space song ☼ ujinori

Dans les bras d'Ujinori, yeux fermés, Baby écoute les battements de son cœur, chacune de ses respirations. Et ça l'apaise. Dans une certaine mesure. Ca le rassure : qu'il soit là. Qu'ils soient là, tous les deux. Que demain, contrairement à ce que Pandore avait pu lui affirmer, il ne le vendrait pas à Kaisei. Il se souvient trop bien de leur conversation. De leurs douleurs. Des aveux murmurés au creux des arbres et des âmes écorchées. Il avait, fut un temps, aimé Pandore avec l'ardeur et le besoin que l'on offre aux premières amitiés, aux bouées de sauvetage dans un monde où couler n'était plus une option. Le deuil d'Helena encore trop frais dans sa tête, il avait tout fait pour réussir à garder la tête hors de l'eau. Et elle l'y avait aidé, avant de disparaître de sa vie comme l'on effacerait une phrase au crayon. Mais maintenant que tout allait mieux, maintenant qu'il était en paix avec la mort de celle qui l'avait élevée, il commençait à relier quelques points.
Il savait qu'elle ne lui avait pas menti.
Il sentait, qu'au fond, la douleur de ses yeux ne relevait pas du mensonge mais d'une expérience traumatisante. Et la question venait effleurer ses lèvres bien trop souvent, sans que Babylone ne parvienne à la prononcer, lorsque le regard croisait celui de l'homme qu'il aimait.

Mains glissant sur le torse de l'amant, il se redresse doucement pour voir son visage encore assoupi. Sourire doux aux lèvres bien qu'un peu triste de ses pensées matinales, le raiyo-ka se penche sur son visage pour déposer un baiser sur son front et se lever discrètement en direction de la cuisine pour préparer un peu de café. Il bat des oeufs, de la farine, prépare un petit-déjeuner en essayant de se sortir de la tête l'impression que cette conversation ne peut plus être tenue éloignée quand elle concernait de plus en plus leur couple. Les secrets étaient à demi-dévoilés. Jamais véritablement prononcés. Peut-être était-il temps que Babylone lui fasse part de ses spéculations et de ce qu'il savait pour qu'ils en discutent (pour que Babylone s'assure de ses regrets et de ses terreurs, l'accueille entre ses bras pour le rassurer, lui affirmer que jamais il ne le laisserait retomber dans les maux que Kaisei pouvait lui infliger de trop s'il en était de son pouvoir). Les bruits de pas lui font retourner le visage vers la présence venant d'émerger, et le sourire ne resplendit pas autant que d'habitude. Mais le visage encore rempli de sommeil d'Ujinori fait fondre son coeur. « Hey there. Made some breakfast. » Qu'il dit en retournant un autre pancake.

Félicité retrouvée, à ses côtés. Goût d'interdit, celui du paradis. Celui du bonheur. Babylone avait fait renaître son humanité. Son cœur battait plus puissamment que jamais. Le sang y coulait, si vite, quand du bout des doigts, son amant s'amourachait de ses contours. Leur relation, non, leur amour, n'était pas sans conséquence. Au moindre faux-pas, Kaisei était là pour le réprimander. Pire, le violenter, jusqu'à ce que son âme se morcelle. Qu'il ne reste plus rien, hormis cette fidélité pour ses geôliers. Ça ne prenait plus. Ça ne prendrait plus jamais. Alors Ujinori supportait les reproches et les coups. Restait fier et droit. Obligé d'être irréprochable. Parfait dans son métier. C'était sa seule échappatoire. Les berner par son excellence, pour que son aimé ne subisse pas les affres de son passé. Le phénix n'existait pas. Ce n'était que Babylone, son petit ami. Indigne d'intérêt pour la Kaisei. Donc en sécurité. Il n'en restait pas moins un pion sur l’échiquier de l'entreprise. Si le petit prince osait se révolter, il deviendrait une cible... Patience. Le jour où les braises de la révolte s'animeraient sincèrement dans les tréfonds de son cœur, il serait prêt. Mais l'heure n'était pas venue. Alors il profitait. Profitait d'aimer, et d'être aimé. Enfin...

