colours of the wind (pandore)

d'un geste gracieux il couche les couleurs comme il danse au rythme des mouvements des vagues azures. véritable échappatoire de son quotidien misérable, la plage des météores c'est comme un havre de paix éphémère, une dose d'oxygène injectée aux pleins poumons. il respire niki. il respire enfin.  comme s'il ne voyait plus le monde mais seulement ses mille couleurs tout semble se teinter de légers scintillements. alors il prend le temps pendant quelques minutes de poser son pinceau et de lever les yeux pour que le temps s'arrête. car tout va trop vite, et trop fort et qu'il se retrouve comme plaquer au sol. incapable de faire le moindre mouvement quand on piétine son thorax et qu'on tambourine tout contre son crâne de pensées dégueulantes et songeuses.

il inspire.


tout est si calme et majestueux alors il veut capturer le moment et le garder précieusement sur son papier comme une trace d'un moment apaisé. ((si rare)) un peu de bleu, non beaucoup. beaucoup de rouge aussi que l'on canalise avec la pureté du blanc. il mélange et remet en ordre les pigments pour le beau. son paysage est comme figé malgré les caresses du vent sur le sable. mais, une silhouette vient boulverser le tableau et l'équilibre de ses nuances. d'abord contrarié, ses sourcils viennent se froncer dans un reflex presque mécanique. parce que nicolas voulait être tranquille et peindre le sable aux couleurs rosées dans sa sérénité et sa solitude. ((comme lui)) alors il songe à abandonner le tableau et partir. pourtant ses mains continuent de danser sur le papier face à la beauté de la scène. niki commence alors à  peindre  les traits flous et longiformes de son visage sans même pouvoir  distinguer la couleur de ses iris que niki s'amuse à deviner. de plus en plus rapidement, l'aquarelle se pose et coule sur le papier à mesure qu'il s'attarde sur la pose majestueuse de l'inconnu· e face à lui, surplombant l'océan.
alors une fois le papier souillé de son art, le gamin l'agite en l'air presque innocemment pour que les dernières couleurs sèchent , mais le vent est trop fort, ou peut veut-il se porter messager puisque l'aquarelle timidement brandie fuit ses mains et entames sa courses, quelques mètres plus loin,

encore plus loin.

jusqu'à s'essouffler et buter contre la chaussure de son modèle. alors niki se lève et déboule dans un fracas contre l'inconnu honteusement la respiration haletante. « aaaaaaah.» il se courbe et jète un oeil par la même occasion à la chaussure détenant le parchemin honteux. il est du côté de l'aquarelle. il ferme alors ses yeux mort de honte toujours courbé. il déglutit. « mon papier.»

