connected ☼ inhyuk

La frustration n'avait fait que monter. Mais au final, Zhilan aurait dû s'y attendre. Parce que les hommes aimant posséder n'aiment généralement pas s'abaisser à un challenge. Après tout, n'étaient-ils pas ceux qui gardaient la tête haute? Ceux qui aimaient avoir le contrôle? Et Zhilan était de ceux qui aimaient contester le pouvoir. Lui rire au nez, s'en moquer et s'en défaire. Sauf que Inhyuk était satisfaisant. Et s'il avait envie de pimenter sa relation avec l'homme, il n'avait pas non plus eu envie de le perdre, ayant pourtant créé une distance entre eux lui faisant grandement comprendre qu'il ne reviendrait pas de lui-même. Ce qui l'avait inévitablement amené à une frustration sexuelle qu'il n'arrivait pas spécialement à combler, parce qu'évidemment, il ne lui était pas revenu. Parce qu'il lui semblait que personne ne serait assez bien. Et intérieurement, il se demandait depuis quand il était si dépendant de qui que ce soit pour trouver plaisir aux bras d'autrui. Il était donc temps de tirer un trait sur l'autre vieux et en trouver un autre, ce soir. De se prouver qu'il n'était pas simplement obsédé par un seul gars et ses capacités au lit.

Sauf qu'en boîte, il y a plus de jeunes et de vieux crados que de véritable chaussure à enfiler à son pied. Et les plus véreux et avides n'étaient pour autant pas son style. Ils finissaient toujours par dévoiler une partie un brin dégueulasse qui ne lui plaisait jamais vraiment (et il avait assez fait semblant dans sa vie pour recommencer aux bras d'un homme qu'il ne souhaitait même pas combler). Mais peut-être que Inyhuk lui a mis un truc pour le traquer dans la peau. Parce que le regard se perd sur la foule, et en se perdant, ils finissent inévitablement par retrouver leurs chemins vers celui qu'il n'avait plus revu depuis le gala, choisissant volontairement de ne pas se laisser attraper. Il serre les dents. Parce qu'évidemment, le plus âgé, lui, avait déjà remarqué sa figure solitaire au bar, qui s'emmerdait sec et qui n'avait aucun corps auquel s'accrocher. Et c'est avec le regard brûlant que l'autre se penche vers son jouet de la soirée, laissant les lèvres s'écraser contre des inconnues. Se repaître de leur festin. Et Zhilan, bien que poings serrés, fait mine de n'en être aucunement heurté. Ah, il aurait aimé avoir moins d'égo et aller réclamer les cuisses du loup. Au lieu de ça, et parce qu'il avait une fierté à ne pas heurter, il hausse les sourcils d'un air très peu impressionné, et termine sa boisson cul sec en soutenant son regard. Lorsqu'il repose le verre sur le comptoir, il finit par se tourner vers un gars qui lui faisait les yeux doux de loin et qu'il avait fait semblant de ne pas remarquer tout du long. Il lui saisit le col, le ramène se penche, se saisissant d'une des mains de l'autre cible dont il ne connaissait même pas le nom pour le forcer à se saisir de sa taille (sachant qu'Inhyuk aimait la marquer). « Wanna make out? » Qu'il demande de but en blanc, et certainement qu'il n'attendait que ça, parce qu'il se jetterait presque sur Zhilan. Sauf que celui-ci décide de lui grimper dessus, à la place, le regard venant se perdre dans celui de son ancien amant, à l'autre bout de la pièce, alors que la langue frôle le bout des lèvres de l'inconnu qui produit un son qu'il préfère ignorer, craignant très clairement de se répugner. Autant était-il sexy, autant il puait le gars désespéré.

