EAT YOU UP (huanzu)

l’heure affichée sur le four de la cuisine où elle était allée se servir un verre, lui fit tourner la tête. la nuit perpétuelle du quartier et l’alcool -surtout l’alcool, avait complètement déréglé la notion du temps de la jeune femme qui ne savait plus donner l’heure, même avec une horloge numérique à quelques mètres de là. cela dit, anzu ne se posa pas bien longtemps la question et préféra éluder cette question d’un haussement d’épaule en continuant de remplir son verre. se mettant, au passage, une dose de cheval qui fit grimacer la vétérante qu’elle était. toute seule dans la pièce, elle se dandina au rythme de la musique qui pulsait depuis le salon, alors qu’elle fouillait les placards à la recherche de quoi se mettre quelque chose sous la dent. s’il y avait de quoi boire pour les cinq prochains jours, elle ne pouvait pas en dire autant pour se nourrir. qui donc avait tout une collection de bières mais pas un seul paquet de biscuits ? c’était criminel. d’ailleurs anzu n’avait aucune idée de chez qui elle était, un ami, d’ami, d’ami…. d’ami. quelque chose dans ce genre. quelqu’un lui avait dit qu’à cette adresse il y avait de l’alcool et de la musique aussi elle ne s’était pas faite prier pour passer une tête et squatter. elle avait croisé plusieurs connaissances, à force de braver le couvre feu ils finissaient par tous se reconnaître. ce ne fut qu’une fois son verre vide et prise d’une soudaine fringale qu’anzu quitta les danseurs pour explorer la cuisine. et maintenant elle se retrouvait avec un verre atrocement mal dosé pour une barmaid de son calibre et rien à manger à par des nouilles instantanées. oh et puis zut, elle avait faim. sans demander son reste elle mis de l’eau à bouillir dans une casserole et trouva du fromage râpé ainsi que des saucisses et un oignon vert dans le frigo. seule nourriture solide qu’il contenait. puisque la cuisine semblait être un lieu évité de tous, elle ne se pria pas pour se préparer à manger tout en continuant de se dandiner et de fredonner des airs qui n’avaient rien à voir avec la musique qui passait au loin.

assise sur un tabouret, elle attaque ses nouilles à même la casserole en pensant à son hôte. qui que ça puisse être, ça lui ferait toujours ça de moins à faire en vaisselle. vraiment, ce qu’elle pouvait avoir le cœur sur la main. à chaque bouchée elle pouvait sentir son ivresse doucement descendre pour ne lui laisser plus qu’une agréable sensation de chaleur et la promesse d’un second round tout aussi arrosé que le premier. une quantité de pattes nettement supérieure à ce que sa bouche pouvait supporter dans la bouche, son havre de paix fut violé par une indésirable. les nouilles glissèrent entre ses baguettes et retombèrent dans le plat tandis qu’elle fronçait les sourcils en voyant arriver son odieuse voisine. blasée, elle la suivit des yeux alors qu’elle tituba jusqu’à l'évier. elle soupira, de toute évidence huan avait déjà trop bu et une désagréable petite voix commençait déjà à lui souffler qu’elle ne pouvait décemment pas la laisser comme ça. “ça va ?” anzu regrettait déjà sa question. si la gamine lui parlait mal, elle l'abandonnait à son sort.

habituée à se laisser entraîner, huan prenait doucement l’habitude d’accepter toutes sortes de sorties, de soirées, et malgré le couvre feu, elle était à cette soirée, sans que personne d’autre que son amie ne soit au courant. dire que c’était inhabituel était un euphémisme, huan n’était pas du genre à l’encontre des règles. au contraire, elle les suivait à la lettre et voyait d’un mauvais oeil toutes les personnes n’en faisant qu’à leur tête. et pourtant, elle était là, dans la maison d’une personne qu’elle ne connaissait pas, à danser entourée de personnes trop bourrées qui tentaient de la mettre dans un état similaire au leur. son amie ayant fuit pour embrasser le plus de bouches possibles, elle se sentait cernée et refusait avec difficulté quelques verres, ce qui n’était pas suffisant au vu du nombre de verres qu’on lui proposait et qu’elle finissait par boire sans modération.

le temps était devenu illusoire, elle ne savait pas depuis quand elle était à cette soirée, ni l’heure qu’il était et encore moins si elle avait trop bu ou si la maison ne tenait plus trop droit. sa tête tambourinait autant que les basses des enceinte et elle sentait qu’elle avait besoin d'ingurgiter autre chose que de la brûlure sous forme liquide. elle trouva avec grande difficulté la cuisine dont la lumière lui brûlait les rétines et une odeur de nourriture lui agressait les narines lui donnant la nausée. elle ne remarqua anzu que lorsque celle-ci lui adressa la parole et la sortit de ses pensées embrumées. elle mit plusieurs secondes pour comprendre de qui il s’agissait et ses traits s’adoucir dès qu’elle comprit qu’il ne s’agissait pas d’un homme qui osait lui adresser la parole. et malgré ce qu’elle pouvait habituellement dire, malgré les tambours en roue libre dans son crâne, elle ne put s'empêcher de penser que la jeune fille était bien jolie dans sa tenue noire. non, j’ai l’impression que mon crâne va exploser et qu’un ange de la mort est venu me récupérer pour m'emmener au paradis.

la musique de la fête faisait office d’un lointain fond sonore sur lequel la jeune femme dodelinait de la tête et des épaules - presque en rythme. la simple idée de manger, et sûrement de s’être activée pour préparer les nouilles, donnait à anzu un regain d’énergie. ça ne faisait aucun doute qu’une fois sa plâtrée avalée et après s’être reservit un verre, elle serait d’attaque pour se jeter à nouveau dans la foule et danser. ainsi ses ramyeons de fortunes faisaient office de plat de haute gastronomie, venant chatouiller son palais anesthésié par les drogues et l’alcool qu’il subissait depuis plusieurs heures. paul bacchus n’avait pas de quoi faire le malin face à cette casserole fumante. mais ô rage, ô désespoir, anzu put à peine profiter de ce met cuisiné par les dieux, elle donc, que l’on vint s'aventurer dans son domaine - une cuisine dont elle ne connaissait même pas le visage du propriétaire. ce n’était pas seulement une intrusion faite au mauvais moment, l’identité de l’intruse elle-même était une punition divine pour la jeune femme. sûrement était-ce son besoin d’un moment de calme et parce que sinon les nouilles allaient gonfler et se ramollir, elle n’invita pas sa détestable voisine à sortir. hors de question qu’un énième conflit vienne ruiner ce moment de grâce. anzu préféra ignorer la petit fille à papa et se concentrer sur la casserole mais impossible d’ignorer la démarche chancelante de huan. elle posa ses baguettes en soupirant, ses nouilles allaient tourner au vinaigre et il n’y avait pas d’autres saucisses ni d'oignon pour espérer en refaire. mais c’était plus fort qu’elle, elle ne pouvait pas faire comme si elle jeune femme agarde n’existait pas.

anzu pouffa en écoutant la réponse de sa voisine. “ah ouais, tout ça ?” sauf témoins oculaires, l’univers oublierait la pointe de compassion cachée dans la voix de la jeune femme. puisqu’elle était pétrie d’idées reçues vis à vis de son interlocutrice, elle ne l’imaginait finir dans un autre état que celui-ci à ce genre de soirées. c’était même étonnant de la voir ici plutôt que dans son lit de princesse dans un pyjama ringard. “tu vas commencer par te servir un grand verre d’eau. tu vas y arriver toute seule ?” pensant à s’hydrater elle aussi, anzu but un peu de bouillon bruyamment et soupira d’aise.