lovers on the run (juniver)

Y'a quelque chose de différent dans la façon qu'a la pluie de fondre contre les vitres, de chanter dans la chaleur de leur maison. Elle porte des airs de tempête alors même que le vent est aux abonnés absent. Et lui qui sait poser des mots sur tout, qui sait décrire le monde dans ses souffles habiles, ne sait pas mettre le doigt sur ce qui a changé. Tout a des airs d'avant, les bourrasques dissimulées dans les plis d'un quotidien aussi ennuyeux que désiré. Junie, you're home ? Peut-être simplement la vue de son sac suspendue à son manteau dans le hall d'entrée qui le fait douter, qui réveille l'instinct endormi de ces années passées sans qu'au fond, rien ne se passe jamais. Il s'est habitué à cette tranquillité, Oliver. Se complaît dans ces dialogues redondants, how was your day, dans les weekends chez les parents. Il a longtemps cherché un havre de paix pour éviter de chavirer (il croit) ; alors c'est peut-être ça qui le fait s'inquiéter – toutes ces choses qui annoncent un changement auquel il n'était pas vraiment prêt. You're here early, I wasn't expecting you. Mais les bras s'enroulent autour de sa taille, comme d'habitude. Le torse lové contre son dos, le  nez envoûté par le parfum qui colle à son cou. Comme d'habitude. Et le baiser contre la chaleur de sa joue pour faire taire ces murmures qui soufflent entre ses poumons. What if my wife finds us here, this is not reasonable. Le rire comme rempart contre ce que le monde s'apprête à lui lancer, le corps s'éloigne à contre cœur. Sa veste échouée sur un coin de canapé, ses chaussures encore aux pieds, il retarde le moment de vérité. Parce qu'il le sent qui arrive, tellement bruyant qu'il n'entend plus la pluie tomber, qu'il n'entend plus son cœur penser. Et soudainement, au milieu de cette grande maison, il a l'impression de plus savoir où se cacher, les peurs affichées en grand, à même la peau comme un message que June n'aurait même pas besoin de déchiffrer. Incapable de s'en détacher – something is off.

June est un rayon de soleil qui ne se cache jamais derrière les nuages, et pourtant aujourd'hui, elle laisse la pluie frapper les corps, les vitres, dans un vacarme qui deviendrait presque assourdissant. Mais la réelle tempête n'est pas dehors, elle est dans sa tête, dans ses pensées, dans son coeur qui doute, redoute la réaction de son époux alors qu'elle est là, les chaussures échouées à l'entrée avec son manteau et son sac. Elle fixe le vent souffler dans les arbres, les gamins qui sautent de joie dans les flaques, se rappelant quand ils étaient encore que des mômes à l'innocence intouchée par les erreurs et les échecs. Elle sourit légèrement, sachant qu'elle ne peut remonter le temps même si elle le voudrait. C'est le bruit de la porte qui lui permet de revenir à la réalité, puis la voix d'Oliver, chaleureuse, amoureuse, accueillante. La maison se fait de nouveau chaleur, le soleil vient rayonner, enfin. I'm here love. Sans bouger, le laissant venir à elle, le laissant se lover alors qu'elle se noie dans ses bras, dans son odeur, retomber amoureuse à chaque baiser, comme au premier jour, comme la première fois que leurs lèvres se sont rencontrées avec désir, passion, et tendresse. Yes, I left work earlier today. I wanted to spend more time with you. Elle profite de cet instant, de ce moment qui pourrait, si seulement ils le pouvaient, durer pour toujours. Mais les séparations viennent toujours, et même si celle ci n'est qu'éphémère, elle a besoin de son contact, de delui, de ses yeux, son regard, elle a besoin de lui parler de ce qui pèse sur son coeur. Alors quand son ton se fait plus léger, qu'il rigole, elle aimerait continuer ce petit jeu, mais elle n'y parvient pas. Elle le regarder défaire sa veste, la laissant s'échouer sur le sofa. Liv... Elle soupire un instant, comme pour trouver le courage au fond d'elle. S'approchant, elle emprisonne ses mains entre les siennes et l'invite à venir s'asseoir avec elle sur le canapé, entrelaçant leurs doigts, elle dépose un baiser qui se veut rassurant sur ses lèvres. We need to talk about something. Il passe une main sur sa joue, souriant d'amour comme pour l'apaiser, pour ne pas qu'il s'en fasse. Ses lèvres glissants sur son front. Don't worry, i still love you, it's not about that... It's something else but i don't know... I don’t know how you’re gonna react... Ses mèches blondes glissent le long de son visage quand elle baisse la tête, pour l'échouer contre son épaule. Elle l'aime, plus que tout. Mais elle a peur, peur de le perdre avec un aussi gros changement. Peur qu'il ne soit pas d'accord, qu'il ne veuille pas la suivre, elle a peur de tout. June, l'aventurière qui autrefois n'avait peur de rien, pas même des monstres cachés dans les placards.