Le jeu n’a rien de dangereux, même s’ils ne se sont pas accordés sur les règles. Dans son esprit, il n’y en a qu’une seule qui vaille, l’unique suffisante pour le convaincre de jouer ; à la fin, c’est lui qui serait couronné, déclaré vainqueur d’une compétition dont il se fichait éperdument, au fond. Ce n’était pas tant le jeu qui l’intéressait, ni les règles, seulement la saveur de la victoire par anticipation, l’adrénaline de relever un défi et de savoir qu’il s’assurerait de ne pas le perdre. La défaite n’était pas envisageable - il ne savait juste pas qu’elle pouvait avoir plusieurs visages, insidieuse et polymorphe. Qu’avec ou sans elle venait la frustration, celle de ne pas se satisfaire d’un jouet à la saveur appréciée, sans qu’il ne l’assume complètement. C’était sûrement pour ça qu’il avait accepté, d’ailleurs. Zhilan réclamait toujours et Zhilan serait frustré, après avoir proposé de jouer. Il n’en fallait pas plus à Inhyuk pour comprendre qu’il sortirait vainqueur de ce petit jeu à la con qui l’amuse quand même un peu. Tant pis s'il fallait avaler sa propre frustration, ou plutôt la masquer au bord des lèvres d’autres poupées. Le but, l’enjeu, c’était de lui faire comprendre qu’il était remplaçable, malléable - qu’il avait beau vouloir faire le grand, se faire désirer, il allait finir par être celui qui craquerait en premier, incapable de résister. Trop frustré. Inhyuk en avait fait un jeu de domination, un jeu de pouvoir, lui-même incapable de jouer sans y lier sa fierté. Gagner, ce n’était pas seulement une manière de le ridiculiser au jeu qu’il avait proposé, c’était une manière de lui montrer qui commandait. Que Zhilan avait beau croire ce qu’il voulait, c’était Inhyuk qui tenait les règles en laisse d’une main de fer, autour de son cou.
Alors quand il le voit, entre les silhouettes dépravées, le sourire s’agrandit et le spectacle peut commencer. Il le voit en premier, d’ailleurs, parce que Zhilan ne l’a pas encore remarqué. Inhyuk profite de l’instant pour le détailler, amusé de sa solitude, de son désespoir (are you looking for me, babygirl?). Ça ne le met pas seulement en joie, Inhyuk exalte. Patient, il attend que leurs regards se croisent, s’échauffent - refroidit la pièce en fondant sur les lèvres de la poupée d’à côté, donc il ne connaît pas le nom mais dont les mains se sont depuis un moment déjà glissées sur ses cuisses. Ou bien est-ce l’inverse, peut-être qu’au fond le voir ainsi a réchauffé le sang de Zhilan, à tel point que la frustration est revenue frapper contre la tempe, lui suggère de trouver une alternative, vite, quitte à rogner la qualité sur la quantité. Inhyuk le regarde grimper sur un autre inconnu qui doit avoir trois fois son âge. Tout ce qui lui vient, c’est qu’il a envie d’en rire, parce que Zhilan exhibe sa défaite au cou d’un vieillard pendant que lui savoure sa prochaine victoire contre les lèvres d’une proie bien plus proche de leurs âges.
Et la tentation est trop forte, alors Inhyuk saisit la taille de sa poupée pour l’inviter à s’approcher du bar, le coude appuyé sur le comptoir, suffisamment près de Zhilan et sa trouvaille pour qu’ils puissent entendre sa voix. S’adresse à sa conquête, toujours aussi charmeur, insistant sur des syllabes en particulier. “What’d you want, babygirl?” Le cocktail désigné, il commande au bar comme si de rien n’était, savourant le moment en silence.

Oh, mais le vieillard n'en est pas tant un. Et certainement que Inhyuk fanfaronne à l'idée, oui, d'être celui qui gagnerait dans leur concours ridicule de qui a la plus grosse. Mais sait-il combien Zhilan s'amourache des hommes mâtures? Parfois même bien plus que lui, aux mâchoires qui feraient tourner de la tête, aux visages plus camouflés par la barbe de leurs années. La cible que le suisei-ka s'est choisi n'a rien à envier au loup. Non. La seule chose qui lui donnerait envie de dégueuler sur ce morceau de viande qu'il s'était choisi, c'était son avidité non dissimulée. Cet amour qu'il portait visiblement plus à la jeunesse du jeune témoin plutôt qu'à ce qu'il se cachait en-dessous. Quoique. Si l'on prenait son corps en compte, il avait visiblement bien envie d'en faire son repas du soir.

C'est sur les cuisses de l'homme, que Zhilan s'installe avec grâce. Et si le regard glisse sur le couple installé à leurs côtés, il fait mine de ne pas s'en soucier, laissant les orbes dériver plutôt sur la main qui vient serrer la taille fine pour mieux accrocher le corps qui glissait peut-être un peu de son nouveau trône. Le surnom employé lui fait serrer, non, grincer des dents. C'est pourtant cette intonation et le nom qu'il employait pour désigner son jouet favori à présent échappé qui le pousse à glisser une main contre la gorge de l'homme dont le regard dévorait chaque coin de son visage. « Wanna drink before you take me home, daddy? » Qu'il demande avec un air presque innocent, et, pourtant, le regard pétillant de malice. D'envie feinte. Parce qu'il le jetterait avant qu'il n'ait le temps de le mettre dans ses draps. Il cherchait simplement à provoquer Inhyuk autant que lui le faisait. Il ne tourne pas le visage vers l'homme, se contentant de tendre le bras pour s'emparer d'un verre posé non loin de lui. Mais les doigts frôlent ceux du hiisa-ka, dont la boisson se tenait juste à côté de la sienne. Et l'homme qui lui servait de perchoir semble comprendre la tension qui les électrise aussitôt, car c'est presque un réflexe de ramener Zhilan un peu plus contre son torse.