Sommeil si facile, quand Morphée refusait habituellement de l'étreindre. Facilité déconcertante à s'évanouir entre les bras de l'être aimé. Symbole de sa confiance. De ses émois. Ujinori était prêt à tout lui donner. Et la réciprocité était avérée. Énième ruade, dans le lit. Mais cette fois rien ne s'opposait à ses contours. Et l'absence du phénix, aussitôt, le réveillait. Le petit prince avait froid. Plus froid qu'à l'accoutumée. Ne pas le sentir contre lui était intolérable. Comme une faute grave. Complètement nu, le jeune homme se relevait en deux temps trois mouvements. Es-ce que Babylone était parti ? Les yeux embrumés par la fatigue, il cherchait à tâton la porte de sa chambre. Finissait par le trouver, et en l'ouvrant, devenait presque aveugle. - Babe ? La virilité exposée sans honte, il avançait. Lentement. Bêtement. Les yeux toujours fermés. Seules ses narines semblaient vouloir coopérer. Une délicieuse odeur. Sucre associé à l'amour. Son amour pour ce partenaire tant désiré. Et qu'il possédait désormais. Et comme pour asséner cette vérité dans son esprit, Babylone prenait la parole. - I can't see shit. Can.. Like. Can you come to me ? Please ? Ses iris sombres s'étaient presque habitués à la luminosité mais... Pourquoi se priver de le sentir contre lui, encore, et encore... Jusqu'à l'explosion. Non, l'implosion.

C'est qu'il ne s'attendait pas à tomber sur son copain entièrement dénudé, bien que la vue ne le dérange pas (et qu'il avait déjà tout vu). Petit regard vers les fenêtres magiquement opaques de l'extérieur, il ricane en le voyant gambader jusqu'à lui tel un petit pingouin à la recherche de chaleur. « Since you ask so nicely... » Et le froid qui émane du corps qui vient se blottir contre lui ne le dérange pas, lorsqu'il se déplace pour le rencontrer. Ne l'a jamais dérangé. Bien assez chaud pour deux, peau brûlante et radiante de tout ce qui faisait battre le cœur du phénix, il partageait du soleil qui l'habitait à l'aimé. Visage niché dans ses cheveux puis dans le creux de son cou, les mains parcourent la peau nue de son dos, les paumes s'accrochent à cette opale gelée et le baiser déposé contre son épiderme a pour but de, peut-être lui, partager de sa température corporelle. Comme si Ujinori était même capable de le ressentir. « Hi, sleepyhead. » Marmonné contre l'amoureux alors que les mains tentent autant de le recouvrir de tout ce qu'il peut que d'apprécier la texture sous ses doigts. Ceux-ci sont bientôt glissés dans les cheveux du plus jeune alors qu'il se recule tout doucement pour observer son visage tout juste réveillé. « You can wait in bead for breakfast, if you want to. »

Et il lui pince la fesse en retournant aux fourneaux, se doutant que, bientôt, le corps de son petit-ami viendrait recouvrir le sien. Sachant, aussi, qu'il ferait quelques sous-entendus pour qu'il ne le rejoigne au lit pour manger autre chose. Mais Babylone n'était pas d'humeur. Etait plutôt d'humeur à discuter et à mettre quelques uns de ces non-dits partagés qu'il était temps de mettre au grand jour. Une fois certain qu'Ujinori resterait dans la pièce, il lance un regard vers lui avant de retourner le pancake dans sa poêle. plaf. Et il inspire. Pour se donner un peu de courage. Peut-être qu'avec le gars entièrement nu dans son salon, ce n'est pas le meilleur moment. Mais aujourd'hui, ça pèse trop lourd sur ses épaules. « You know... I've seen an old friend, the other night, at the ball. And... She's told me some things I couldn't really understand. » Il se mordille un peu la lèvre en fronçant légèrement les sourcils. « Do you know Pandore? »

Aveuglé par la lumière, du jour, mais surtout des traits enchanteurs de sa moitié. Leurs corps s'entrechoquaient, s'épousaient comme s'ils n'existaient que pour se rencontrer. Mains balladeuses, d'un côté comme de l'autre. La chaleur du phénix contre le froid du damné. Les empoignades étaient puissantes, voraces. Une manière de s'assurer qu'il était bien là. Que Babylone n'échapperait plus jamais à son amour. D'étreinte en étreinte, le petit prince trouvait l'énergie nécessaire pour enfin ouvrir ses paupières. Et là, il pouvait admirer la créature entre ses bras. Un sourire venait fleurir immédiatement sur le bout de ses lèvres. Ujinori était heureux. Ne l'avait pas été, avant de le rencontrer. Fatigué, le jeune homme osait presque obtempérer. Se terrer quelques instants de plus entre ses draps. Mais maintenant qu'il était éveillé, à ses côtés, rien n'aurait pu le faire fuir. Pas même ce qu'il se tramait dans l'esprit de son aimé. - Nah. I'd rather be with you. Simple évidence, qu'il ne se laissait pourtant pas de répéter encore et encore. Leur bonheur ne serait entier qu'une fois le monde entier au fait de cet amour. Un long chemin encore à parcourir. Ujinori était prêt. Le jeu en valait la peine. Babylone en valait la peine.

