visions of him ☼ saeuha 05

28.02.23 — @shinohara kazuha

visions of him

La clé tournée, Saebyeog se retourne et fait face au silence d’un endroit qui a toujours eu des airs de maison. Pourtant, ce soir, il a le cœur doux-amer et l’esprit à la dérive, incapable de quitter la librairie, même s’il n’y aura plus de clients et que Niji n’est pas là, l’a abandonné un peu avant l’heure de fermeture. Il est seul, et ce soir, la solitude a des airs de punition, en tous cas de malédiction. Pas d’écailles ou de crocs acérés, juste le silence et son absence. Parce que c’est ça, au fond, qu’il n’a pas envie de supporter. D’habitude les livres lui suffisent, Saebyeog n’a pas besoin de plus de compagnie. Malgré la fermeture, il s’assoit dans l’un des fauteuils, une tasse de thé posée sur la petite table, prend un livre au hasard et rentre chez lui en plein milieu de la nuit, quand il le veut. Mais ce soir, les livres pourraient être là ou avoir disparu, ça ne changerait rien, parce que ce n’est pas d’eux dont Saebyeog a besoin.
Alors ce soir ce n’est pas un livre qu’il sort d’une étagère, ce n’est pas un thé qu’il se sert ; il fouille un peu la petite pièce réservée au personnel, y trouve une bouteille d’ocean sip, qu’il prend sans hésiter, parce que ça lui rappelle l’eau (Kazuha), la mer (Kazuha), les Ryū (Kazuha). Attrape un verre et quitte la pièce pour se diriger vers le salon de thé, n’hésite pas non plus à s’asseoir dans ce fauteuil (le sien), à cette table (la sienne). Il boit perdu dans ses pensées, en tête-à-tête avec un absent, un fantôme, sans compter les verres qui s’enchaînent. La bouteille se vide mais Saebyeog pense toujours plus à lui, la météo intérieure à l’heure du brouillard et le cœur qui tambourine, à se dire qu’à défaut de s’aimer, ils pourront être amis - mais ça le rend aussi joyeux que triste.
La vision désormais complètement floue, saturé d’alcool, l’esprit ailleurs, il finit par poser la tête sur la table, dans un geste ridicule et désespéré, comme si ça pouvait le rapprocher de lui. Il donnerait tout pour que Kazuha soit là, à ses côtés, une main glissant dans ses cheveux, pour qu’il soit célibataire, pour qu’il lui rende ses sentiments. Mais les rêves ne se réalisent pas toujours, et Saebyeog semble condamné à ne faire que rêver à son sujet, penser et repenser à ce cœur accolé à ses vœux d'anniversaire, les bras posés sur la table, tenant fébrilement son verre, la bouteille, ou les deux.

28.02.23 — @kim saebyeog

visions of him

Peut-être qu'il avait juste espoir de pouvoir griffonner dans son carnet toute la nuit, à observer Saebyeog du coin de l'œil. Peut-être qu'il ne rêvait que de s'oublier à ses côtés le temps qu'il lui laisserait lui voler. Peut-être qu'il tournait autour du pot, rêvant de faire de l'homme le sien, songeant à ces confessions qu'ils ne comprenaient plus l'un l'autre. Mais n'étaient-ils tous deux pas libres comme l'air? Il y avait un blocage entre eux. Peut-être qu'il n'était pas prêt à se lancer dans de sentiments si neufs qui lui faisaient si mal, Kazuha, trop habitué à n'être qu'à peine impacté par ses précédentes relations. Mais celle-ci le prenait à la poitrine. Lui faisait voir des étoiles quand il connaissait bien moins Saebyeog que Anla, par exemple. Et si ça n'avait jamais fonctionné avec elle, alors pourquoi le cœur s'emballait pour lui?

En entrant, le vide l'accueille. Et il penche la tête, pour voir qui était encore là. Personne. « Sae? » Qu'il appelle, un brin inquiet de ne le voir nulle part. Et alors, alors les pas s'approchent de sa place habituelle. De la table sur laquelle il est sans cesse avachi sur son carnet à dessin. Et le fugi-ka lui a volé le fauteuil, tête roulant sur le plat du meuble. Bouteille d'alcool non loin de lui. Etrangement, ça le fait sourire. Les pas s'arrêtent face à la figure étalée, la main se tend, et les doigts se perdent dans le sombre de sa chevelure. « Here you are. » Qu'il murmure, se mettant accroupi à côté de lui, le regard se glissant vers celui du plus petit. « Are you drunk? » Qu'il souffle, dans l'intimité de leur proximité.

