≋ do i wanna know? (naveen)

( 10.12.2023 · outfit )

DO I WANNA KNOW?



Hors de sa zone de confort, c’est sa lèvre inférieure qui encaisse les dégâts sur son mental. Anxieuse à l’idée d’être suivie, d’être repérée, d’être écoutée - alors que Tiffany sait qu’elle n’est pas venue les mains dans les poches, après avoir préparé ce type de rencontres depuis de longues semaines.

Sous les néons clignotant des ruelles de Eiyamachi, le bruit sourd d’un concert de rock ne laisse nul doute quant à son arrivée à destination. Micro-livehouse aux allures de squat aux habitants peu recommandables, uniquement repérable à l’enseigne mal alignée au-dessus d’une lourde porte d’entrée. Mais c’est la sortie des artistes qu’elle cherche - c’est celle qu’on lui a indiquée. Backstage entrance. Say the password. L’allure patibulaire d’un garde de sécurité devant la porte la fait hésiter, dans la semi-obscurité - mais Tiffany finit par avancer, poigne resserrées sur ses manches trop longues.

L’éclairage public lui donne un teint blafard des mauvais jours, sous ses cheveux trop longs. Vêtue en conséquence - khôl dégoulinant, boots et mini-jupe de celle qui pourrait toujours affirmer être venue pour voir son groupe de rock garage préféré si on venait à poser trop de questions. Le garde la suit du regard sans bouger, mais ne baisse pas les yeux, dans une injonction silencieuse - pas pour longtemps. Speak, l’oreillette de traduction magique crépite dans son tympan droit lorsque l’homme perd patience. Tiffany cligne des yeux un instant. Doute qui serre son coeur d’être en train de faire une énorme connerie, mais elle ne recule pas. I’m… the synth player. For the audition, glisse-t-elle en anglais, comptant sur la Poussière pour transmettre le message. Priant intérieurement que tout se passe comme prévu, et que le gorille connaisse le mot de passe en question.

Moment de silence qui fait battre son coeur - avant que l’homme ne finisse par se décaler d’un pas et lui faire signe d’entrer. Comme ça, sans rien d’autre… ? Elle hésite un instant, et finit par s’activer, non sans précautions. Mais rien ne se passe - on la laisse filer, dans le couloir sombre qui s’enfonce dans les méandres de la salle de concert. Le son se rapproche, toujours étouffé, mélange de sons grunge et des cris d’un public.

La cursive semble interminable, à peine éclairée, peut-être chemin vers sa démise - mais non, le Cerbère devant la prochaine Porte des Enfers est un deuxième garde. Il ne lui parle même pas, cette fois-ci - lui fait juste signe de s’arrêter et de lever les bras d’un mouvement de la main. Le regard de Tiffany s’arrête sur son catalyseur, ou peut-être est-ce juste un artefact magique - l’un de ces détecteurs de métaux de la sécurité aux aéroports, à première vue. La déduction est rapide - on la sonde pour la présence de sortilège ou d’artefact d’espionnage. Elle obtempère en silence. Lève les deux bras, se laisse inspecter, avec succès. Boss is inside. Le hochement de tête du vigile a le mérite de la rassurer sur deux points ; non seulement elle n’aurait pas d’ennuis, mais elle n’est donc bel et bien ni suivie, ni écoutée par d’autres.

On la fait entrer dans une pièce - une loge, aux murs d’un jaune décrépi sous de nouveaux néons, recouverts de dédicaces, de graffitis, de stickers en tous genres. Uniquement meublée d’un coin cuisine qui ne semble que servir à stocker des bouteilles d’alcool à moitié entamée, et de quelques canapés défoncés de chaque côtés d’une table basse. Et assis dans l’un d’eux, son interlocuteur.

Boss, she’s here. Le vigile grommelle quelque chose dans un anglais bancal, interrogeant Tiffany un instant, plantée là devant l’inconnu assis, visiblement concentré sur quelque chose qu’elle n’arrive pas à déterminer. La porte derrière elle se ferme lorsque son officier de douanes disparaît - et le bruit du verrou magique dans la serrure lui fait froncer les sourcils un instant.

Ce n’est pas le moment de paniquer. Tiffany se retourne vers l’inconnu pour mieux détailler son identité. Hi. Son cou la démange légèrement, bien que sa transformation soit loin - les situations de stress ont souvent raison de ses hormones hybrides, comme un rappel à l’ordre pour elle-même. Elle fait quelques pas, et les traits de l’inconnu lui sont plus visibles. Il n’est clairement pas japonais - probablement anglophone. Et quelque chose lui rappelle une bribe de souvenir lointain, lorsqu’il relève le nez vers elle. I know you, laisse échapper Tiffany avec une expression intriguée, bien que précautionneuse. Salem, right? Impossible de déterminer son âge, mais le visage est familier. Sans même se poser la question de si l’anglais serait la langue de l’échange - elle sait. I’m Tiffany, continue-t-elle avant de tendre sa main comme pour saluer son interlocuteur proprement. They said you can help me. And that I may be able to help you too, ajoute-t-elle, attendant comme une invitation à s’asseoir. Leur contact en commun, figure anonyme sur les cyber-espaces clandestins de l'archipel magique. Étrangement un peu plus détendue de se dire qu’elle pourrait communiquer dans sa langue maternelle en paix, en plus d’y voir une figure liée à un passé qui lui était bien plus paisible.