Il n’est pas jaloux non, jamais, en tous cas certainement pas pour cette poupée sans importance qu’il n’a d’ailleurs jamais appelée par son prénom. Babygirl est amplement suffisant pour résumer la place qu’occupe Zhilan dans sa vie et celle qu’il n’occupera jamais dans son cœur, trop fermé, trop déçu. Et s’il veut le posséder, sa tentative de défi et ses petites provocations ne font que provoquer son amusement. L’intriguent et l’intéressent aussi forcément, incapable de dire non à un jeu quel qu’il soit, surtout quand il peut s’assurer la victoire. Mais rien de plus, surtout pas de l’agacement envers ce vieux croûton que Zhilan a choisi de conquérir pour le rendre jaloux. C’est ça, qui le bloque ; s’il montrait la moindre once de jalousie, ce ne serait plus lui le gagnant, ce serait accepter de perdre le défi, ce qu’il ne pourrait supporter. Alors il se contente de le provoquer à son tour, persuadé que ce n’est pas sans effet. Parce que dès lors que Zhilan a commencé à jouer, c’est qu’il voulait plus, qu’il attendait un signe de sa part, une émotion, quoi que ce soit lui prouvant qu’Inhyuk le désirait - et apparemment, leurs nuits interminables ne lui suffisaient pas. Il voulait qu’Inhyuk réclame, quémande, comme s’il n’avait pas passé suffisamment de temps en sa compagnie, ne le connaissait pas suffisamment pour savoir que ce n’était pas son genre. Inhyuk ne réclamait pas, Inhyuk prenait, sans demander ni pardon ni permission, bien conscient que les autres faisaient constamment de même. Se justifiait par l’égoïsme ambiant, légitimation parfaite pour tous les actes qu’il jugeait nécessaires.
Bien conscient qu’il l’a entendu commander, il sirote son verre avec un sourire, laissant un peu de répit à sa poupée de remplacement. “Wanna drink before you take me home, daddy?” Imperturbable, il ne peut s’empêcher de penser que Zhilan a bien du mal à tenir le rythme de son propre jeu, s’il en vient à se contenter de répéter ses propres provocations. Les yeux tombent sur leurs doigts qui se frôlent, la main en suspens et le liquide qui se stoppe un instant dans son verre, avant de remarquer la réaction du daddy en question. S’il cherchait quelqu’un pour réclamer, il l’a trouvé, visiblement. Mais il ne lui fera pas le plaisir d’une remarque acerbe en sa direction, ce serait trop facile. Il se contente de prendre la taille de sa proie éphémère, l’invitant à quitter ce comptoir qui devrait pourtant combler toutes les attentes de Zhilan. “Come on doll, smells like desperation in here.” Il ne sait pas s’il a été entendu, et au fond il s’en fiche. Il sait que le jeu est gagné, parce que soit Zhilan a trouvé un daddy capable de réclamer et n’a plus de raison de revenir à ses côtés, ce qui voudrait dire qu’Inhyuk a gagné ; soit il ne voulait pas de n’importe qui, mais seulement de lui, et ne pourra pas rester loin bien longtemps, déjà perdant à son propre jeu. Either way, I win.  

Zhilan aime provoquer. N'aime pas être provoqué. Et là, dans le sang, ça boue en de nombreuses frustrations qu'il ne saurait nommer que comme défaite. Et il n'aime pas perdre. Certainement pas face au regard hautain d'un gars qui l'avait possédé, qui était persuadé de sa domination sur ce terrain. Et, ah. Zhilan avait l'impression qu'il allait user de son nouveau jouet un peu plus que prévu, ce soir. Peut-être qu'il allait se sentir obligé d'être plus wild que d'habitude. Qu'il allait réclamer encore plus jusqu'à ce qu'on le brise. Juste pour se donner la sensation que tout ça avait été worth it, qu'il n'avait pas perdu, non que c'était Inhyuk qui manquait quelque chose. Qui s'en serait mordu les doigts, s'il avait ne serait-ce qu'un seul instant cherché à le garder auprès de lui ne serait-ce que pour quelques nuits supplémentaires. Mais ce que Zhilan n'aimait pas tant, finalement, c'était d'avoir un régulier qui ne le regardait même pas. A qui il était obligé d'accrocher le regard. Qui s'ennuyait mais n'osait rien en dire. Alors ce soir, il allait demander à son nouveau daddy de marquer son corps tout entier s'il le fallait, pour prouver, putain, qu'il ne puait pas le désespoir. Non, plutôt le désir, mais, surtout, le contrôle. (Pas la frustration). L'homme sous lui ne perd pas un instant à lui signifier que, ah, définitivement, il n'avait pas de temps à perdre avec une boisson. Mais Zhilan n'avait pas fini. Alors il se saisit de la main qui glisse un peu trop vite sur son corps (il allait lui apprendre à prendre son temps) et sourit d'un air charmeur. « It's okay. You'll taste all of it and more, after you let me... » Et ah, quel dommage si la petite poupée toute faite de chiffon et à peine capable de tenir sur ses jambes trébuche et manque de se casser une jambe après avoir malencontreusement rencontré la cheville de Zhilan. Il n'adresse pas un regard à Inhyuk, sourit simplement à son nouveau jouet. D'un sourire vilain. Et puis il se redresse, prend la main de celui qui saurait le satisfaire ce soir. Si le geste aurait pu sembler crier l'attention, il en était plutôt que Zhilan avait envie de se prouver qu'il n'était pas comme cette petite poupée de porcelaine, à chercher plus fort que lui pour se laisser aller au plaisir pour la soirée.
Seul un homme sans goût préférait la facilité au challenge, voilà tout.