driving home to you ❋ akito

La vérité, toujours cacher dans le fond de la poitrine. Ressors parfois, quand la pluie s’achève sur le perron de la maison. Il attrape la nuque, le bas de dos, et les muscles, dans un même mouvement, comme oppresser par ces mots qu’on n’ose pas dire à haute voix. Aini ne cache jamais rien à son frère, être aimé et adorer, porter au centre du coeur. Elle aime lui dire tout ce qui lui passe par la tête, jusqu’au coeur, en passant par son estomac et le bout de ses pieds. Mais ce soir, la pluie emporte ses secrets dans un bruit léger, s’évaporera demain matin, quand le soleil fera de nouveau son entrée. Pourra-t-elle porter ce secret encore longtemps ? Elle n’en sait rien, elle espère, elle n’y pense pas, mais son corps lui, la rappelle à l’ordre, comme mauvais démon qui dévore de l’intérieur.

La porte du salon ouvre sur ce garçon qu’elle aime tant, frère de coeur, lié par toute cette histoire en commune. Elle lui adresse un sourire, l’accueil comme il se doit. « Okaerinasai, onee-chan. » Le ton est bienveillant et tendre, Aini a toujours été une enfant en sa présence, elle grandira un jour, mais continuera à être celle qu’il a connue : frêle et tendre enfant, dans les jupons de son ainée. « Tu comptes repartir ? » Le jour n’était pas encore levé, ses murmures sont à peine audible, de peur de réveiller les géniteurs endormis. Elle se remémore les nuits d’été adolescent, ou ils sortaient chacun leur tour en secret, passer par la grande fenêtre et laisser la porte à peine ouverte pour l’arriver de l’autre. Des alliés qui ont toujours su comment fonctionner l’autre, sans avoir à se parler. La pénombre se réduit à la lumière faible de la cuisine, et Nini fini par comprendre : a late drive night. « Allons nous accueillir le jour ? » Murmure t-elle avait de glousser, sans attendre, elle enfile ses chaussures et suit le garçon jusqu’à son véhicule. Les souvenirs surgissent alors, des nuits à attendre que le jour se lève pour se persuader que demain tout irait de nouveau bien.

J’ai vu ta sœur avec son prof. Dans un hôtel.
La phrase a été un électro-choc pour Akito. Dans un premier temps, il n’y a pas cru. Diana lui mentait forcément, pour le provoquer. Elle a toujours été douée pour faire ça, trouver le point sensible et l’utiliser pour désespérer ceux autour d’elle — surtout les hommes. Akito a toujours eu de la peine pour ses proies, bien content de ne jamais avoir cédé à sa propre tentation au tout début de leur rencontre.
Il n’admettra jamais qu’il l’a trouvée attirante, comme tous les autres hommes qui l’ont rencontré. Elle utiliserait ça contre lui, aussi.
Il a regardé les yeux de sa collègue et rivale pendant longtemps, pour y voir une trace de mensonge, mais il n’y avait que l’excitation de révéler quelque chose de scandaleux. Sa sœur et un prof.
Il n’y aurait pas cru une seule seconde s’il avait compris les relations amoureuses de sa sœur, ces dernières semaines — comme il les a toujours comprises jusqu’à là. Or, ces derniers temps, elle a l’air d’être dans les bras d’un homme différent à chaque fois. En ramène un aux dîners familiaux, et traîne avec un autre le lendemain.
Pourquoi pas un prof ?
Après tout, sa sœur est gentille, un peu trop pour son propre bien. Naïve, même. Elle pourrait facilement se faire manipuler par un homme plus âgé… L’inquiétude s’est crée petit à petit dans son esprit, pour finalement ne plus le quitter.
Exactement ce que Diana voulait.

Il aurait pu aller la voir et lui tirer les vers du nez, sans aucun tact. C’est probablement ce qu’il aurait fait quelques années auparavant, plus impulsif que délicat. Mais s’il se passe vraiment quelque chose, si sa sœur est vraiment manipulée, ou dans une situation délicate, il vaut mieux la mettre en confiance pour qu’elle se confie. Il vaut mieux qu’il soit à l’écoute, plus qu’il ne l’a été ces derniers mois, en tout cas.
Depuis combien de temps n’ont-ils pas passé un vrai moment ensemble ? Avec ses horaires monstrueuses, il n’a pas pu lui consacrer énormément de temps, et Aini est elle-même occupée.
Il s’est rappelé de leurs drive night, qu’ils ont fait plus jeunes, dès qu’il a eu son permis. Des instants volés, ensemble, pour parler de tout et de rien, s’éloigner de leur réalité. Voilà ce dont ils ont besoin : autant lui que elle. D’un peu d’air frais.
« Taidama. » dit avec un sourire et une voix légère, même si l’inquiétude continue de ronger son coeur. Quand il lève les yeux vers elle, il cherche dans son regard une trace de quelque chose qui ne va pas, mais sa sœur lui sourit comme si de rien n’était. Ni les battements de coeur ni l’odeur de sa sœur ne trahissent un quelconque tracas, et il commence à se demander si Diana n’a pas juste créé de toute pièce cette histoire. Il pose son sac, récupère les clefs de son véhicule, qu’il n’utilise jamais, puis montre le sac en plastique qu’il tenait dans sa main jusqu’à là. « Repartir, oui, avec toi. J’ai acheté quelques snacks. » Il sourit encore plus quand il voit l’idée se former dans l’esprit de sa sœur, quand elle comprend ce qu’il lui propose, et que l’excitation naît dans ses traits. « Allons-y. » répond-il simplement en repartant dehors, sa sœur sur ses traces. Il ouvre la voiture, la laisse s’installer côté passager, puis il allume le moteur. « Je te laisse choisir la musique, okay ? » La nuit est fraîche, mais il ouvre quand même sa fenêtre pour laisser rentrer l’air nocturne, comme au bon vieux temps.

