each and every one・sheeva & avren

each and every one
Et les jours se ressemblaient dans cette monotonie lassante. Mais de ce temps passé au ministère, il y laissait ses marques, et son nom devenait peu à peu cette identité qui ferait de lui l’être incandescent qu’il tenait à devenir. “Avren.” Ils chantaient son nom. Ils acclamaient son génie. On disait de lui qu’il était l’avenir. “Ah Avren...” Destiné à briller dans cette haute sphère qu’il voulait pourtant annihiler. Et dans cette pénombre, son visage marqué par les insomnies s’égayait pourtant d’un chaleureux sourire factice, se préparant à cette bataille contre ce monde qui lui avait tout arraché.  

Journée achevée, il marchait parmi ces formes qui rêvaient de leur foyer, mais alors qu’il s’apprêtait à passer les portes qui lui rendraient sa liberté, l’une d’entre elles attira son regard si vide.  

Elle.
Pourquoi ?

Divaguait-il ? Impossible. Il ne défaillait jamais, pas même après ces nuits blanches intempestives. Et de ses airs agaçants, il la reconnaîtrait parmi toutes les autres. Elle. Ce souvenir du passé si douloureux. Il s’était imaginé plus d’une fois être frappé par une malédiction, mais certainement pas celle-ci. Non. Jamais il n’aurait imaginé revoir ce visage qu’il détestait pourtant tant. Il criait de l’intérieur de l’ignorer, mais il en était incapable. Il voulait la saisir et la détruire avant que les maux de ce passé ne ressurgissent. “You.” Mots lancés d’un ton voulu glacial, il se tenait derrière elle dans une posture si élégante mais hautaine. “Moon Sheeva.”  Et il ne repartirait pas d’ici sans être sûr qu’elle ne disparaîtra pas aussi vite qu’elle était apparue dans cette existence qui lui était propre.

Et tu détruiras tous les vestiges misérables de ce passé,
Afin que son âme puisse reposer en paix.  

each and every one
Nouveau chapitre d’une existence gâchée, celle que Lyse a derrière elle laissée. Livre refermé trop tôt, à la fin trop abrupte. Nombreuses pages raturées ayant signé la fin des écrits de plusieurs vies simultanées. Sheeva et Avren, prisonniers de leurs tourments, mais aux destins sensiblement différents. Des êtres toujours contraires, qui ne se seraient jamais croisés sans cette lumière commune qui avait illuminé leurs vies contrastées. Mais leur phare avait disparu, emporté par l’écume de ses propres désirs illusoires, et les deux âmes en perdition erraient maintenant sans guide, balayées par les vagues d’une existence amère, avec pour seul réconfort les souvenirs d’un douloureux passé.

Journée passée auprès de ceux appelés à gouverner leur monde onirique, la sylphide se contente d’un moment à servir ceux qui dirigent, seul moyen de s’approcher des rôles qu’elle se rêve à convoiter. Lassitude qui la gagne quand elle quitte ce lieu qui aurait brisé les plus belles illusions, quand on rêve de changer le monde mais qu’on ne peut que suivre ordres et directions.

Et soudain il la remarque. Attention de la belle qui échappe à la sortie, quand dans son dos celui-ci décide de se faire entendre. Incapacité pour lui de simplement l’éviter, précisément ce pourquoi elle est ici à ses côtés. Personnage tourmenté empêtré dans cette toile tissée par leur perte destructrice, et Sheeva qui sent son cœur meurtri de le voir ainsi dépérir. Vivre pour Lyse, un fardeau qu’elle porte chaque jour, quand Avren semble faire tout l’inverse. Besoin de le comprendre, désir de l’aider, même si sa présence agaçante reste une montagne à surmonter.

Avec lenteur et minutie, elle se retourne pour lui faire face. Regard qui s’égare sur les traits de son visage, apparence magnifique secouée par des traits éreintés. Les iris perçants qui viennent finalement se planter dans les prunelles de celui qui l’a invoquée, et qu’elle toise maintenant sans laisser la moindre émotion prendre place sur son divin portrait. “Oh, I didn’t know you’d be here.” Se permet-elle de mentir, alors qu’elle s’est aventurée dans ce chemin professionnel pour surveiller son âme tourmentée. “But I’m glad to see you… Avren.” Ose-t-elle même ajouter, feignant un échange amical, quand la tension est déjà en train de s’élever entre leurs deux corps électriques.

Trop bien élevée pour exploser au premier contact, toujours prête à faire les efforts en public, à attendre le moment où ils seront seuls, pour fermement lui montrer qu’entre eux rien n’a vraiment changé.  

each and every one
Passé que l’on voulait annihiler. Souvenirs que l’on voulait effacer. Destin auquel on voulait échapper. Et les deux âmes tourmentées par les anciennes erreurs incorrigibles n’avaient pas encore conscience que la fatalité les mènerait dans ces abysses épouvantables qu'ils redoutaient tant. Cœurs si peinés à en espérer point la paix. Ils ne méritaient rien, pas quand celle qu’ils avaient tant aimé n’était plus parmi eux.