28.02.23 — @shinohara kazuha

visions of him

Saebyeog est ailleurs, parce que la réalité lui déplaît, ce soir. En vérité ça ne s’y limite pas, ça fait déjà plusieurs jours, semaines, qu’il voudrait claquer des doigts et verbaliser des souhaits un peu fous, des rêves auxquels on n’ose pas tout à fait songer. Que cette bouteille vide à ses côtés fait office de lampe, dont le génie a pris la forme d’un désir ardent (de Kazuha). Il dort à moitié, les yeux rivés sur les doigts de l’une de ses mains, qu’il fait bouger sur la table comme un enfant devant une attraction qu’il ne comprend pas complètement.
Pourtant le vœu n’a jamais été aussi clair - et quand une main se glisse dans ses mèches, Saebyeog ne bouge pas mais rougit, contenté par ce rêve, remerciant son esprit en silence de lui avoir permis ce plaisir interdit, de donner corps à ses désirs, même pour un instant seulement. “Here you are.” Il pivote sa tête pour plonger ses yeux dans les siens ; mais Saebyeog ne regarde pas vraiment Kazuha, trop ailleurs, persuadé que tout ceci n’existe pas. Quand il sourit, c’est parce qu’il profite de l’illusion, en se disant qu’elle ne durera pas, qu’il lui faudra bientôt retrouver la réalité. “Are you drunk?” Cette fois, il ne l’entend pas, parce que le songe a supprimé la question. La présence de Kazuha suffit, pour prouver que Saebyeog s’est perdu dans les tréfonds de l’alcool, à imaginer l’objet de ses désirs, là, accroupi près de lui, la main glissée dans ses cheveux. Maître de son propre rêve, Saebyeog déporte sa main de la table pour la poser sur son visage, qu'il caresse lentement. Se permet ce que la réalité lui interdit (ce qu’il n’oserait pas, par respect). “You’re as beautiful in my dreams as you are in real life,” chuchote-t-il, incapable d’arrêter son admiration. Sa confession. “I wish you were here, I wish you felt what I feel, I wish-” Mais il s’arrête, d’un coup, parce que ses doigts sont posés sur les lèvres de Kazuha et qu’il ne peut pas continuer. N’ose prononcer ce que son cœur a envie de hurler. “I wish it wasn’t a dream and I could kiss you, for real.” Et s’il le regarde toujours, il y a dans ses yeux un air un peu triste que Saebyeog ne peut empêcher. Parce qu’il a beau le souhaiter, ça ne reste qu’un rêve.

28.02.23 — @kim saebyeog

visions of him

Il y a des nuages dans les yeux de Saebyeog. Cela développe un sourire sur le bord de ses lèvres, alors, encore, que les doigts jouent avec les mèches de ses cheveux. Dégagent son visage. Il ne répond pas tout de suite, et, pour être tout à fait honnête, Kazuha n'est pas certain qu'il l'ait entendu. Il sursaute, pourtant, lorsque les doigts de l'autre glissent sur sa peau. Lorsque le regard se transforme en une tendresse qu'il a l'impression d'avoir déjà vu dans ce rêve partagé sans qu'il n'en sache rien. Le souffle est un peu court, alors que sa propre paume vient se déposer sur celle qui a pris possession de sa mâchoire. La réalisation est trop violente. Il aurait envie de supplier l'autre de ne pas en dire plus, de le laisser dans l'oubli, de rester silencieux dans cet état dans lequel il ne l'avait jamais connu. Mais le souffle est trop court. Ils se sont rencontrés, eux, leurs âmes, leurs corps, au travers des songes. Et ça lui ôte l'air des poumons. Il tremble, Kazuha, parce que lui aussi, a envie de l'embrasser. Mais pas ce soir. Pas comme ça. Peut-être jamais, finalement. Il a l'impression que la panique grimpe en flèche alors qu'il ne rêvait que de raccompagner ce qu'il s'était fait à l'idée d'être un ami jusque chez lui. Il inspire et ça tremble. Il lie les doigts ensemble et ça vibre. Il rapproche son visage de celui de Saebyeog et la terre devient floue. Les souffles s'échouent l'un contre l'autre, mais comme l'océan recrachant son enfant chaque fois que la transformation est passé, le ryu s'éloigne comme s'il s'était brûlé. Il tombe sur ses fesses. Les yeux écarquillés, les doigts se lâchent et il songe à simplement s'enfuir. Une question lui brûle pourtant les lèvres : « Why can't you? » Pourquoi se fuyaient-ils sans cesse? Pourquoi ne se permettaient-ils pas le bonheur?