Large sourire se dessine sur sa bouche, une promenade en voiture, quelle bonne idée ! La renarde est joie, elle se glisse côté passager, attache sa ceinture et attend sagement le début des festivités. Sans broncher, elle saisit son propre cellulaire et lance une playlist night drive. La fenêtre grande ouverte, elle regarde le paysage défilé à vive allure. Le ciel est complètement noir, quelques étoiles se faufilent brillantes, légères. Les maisons sont rapidement remplacées par une étendue de route, dans des rues silencieuses et calme, presque apaisante. Ses doigts voguent dans une fausse vague, suivant le rythme du vent, chantonne à voix basse les paroles presque inconnues de la chanson. Un goût de nostalgie caresse ses lèvres, tout est doux et tendre, comme avant.

Nini avait bien compris la raison du voyage, sûrement une envie de partager ses mœurs et ses maux de tête. La renarde ferme petit à petit sa fenêtre, laisse tout de même la musique coulée, avant d’oser reprendre la parole. « Alors ? » Elle lisse son haut de la paume de sa main, ajuste quelques mèches décoiffées par le vent. « Comment se passe le travail ? » Akito n’était guère un garçon aux messages, il répondait une fois sur deux, de manière aléatoire et comme tous les hommes : étaient confus quand plus de deux questions étaient posés. Aini ne tentez plus des messages directs, elle le croisait à son travail, forcer pour déjeuner avec lui, attendait patiemment qu’il réponde à une invitation pour une fondue chinoise. De temps en temps, elle s’autorise à écouter d’une oreille attentive les rumeurs qui filent sur son dos, n’y croyait pas un mot, mais prenait un malin plaisir à écraser ces dites rumeurs à leur source. Peu importe la solution, Aini trouver toujours un moyen d’avoir des nouvelles. « Et les amours ? » La question est dite avec un petit rire amusé, si Aini a toujours été un livre ouvert, son frère lui, est une encyclopédie d’une langue qu’on a arrêté de parler. Il était si dur d’avoir de vraie information, qui ? quoi ? quand ? et quel type de relation ? Elle se remémore la fameuse Kirarin, mais rien ne lui saute aux yeux depuis.

Aini fait une moue, puis se sacrifie pour la grande cause, parler le fera parler, elle en est certaine !  « Moi, je m’ennuie en ce moment… Le départ pour Moscou est pour bientôt, Shin est censé m’accompagner mais son père le chaperonne depuis janvier, alors à tout moment je serai seule au milieu de la Russie. » Ses mots sont accompagnés par le bruit d’un paquet de chips ouvert sur ses genoux, elle en met un dans sa bouche, puis offre un autre à son frère, qu’elle glisse entre ses lèvres. Shin est un des acteurs principaux de la vie de Nini, toujours fourrée ensemble, son père ne cesser de chasser le garçon, traîner trop souvent dans la chambre de Nini la porte fermée. L’autre rôle est offert à Nichola Nae, chouchou des deux parents, il était prédestiné à finir avec Aini, mais pour cela, les deux cœurs devaient réussir à battre en symbiose, ce qui n’est pas une tâche facile. La renarde reprend : « Ensuite on doit aller à New York, en Chine, ils hésitent à remettre Sydney sur le planning et enfin, Paris. » Un geste magique accompagne Paris, glousse ensuite en avalant une autre chips, sans surprise, le second personnage prend place dans l’imaginaire de Nini, car une journée passer sans parler de Nicholas Nae est une journée de perdue. « Niki m’a promis qu’il viendrait avec Paris… Tu penses qu’il va vraiment le faire ? Mes copines du lycée l’ont vue avec d’autres filles à l’hôpital, parfois j’ai envie de prendre des jours de congés juste pour être sur qu’il ne parle à personne d’autre que moi… » Mais coeur vagabond ne lui appartient pas, et elle le sait très bien.

« Ne te moque pas… Tu penses à ça parfois ? A toutes les choses que tu seras capable de faire par amour ? » Curiosité mal placée n'emportera pas l’enfant au paradis, mais elle s’autorise à la poser. Pour la science, avait-elle envie de rajouter de vive voix, mais elle sait qu’il comprenait son raisonnement. Comme comparer ses limites aux siennes, pour se persuader qu’elle n’a jamais été aussi folle, Aini, juste passionné. « Sommes-nous des amoureux de l’amour ? »  Un rire amusé s’évade de ses lèvres, encore une fois, enfourne une poignée de chips dans sa bouche, elle fit de même à sa moitié, assez prudente pour qu’il ne manque pas un virage et les entraînes dans une mort certaine.