Et Avren se refusait de vivre à sa place dans ce monde qu’elle méritait tant, à s’en cacher des étoiles et du soleil. Dans cette pénombre, il se mourrait pour y protéger son repos éternel. Pacte avec la mort, et il lâcherait à son tour son dernier soupir lorsqu’il aurait accompli cette vengeance.  

Du haut de cette tour, là où régissent les hommes au pouvoir immuable, il continuait alors de se faire une place parmi ceux qui en imposaient leurs lois. Mais il avait fallu qu’elle parmi tous les autres parasites de son existence fasse irruption dans ce parcours qui avait pour l’instant été si immaculé jusqu’à présent.  

“Why are you there ? I thought you were on another country...” Toujours plus glacial alors que son regard lacéré dévisageait celle qui avait par le passé été à ses côtés, à en refuser l’échange amical qu’elle tentait d’instaurer.  

each and every one
Retrouvailles glaciales avec cet être brutal. Longues années passées loin l’un de l’autre, à chercher ce réconfort que nul n’avait pu leur apporter. Terre entière qu’elle avait traversée dans l’espoir d’un jour obtenir ce salut salvateur. Mais jamais il n’était arrivé, et elle avait dû se faire à l’idée. Lyse était morte, morte et enterrée, et rien ne viendrait apaiser son âme tourmentée par la perte de son amie tant aimée. Souffrances quotidiennes, quand la culpabilité jamais ne parvient à la quitter. Le monde qui a continué de tourner, alors que le cœur de Sheeva reste indéfiniment gelé.

Avren, au chemin emprunté si différent. Sheeva qui ne peut s’empêcher de se demander combien de tourments il a surmonté en restant dans ce lieu hanté. Toutes les malédictions qui s’abattent sur lui, sur ses épaules qui ploient sous le poids de leurs erreurs passées. Froideur qui le caractérise, froid comme la mort qui a emporté Lyse, et c’est sans la moindre chaleur qu’il l’invective en s’interrogeant sur sa présence en ces lieux. Obligation pour elle de ne pas montrer toutes les cartes de sa main, quand conserver ses atouts semble face à lui un besoin.

Question sur ses voyages passés, quand il ne rêve sans doute que de lui dire d’y retourner. Toundra imperturbable dans la voix de celui qui voudrait certainement la chasser loin d’ici. “I’ve been here and there, yeah…” Elle commence, se voulant évasive, leur évitant aux deux d’interminables récits de voyage qui se clôtureraient par l'indifférence de celui qui la toise. “But I’m back now. For good.” Elle reprend, sérieuse et incisive, voulant lui faire comprendre qu’elle n’est pas que de passage. “Maybe we can catch up later ?” Elle tente un rapprochement, occasion proposée d’échanger sur leurs vies passées. Certitude pour la belle qu’il va y renoncer, mais obligeant Avren à jouer cartes sur table face à ces retrouvailles improvisées.  

each and every one
Fragments du passé à resurgir à la vue de ton visage. Vous auriez pu devenir quelque chose. Vous auriez pu surmonter ça ensemble. Mais dans ton égoïsme, tu as fui, laissant derrière toi que détresse et calamité.

Dis-moi Sheeva...
pourquoi ?

Tant de questions, pour si peu de réponses... Les traits de Lyse souffrante à jamais gravés sur ton visage. Il ne peut pas. Non. Il ne peut se défaire de cette misère qui lui colle à la peau, parce que tout toi lui rappelle elle.  

Vie devenue un requiem,  
ce sont les corbeaux qui en chantent vos retrouvailles.

Les iris qui te dévisagent, la haine l’étouffe. Il te déteste, et tout son corps le lui fait ressentir. Tu viens de loin et tu aurais dû rester là où tu étais, parmi les chagrins et les malheurs que tu amènes avec toi. Soupir qui s’en dégage d’entre ses lèvres, à t’en révéler ces sentiments qui lui lacèrent la gorge.  

Disparais !
Je t’en prie, disparais !