28.02.23 — @shinohara kazuha

visions of him

Aussi cruel que soit ce rêve, Saebyeog avouerait sans mal préférer s’y réfugier, parce que les rêves n’ont de limite que l’imaginaire, bien loin de la réalité, bien loin des interdits et des désirs auxquels on ne donne pas vie. Les illusions ont la douceur et la perfection que l’existence ne peut offrir, réalise ce dont parle le cœur constamment, même si ça ne dure qu’un court instant. Et c’est pour ça qu’il resterait bien là des heures, à contempler celui qui n’est qu’un ami, qu’un inconnu devenu obsession. Si Kazuha est son âme-sœur, ils sont au moins ensemble dans ce songe que seul son réveil arrêtera, et Saebyeog a beau ne pas être en pleine conscience, il se dit que ça peut suffire, qu’à défaut de voir ses sentiments partagés, il pourra se contenter d’une illusion de ce qu’ils pourraient être. De cette main posée sur la sienne alors qu’il effleure la peau de son visage, de ces doigts que Kazuha lie aux siens, faisant trébucher leurs cœurs en commun. Lui aussi pourrait sans doute rester là des heures, animé par le désir d’un Saebyeog sous substance, qui s’offre à lui plus qu’il n’ose le faire dans la réalité. Mais lorsque celle-ci s’en mêle et que le véritable Kazuha entend ce que Saebyeog ne parvient à lui dire que comme ça, prend du recul et lâche ses mains, le rêve ne prend pas tout à fait fin. Sourire béat sur les lèvres, les yeux pourtant remplis d'une tristesse infinie, le cœur partagé entre le bonheur d’avoir fait sa connaissance et le chagrin de ne pas pouvoir le faire sien, Saebyeog accepte que leurs mains se laissent  mais ne répond pas à la question de Kazuha. Se laisse seulement emporter par le sommeil, ajoutant d’un ton endormi, à voix tellement basse qu’on ne l’entend presque pas, “I really wish… could kiss…” Il ne lui faut qu’un instant pour s’assoupir complètement, quittant ce rêve pour un autre - avec une certitude, celle d’y retrouver celui qu’il n’ose pas aimer tout à fait.

28.02.23 — @kim saebyeog

visions of him

Il a l'impression, lui, aussi, de vivre le rêve. D'ouvrir les yeux sur le visage d'un homme qui, jusqu'alors, n'avait jamais osé en faire de même. Peut-être par peur. Peut-être par restriction. Mais quelque part, ce soir, les barrières s'effondrent. Il n'y a plus Usagi, il n'y a plus de cavalière à son bras. Plus personne, sinon eux et ces doigts qui lui brûlent la peau sur le tracé qu'ils forment contre sa joue. Et pourtant, les barrières, toujours, s'érigent. Et c'est un énième rejet que Kazuha vit. Un rejet qu'il ne comprend pas. Il aimerait arracher les raisons aux mots de Saebyeog mais rien n'y fait. Il s'évertuerait à lui faire comprendre qu'il n'avait depuis bien longtemps d'yeux que pour cet homme qui chamboulait toutes ses raisons, mais il n'était pas dans sa nature de forcer un cœur à s'amouracher du sien. plus que ça, encore, Kazuha s'imagine, dans quelques années, le cœur à la dérive. Faible. Mourant, parce que la poussière l'aura étouffé. A tousser des pelotes dorées. A sourire tristement à un amant qui, quelque part, n'avait jamais rien demandé et certainement pas une telle fin. Alors Kazuha observe le visage endormi. Se redresse. Calme le tremblement de ses membres comme il le peut, s'approche doucement de l'homme assoupi et soupire. Ah, Saebyeog, « I wish I could, too. » Mais il n'est pas l'homme de ses rêves. Peut-être celui de ses cauchemars quand, un jour, il mourra entre les bras de l'aimé car la passion l'aura secoué avant que la vieillesse ne s'en charge. Alors quand Kazuha part, c'est la poitrine serrée. La sensation du mensonge dans la gorge. L'envie d'abandonner tout ce qui bourgeonne et de s'accrocher à l'éphémère de cette situation. Car demain, il oubliera certainement ces sentiments.