Mais ce soir son rire ricoche contre les murs de la maison, seul, à la recherche d’un écho. N’y trouve que le sien, sa femme perdue une autre réalité. Loin de lui, d'eux, de chez eux. Son corps occupe l'espace, mort, pendant que son âme vogue vers un ailleurs qu'il ignore. Et ça ne fait qu'encourager cette sensation étrange qui gonfle au creux du ventre. L'estomac qui double de volume, les pensées qui en font autant. C'est l'inquiétude qui ronge. Il le comprend quand elle laisse son nom suspendu au bord du vide, juste l'attente qui prendra fin à tout instant – et peut-être que ça sera signe de faire le grand saut. Peut-être que c'est elle qui le poussera dans le dos. Et il aime pas ça, même si ça reste caché, à l'intérieur. Le visage est toujours le même, un sourire malicieux naissant dans les constellations de ses joues, l'étincelle rassurante au fond du regard. Il laisse les doigts se trouver, s'enlacer, se cajoler, alors que le corps obéit à l'ordre muet. Les questions s'accumulent dans la tête avant de noyer la lange dans leur tempête – did somebody die, are we indebted, are we expecting a child. Has something happened ? La tendresse de sa femme vue comme mensongère, seulement là pour appuyer sur la plaie avant qu'elle ne s'ouvre. À s'y lover pourtant, comme un refuge en plein ouragan. Ça fait pas reculer l'angoisse, mais ça réchauffe quand même le dedans. Tellement. Et peut-être que ça sera même suffisant pour faire s'évaporer la pluie qui continue à couler contre leur maison. I love you too. Ses doigts incertains qui se posent à leurs tour contre la chaleur de sa joue, l'index qui libère timidement le visage de ces quelques mèches qui tombent. Il sent le glissement de terrain qui arrive, qui déracine déjà les fondations de leur maison. Sait juste pas jusqu'où il peut les porter. La raison lui murmure que tout ira bien, tant qu'ils restent comme ça – accrochés. Et il a envie de plaisanter, Oliver. De faire un pas de côté, se détacher de cette peur qui s'est sournoisement immiscé dans leurs gestes pour retrouver un peu de légèreté. Il a l'impression de peser une tonne, les entrailles infesté de ces questions trop lourdes pour qu'il ose les poser. Aurait trop peur d'entendre les réponses. Whatever it is, it's gonna be fine. We're gonna be fine, as long as we're together. Right ? For better or for worse. Et s'il lâche son visage, ce n'est que pour appuyer ces vœux qu'il n'oubliera jamais. Le pouce qui se dépose contre l'alliance qu'elle porte, reflet de promesses qu'il ne pense pas moins (malgré les années). You know you can tell me anything, I'll always support you. Always have, always will. Now spit it out, sunshine. Ses yeux chocolats plongés dans ceux de sa femme ; pour lui donner un peu de son courage. Toute son affection, aussi. Malgré le cœur qui part en guerre, la chaleur qui gagne ses aisselles, son dos. Les jambes qui ne demandent qu'à se lever, parcourir des kilomètres dans le vide relatif de cette maison, mais qui restent sagement où June leur a demandé de s'installer.  

Penser à sa vie sans Oliver relève de l'imaginable, tout comme vivre sans Robin l'est et le sera toujours. Des coeurs et des âmes séparées, des rêves égoïstes plein la tête comme si elle n'était encore qu'une gamine à la recherche du paradis perdu - elle a bien compris que celui ci n'existe que dans ses songe, qu'elle manipule la nuit pour revoir leur bouille enfantine, se noyer dans les rires cristallins de ces mômes qu'ils étaient. Il n'y a plus que comme ça, qu'elle se permet de rêver, parce que la vie est sans  pitié et que des décisions ont été prises comme un voyage sans retour, sans lendemain. Il n'y a plus que les bras de l'être aimé qu'elle retrouve, se fondant dans sa chaleur comme on voudrait se glisser sous une couette nuageuse une nuit d'hiver. Aujourd'hui, c'est un peu le froid qui s'enroule autour du soleil. Yes, of course. We're gonna be fine, i can promise you my love. Les joues qui rougissent toujours à ses mots, à sa caresse leur l'alliance qu'ils portent mutuellement depuis quelques années maintenant. Alors pourquoi, pourquoi a t-elle peur que cette annonce puisse les séparer ? Ou pire, que ce déménagement change tout en eux, chez eux. You know I’ve been receiving a number of transfer proposals in the last few years... right? Et quand lui affronte son regard, c'est elle qui l'évite presque, accrochant tout de même ses doigts à sa main, rassurante, chaude, elle fixe un point vide sur le sol. Well... Ses poumons se gonflent pour tenter un brin de courage dans ses entrailles, ses paupières se ferment avant de s'ouvrir de nouveau vers lui. I got a proposal for Meiwa. And I agreed without even... consulting you... Ses dents dévorent sa lèvres inférieur, de culpabilité, de peur qu'il ne soit plus que colère ou pire encore à ses yeux, déception. I want to see Robin so much... Et ses mots sont égocentriques, alors qu'elle a toujours pensé à eux avant elle-même. Mais cette fois, la tentation était trop forte et comme un animal attiré par la chair fraiche, elle s'est jetée dans son propre piège.