenchiben, le parle de façon rapide et mâché lorsqu'elle désire ne pas être comprise de son entourage immédiat.
・ elle n'a jamais dissimulé la couleur dorée de ses yeux, les porte avec fierté.
・sans surprise compte tenu de l'histoire de son peuple, son rapport à l'élément d'eau ainsi qu'aux flots entourant l'archipel est tout particulier, si bien qu'elle a même envisagé de prêter son existence à sa protection, plus jeune. les prédispositions sont quasiment innées, parce qu'elle a le contrôle des flots qui lui vient aussi naturellement que ses jambes se mouvent pour avancer. contrairement au reste des aspects de sa vie, nyl n'a jamais progressé avec prudence, pour ce don-là, ni avec la retenue causée par l'appréhension de mal faire. c'est la fièvre de l'envie, d'un sentiment de sécurité un peu hasardeux, qui a guidé chacune de ses évolutions, et la sensation de ne jamais se sentir mieux que quand les vagues gravitent autour d'elle.

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