Mais au milieu de tous ces autres, vos silhouettes font face sans pouvoir se détacher. Destin lié à jamais. Vous ne le savez pas encore, mais c’est ainsi. Ames portées par les désespoirs d’un lendemain rempli de désolation et de frustration.  “Good for you.” A ne pouvoir que t’offrir dédain et froideur. “And no, we can’t. I’m too busy anyway.” Préférant s’éclipser dans la pénombre, à dévorer ses livres connus sur les bouts des doigts, plutôt que de te faire face une fois de plus.  

each and every one
Et quand les drames auraient dû vous réunir, les tragédies vous en ont seulement éloignés. Créatures solitaires à ne plus jamais pouvoir en trouver le réconfort d’une âme chaleureuse, quand vous devez en accepter cette perte douloureuse. Jamais elle ne vous reviendra, constat froid à toujours vous terrasser. Elle est morte, bien morte et enterrée.

Et face à tes comportements, elle ne peut qu’en soupirer. Château de glace qu’elle a elle-même érigé pour s’en protéger de tous, à pourtant menacer d’en fondre devant tes agressions. Car tu restes le seul capable de faire naître cette boule au creux de sa gorge, quand elle rêverait de t’en murmurer un désolé et d’en partager avec toi vos souvenirs de Lyse. Mais tu t’en fais toujours tempête, à souffler sur ses fondations, et Lyse doit toujours en rester dans les ténèbres, comme un mot interdit que l’on ne doit jamais prononcer, quand pourtant vous regrettez tous les deux qu’elle ne puisse plus exister.

D’une main à se poser sur ton poignet comme pour t’arrêter, quand les pupilles se font lumière d’un éclat à en cacher combien elle menace chaque jour de se briser, simplement parce qu’elle n’est plus à vos côtés. ”Wait.” A s’en faire ordonnatrice pour ne pas te voir disparaître, quand son besoin de chaleur s’en fait criant, à penser que toi seul pourrait combler ce néant qui l’habite. Au moins pour quelques instants, la rendre vivante. Can’t you find some time for me ? Just to grab a coffee… Please ?” A en retirer brusquement sa main pour la ramener à elle, un léger sourire pour en étirer ses lèvres. Parce que tu en es le seul à vraiment lui rappeler qu’elle est encore vivante, et que vos destins à tous les trois n’ont pas pris fin ce jour-là.  

each and every one
Monde à se briser sous vos êtres. Pourquoi continuer à te faire face, quand les démons de ce passé en sont de meilleures compagnies ? Mais les ombres dansent autour de vous comme pour vous retenir dans cette spirale déchirante. Et ses yeux qui te détestent pourtant tant ne parviennent pas à en quitter ta silhouette.

Sheeva.
Pourquoi suis-je si malheureux ?

Comme si tu en renfermais toutes les réponses à ses questions. Comme si tu en étais la clé à ses maux. Il reste là à te fixer, puis ensuite ta main qui vient se poser sur son poignet. Ta chaleur qui lui en offre des frissons, à lui en faire accélérer le cœur. Et un nouveau soupir s’en échappe d’entre ses lèvres... Mais cette fois-ci de désespoir.

Comme si on pouvait partager ce chagrin à deux....
tu es partie après tout...
tu m’as laissé moi et ce qui reste d’elle derrière toi,
sans jamais te retourner.

“No. Go grab your coffee alone.” Il n’y parvient pas, non. C’est peut-être trop tôt ? Ou qui sait, trop tard... Mais aujourd’hui, il ne peut pas faire face à tes iris. Faire face à ce passé qui vous a tous les deux tués avec Lyse.

each and every one
Et le fossé qui vous sépare n’en est que chaque jour un peu plus grand. Gouffre béant à toujours vous éloigner plus encore, à faire de vous des connaissances, des inconnus, puis plus rien. Immense vide à vous en séparer de vos néants respectifs, quand vos vies n’en ont plus de raison d’être, et que les douleurs n’en réussissent jamais à vous rapprocher.

Et pourtant elle en répète les tentatives pour en réduire vos différences, à en espérer vous réunir pour en partager son trop lointain souvenir. Mais tu t’en montres si glacial, et de tes mots, tu l’en éloignes plus encore. Pourquoi ne peux-tu pas simplement en espérer retrouver goût à la vie ? N’en es-tu jamais lassé de n’être que le spectateur d’une existence que tu ne veux plus mener ?

Soupir à se frayer un chemin entre ses lèvres quand tu en craches ton refus, aveu de faiblesse quand elle pense ne pas pouvoir t’en persuader de lui donner une opportunité. Et le regard se durcit pour t’en toiser, à ne faire de vous que deux inconnus à nouveau. “Fine. Let’s find some time later then. Next week. I’ll text you. And “no” is not an option.” Ô mais elle ne s’en avoue jamais vaincue. Et elle t’en attirera là où elle souhaite, à s’entêter pour en préserver les rares liens entre vous que le temps n’a pas encore érodés. Et elle en détourne le regard pour mieux s’en éloigner, à vouloir en être celle qui dicte vos échanges. Pour Lyse, mais aussi pour tous les chemins que vous n’avez pas encore empruntés.