Les contours de son amant désormais trop loin de ses mains, le petit prince en profitait pour cacher ses atouts sous quelques autours. Les éclats, partout sous sa peau, s'éveillaient juste un instant. Juste le temps de tisser ce piètre sortilège. En deux temps trois mouvements, un pyjama apparaissait contre sa peau. Ujinori s'approchait de nouveau. Laissait ses lèvres faire naître le rouge partout contre le cou de son petit-ami. Curieux, il observait en silence le phénix s'adonner à ce passe-temps autrement ennuyeux. L'intérêt n'était là, que parce que c'était lui. La matinée aurait pu continuer ainsi. Quelques échanges amoureux, puis langoureux. Mais quelque chose venait avilir toutes les pensées de son aimé. Un traumatisme passé. L'incarnation même de tout ce qu'il était, quand bien même il ne souhaitait plus l'être. Aussitôt ce maudit prénom prononcé, le petit prince sentait son sang congeler. Plus froid que son froid quotidien. Ils se connaissaient ? Qu'avait-elle fait... - Yes. I know her. Why ? And... You are friend with her ? Ujinoiri ne bougeait pas d'un cil, ses bras toujours installés là contre les hanches de son soupirant. La discussion promettait d'être intéressante... dangereuse même. Le petit prince ne souhaitait plus lui mentir. Mais lui dire la vérité, c'était prendre le risque que tout s'écroule, encore...

Le regard glisse vaguement sur l'enveloppe de l'aimé. Et de ses habits retrouvés, Baby a à présent la résolution de pouvoir mieux se concentrer sur ses pancakes. Plus ou oins. Petit rire heureux qui perce les murs de l'appartement, c'est le son du bonheur qui témoigne de leur idylle toute prêt à être brisée à chaque instant. « I'm quite happy to learn that you prefer me to the comfort of the bed. » Ca a presque glissé de sa langue, le 'our' qui aurait bercé leur confort mais peut-être dérapé sur un terrain pas encore exploré. Appréciant le contact d'Ujinori, ses baisers et ses étreintes, il aurait pu s'y perdre et s'y abandonner. Peut-être que ça aurait été la solution de facilité. Mais il fallait croire que ces derniers temps, il préférait la confrontation au calme. Et ça brise le souffle réconfortant contre sa nuque. Ca lui fait ôter la poêle du feu, tourner les yeux vers Ujinori qui, soudainement, semblait bien moins serein qu'il ne l'avait été. Inspirant profondément en laissant le regard se baisser sur le visage de l'aimé, il vient chercher sa main et la lui serrer. Comme pour le réconforter. Comme pour lui affirmer qu'il ne le laisserait pas tomber aujourd'hui.

« I... Used to be. Before they discovered she was ronin. » Qu'il avoue à demi-mots, cherchant des vérités dans le regard d'Ujinori. Et il espère lui transmettre un peu de sa chaleur. Décongeler le sang glacé de celui qui, effrayé de le voir partir, n'oserait peut-être pas tout avouer. Mais Babylone cherchait des réponses. En avait besoin. Au moins ne cherchait-il pas à trop s'éloigner. Et cela le confortait dans l'idée que cette conversation se déroulerait comme il l'espérait. Qu'ils tenaient trop l'un à l'autre pour se défaire aussi rapidement de ce qu'ils s'offraient mutuellement. « She told me you weren't one to trust. I don't really care about her opinion on you and I trust you. But I'd like to know why she would say something like that. » Qu'il murmure en glissant une main sur la joue du plus jeune, fronçant un peu les sourcils avant de fondre sur ses lèvres pour un chaste baiser. pour transmettre toute la confiance qu'il lui offrait. Il savait que l'homme qu'il avait entre ses bras n'avait rien de l'ange qu'il présentait parfois. Était au courant qu'il n'avait pas la vie rose, qu'il n'avait pas toujours rendu la vie des autres roses. Mais quelque part, au fond, il savait qu'il n'était pas totalement responsable de tout cela. Qu'il y avait toujours eu quelqu'un pour tirer les ficelles. « What happened, Uji ? I think it's finally time you tell me, don't you ? » Il s'agissait d'une question de confiance.