Elle y venait, souvent, et à chaque fois son cœur trébuchait (c’était une jolie manière de dire qu’il se brisait). Ça ne faisait pas beaucoup de bruit, on aurait presque pu le confondre avec une vague venant s’écraser sur le sable, discrètement mais inlassablement. Mais c’était bien là, tangible, comme une plaie pas tout à fait fermée, peut-être parce qu’on ne sait pas quel pansement lui correspond. On tente, on essaie, mais la vérité, c’est que Pandore avait beau venir et revenir, elle ne pouvait se résoudre à observer l’océan trop longtemps, parce que ça lui rappelait un temps d’avant, une chute de plus. Et cette fois-là comme les fois d’avant, elle revoit encore, en regardant les rochers sur le sable, la bouteille vide et son corps allongé, endormi - abruti par l’alcool. Elle construit une relation d’amour-haine avec ce paysage pourtant si apaisant, y retourne comme si ça pouvait tout faire disparaître ; comme si, la prochaine fois (c’est toujours la prochaine fois, ça cultive l’espoir), voir l’océan allait lui redonner de l’air dans les poumons.
Inspirer, expirer, respirer.
Ça ne marche jamais.
Elle traîne des pieds sans trop savoir quoi en faire, de ces pas qu’elle donne à la mer. De ce temps et de ces pensées qui s’imposent, qui la ramènent des mois en arrière, comme si la bataille contre l’addiction s’était arrêtée voire ne s’était jamais déroulée. Au fond, quand elle marche sur la plage, elle marche dans son propre passé, et ça lui est autant bénéfique qu’insupportable. Elle suit les conseils de thérapeutes, retrace le chemin d’une énième descente aux Enfers ;
et finit inexorablement par marcher sur le sable d’une plage dont elle ne voit pas le bout, l’esprit partagé et le cœur mitigé. À se demander si ça sert bien à quelque chose, tout ça (la réponse est souvent pas grand-chose).
Cette fois, comme toutes les autres fois, les remous l’accompagnent et Pandore ferme les yeux pour les écouter, sans vraiment regarder dans quelle direction ses pieds vont l’emmener. Elle finit par s’arrêter, respirer - se frustrer, parce que l’air est bloqué. L’océan ne l’apaise pas, bien au contraire. S’assoit sur le sable à un endroit choisi un peu au hasard, les jambes en tailleur. Pour un moment, il n’y a que le bruit de l’eau, et elle semblerait presque oublier la vie d’ailleurs, les tracas, le poids sur ses épaules. Après tout, sur la plage il n’y a ni rōnins ni Kaisei, ni bouteille ni addiction (elle est dans une poubelle).
Ça ne dure pas, elle finit par se relever, le regard un peu perdu dans les vagues, à penser à ce qu’elle a raté, sur cette plage. “Aaaaaaah.” Elle lâche un hoquet de surprise, parce qu’elle n’a entendu ni le papier se coincer sous ses pieds, ni l’inconnu s’approcher et lui rentrer dedans, manque de tomber. “Mon papier.” Elle fronce les sourcils sans comprendre, avant de se pencher pour distinguer un papier bloqué par sa chaussure, qu’elle récupère aussitôt avant de le tendre à l’inconnu en se baissant pour s’excuser. “Je suis désolée, je-” Le regard croise l’aquarelle, devine les lignes, reconnaît le paysage - et sa propre silhouette. Et peut-être que c’est de se voir ainsi dessinée près de l’océan, comme deux ennemis dont le dessinateur ne devine pas la relation, qui lui fait quelque chose, comme si en un dessin et sans la connaître il avait fait creusé une carapace érigée par Pandore après des dizaines de visites, en se disant qu’elle finirait par réussir à se protéger de l’océan. Alors elle bégaie, prise au dépourvu, ne sait pas quoi dire d’autre que “c’est très joli.”, avant de se trouver particulièrement stupide. “Ça va, vous ne vous êtes pas fait mal ?”

nicholas aurait voulu garder la preuve indélébile de sa curiosité mal placée,  il voulait chérir cet instant de beauté dont il était le témoin dissimulé comme un secret. il ne voulait jamais montrer le vrai.  prônant le faux, le cultivant précieusement pour le brandir fièrement en étendard regardez tous, regardez la personne que je souhaiterais être. regardez comme ce n'est pas moi    tout comme un spectacle, tout était calculé, chaque acte était longuement réfléchis, le ton, le rythme, tout devait être magistrale, le genre de pièce dont on devait se souvenir, celle qui marque les esprits. au final il voulait juste qu'on se souvienne de lui.  mais là, à cet instant bercé par les vagues, là où l'horizon se floutte dans les mouvements réguliers de l'océan,  il se tenait devant elle à découvert perçant le secret intime et protégé de coucher sur papier les moments singuliers, de prendre en muse érigée l'inconnue dont les traits précédemment lointains se révèlent  à présent devant lui. la gêne se lit sur son visage comme un livre ouvert et il détestait ça.
inspirer, expirer, respirer. ça aurait pu marcher pourtant. saisissant l'aquarelle d'un geste vif comme une panique non maitrisée, il le fourre dans sa poche, froissant le papier malgré lui. je... il se touche la clavicule toujours en en quête d'apaiser l'atmosphère pesante qui règne par sa faute. il détourne le regard vers le sable. c'est gentil. il parait sec sans le vouloir alors  niki se sent échouer de plus en plus dans sa perpétuel quête de perfection. non ça va pardon je voulais pas....  il soupire longuement , se redressant face à elle.
inspirer, expirer, respirer. rien n'y fait la myocarde continue de tabasser son torse d'une gêne absolue. vous déranger.... mais  il prend le temps de regarder les traits qu'il ne pouvait voir de là-bas, se dit qu'il y manquait des couleurs sur le papier qu'il aurait du plus mélanger les nuances d'orange, que le marron de ses yeux ressortait encore plus qu'il n'avait pu l'imaginer. rompant alors le silence pesant il se gratte timidement la tête. je suis pas.. je suis pas un pervers vous savez!!il commence à rire soudainement face à la situation. je trouvais la manière dont vous étiez face à la mer reposante et, vraiment belle. je suis désolée pour mon indiscrétion. il se courbe à nouveau comme une excuse. je n'ai pas pu m'en empêcher de capturer le moment. il met sa main dans sa poche pour toucher le papier légèrement froissé. je peux le jeter si vous voulez. il se relève face à elle la surplombant de nouveau.

