in the Fairleighs

De longues bandelettes blanches défilent à mesure qu’Andrea accumule les kilomètres sur la route goudronnée qui part des Etats-Unis et s'engouffre jusque dans les axes principaux du Canada. Depuis combien de temps roulent-ils ? Il n’en sait trop rien, mais à côté de lui, Somi semble bercée par la musique et happée par les paysages. Lorsque vient le moment de remettre de l’essence dans le SUV, l’Anglais se laisse prendre en photos par sa petite-amie puis ils en profite ensuite pour refaire le plein de nourriture (surtout lui). Et entre deux choix de sachets de chips (vinaigre et cheddar fondu), là, au milieu d'un rayon, le conducteur du jour colle un baiser sur la joue de son amie. “How do you feel Mrs Coleman? walking in your ancestors' footsteps ”  Puis finalement le baiser sur la joue se transforme en baiser sur la bouche, ce qui provoque un léger rire chez le stargazer.

Le voilà en train de repenser soudainement à ce qu’il s’était passé quelques jours plus tôt dans le métro New-Yorkais. Lorsqu’ils s’étaient retrouvés en heure de pointe, l’un contre l’autre, et qu’ils n’avaient pas pu s'empêcher de se regarder dans le blanc des yeux jusqu’à en faire rougir l’autre et que pour seule défense ils s’étaient offerts en pâture à l’autre, laissant leurs lèvres s’échanger des mots d’amour à travers plusieurs baisers devant les autres passagers. Soudainement dépourvus de toute conscience, ils n’avaient même pas remarqué cette petite vieille à côté d’eux qui les regardaient avec une certaine gêne. Et ils ne se seraient pas arrêtés si le métro n’avait pas freiné soudainement et qu’Andrea n'avait pas, en essayant de se rattraper, marché sur le pied de son voisin. Gênés, ils étaient donc sortis à la station suivante sans trop se poser de questions.

Lorsque les roues du véhicule se figent enfin dans la route boueuse et enneigée, lorsque les portes se verrouillent enfin par un signal sonore, Andrea regarde autour de lui. Une étendue d’herbe recouverte de neige et d’innombrables arbres, et puis une grande bâtisse partiellement délabrée cachant de quelques mètres, un chalet, une résidence ni trop grande ni trop petite mais qui aurait bien nécessité elle aussi quelques rénovations. C’était donc là où avaient vécu les propriétaires ? Peut-être. Il ne sait pas trop. Tout ce qu’il sait, c’est qu’ils y étaient, enfin, aux Fairleighs. Les mains dans les poches, il laisse ses Docs Martens s’aventurer dans la neige, laissant au passage des traces de trappeurs dans la neige. Instinctivement, il est poussé par son loup intérieur à humer l’air autour de lui. Plusieurs odeurs animales pouvaient être reconnues. Mais ce qu’il pouvait sentir le plus, c’était cette présence lupine. Peut-être qu’ils étaient passés sur ce terrain il y a quelques heures, ou peut-être plusieurs jours mais il pouvait la ressentir, encore plus à cette période du mois. Et cette simple pensée le rend soudainement un peu plus sensible que d’habitude. Alors il se retourne finalement vers Somi, à quelques mètres de lui. “We made it. We made it to the Fairleighs” constate-t-il, d’une voix plus émotionnelle que d’habitude.