Est-ce que tous les visiteurs d’un moment sont comme elle, à chercher quelque chose face à l’océan sans savoir quoi, pour finir par contempler les vagues en se laissant submerger par le néant ? Est-ce qu’il est comme elle ? Est-ce que lui aussi est venu pour confronter, ou sa vie ou son passé, en tous cas ses questionnements, ou bien est-il là par hasard, sans que ça ne veuille rien dire, parce que tout n’a pas forcément une signification ? Elle ne peut que supposer et dans tous les cas le moment ne dure pas, soulève des questions mais la laisse en plan sans réponses, juste avec sa surprise et lui avec sa gêne. Elle suinte de tous ses pores, si bien que Pandore abandonne l’étonnement comme si elle reprenait un masque - fin de l’entracte, reprise du spectacle-contrôle. Et tant pis s’il l’a prise au dépourvue, il n’y a plus de place, la politesse et la délicatesse sont de mise, pour le mettre à l’aise. Aurait voulu l’empêcher de froisser son dessin, mais elle n’ose pas. Se dit simplement que c’est dommage, que peut-être qu’avec un peu de magie le papier redeviendra comme avant.
“Je…” Il hésite et Pandore voit bien qu’il se confronte à ses propres questions, celles qui en ont tout l’air et celles qui prennent la forme d’affirmations. Peut-être, sans doute que c’est l’océan, qui rend ce moment si complexe là où ils auraient pu se croiser seulement l’espace d’un instant. Elle lui aurait rendu son dessin, il l’aurait remerciée et il serait parti. Fin d’un acte, du spectacle, sans entracte.
“Non ça va pardon je voulais pas....  vous déranger….” Il ne la dérange pas, elle voudrait bien lui dire qu’au contraire, il a coupé le tumulte de pensées qui la pesaient, de pensées impossibles à arrêter et dont elle aurait bien voulu se détacher. Mais ça ne se dit pas, pas comme ça, pas à un inconnu, pas ici. Elle s’empresse pourtant de le rassurer, “oh non, vous ne me dérangez pas du tout, ne vous inquiétez pas”, mais elle n’en dit pas plus et ensuite c’est le silence qui devient pesant, à tel point que quand il le brise ils peuvent presque l’entendre tous les deux, comme un vase. “Je suis pas.. je suis pas un pervers vous savez!!” Ça le fait rire et elle aussi, parce qu’elle ne l’a pas cru une seule seconde. Il n’est pas le seul à dessiner des silhouettes dont on ne devine que les formes, à se perdre dans un dessin qui veut à la fois tout et rien dire. Elle va pour répondre, lui assurer qu’elle ne l’a jamais cru, mais il la devance. “Je trouvais la manière dont vous étiez face à la mer reposante et, vraiment belle. Je suis désolé pour mon indiscrétion”, et ses paroles la bloquent, parce que
je ne savais pas qu’on pouvait avoir l’air reposant, quand on fait face à ses démons.
Mais ça non plus, elle ne se voit pas le lui dire. Elle le laisse simplement terminer, ça l’arrange même qu’il remplisse l’air de sa voix timide, ça lui laisse un peu de temps pour reprendre ses esprits. “Je n'ai pas pu m'en empêcher de capturer le moment. Je peux le jeter si vous voulez.” Elle revient à la réalité d’un coup, réveillée par cette proposition absurde, secoue la tête, les mains qui font non avec empressement. “Oh non non ne le jetez pas, il n’y a vraiment aucun problème ! Et puis ce serait dommage, il est vraiment très joli. Et je vous rassure, je n'ai pas cru une seule seconde que vous étiez mal intentionné.” Et puis si c’était de se voir sur un papier qui la gênait, elle aurait sûrement refusé d’être affichée dans toute la ville, en poupée-propagande aux côtés de son grand amour. Elle désigne sa poche, demande sincèrement, “Il n’est pas trop froissé, ça va ?” Et peut-être qu’une part d’elle a envie de revoir le dessin, de regarder cette interprétation, si différente de ses impressions. De chercher à voir à travers son regard, sans doute en quête du repos et de la beauté qu’il a vu dans la scène et dont elle manquait cruellement.