the fresh prince of jeju-air

« Okayyyy okayyyy girl ! » Face aux menaces de la fugika, le loup n’a pas d’autres choix que de montrer patte blanche, levant les mains, comme un innocent devant les forces de l’ordre. « J’enverrais ça à personne t’inquiète » Peut-être bien qu’il montrera quand même la vidéo à Saem, ou bien à Somi. Ou peut-être qu’il la gardera juste pour lui, et partagera la vidéo le jour où Anla aura sa cérémonie de mariage. Mais cette simple pensée provoque une légère grimace au garçon. S’il y a bien une image qu’il n’arrivait pas à imaginer, c’était celle d’Anla dans une robe de mariée, et se faisant passer la bague au doigt. Oublions-ça, pense alors Andrea avant qu’il ne se fasse sortir de ses songes par la balle que lui remet la louve. Mais finalement c’est le désastre. Le ballon orange se dégonfle à vue d’œil et signe au passage l’arrêt de la partie.

Alors que les deux paires d’yeux sont rivés sur la lune, le regard améthyste vient alors se poser sur le jeune homme. A sa question, il esquisse un sourire. Sa question est plus qu’intéressante, elle est pertinente. Et elle soulève des questions sous-jacentes auxquelles Andrea n’a pourtant pas envie de réfléchir, pas maintenant. Pourtant ça fait plus de quinze ans que ce n’est « pas maintenant ».

«Je l’ai dit à Somi… » avoue-t-il, en réfléchissant encore un peu. « Ça doit faire deux ans maintenant ? Ou peut-être un an ? Je sais plus… Deux ans je crois. Bref ouais je lui ai dit. J’en pouvais plus de lui mentir depuis dix ans. Heureusement qu’elle était pas aussi perspicace que maintenant et qu’on était pas H24 ensemble avant…» Il y avait bien des raisons pour lesquelles il ne voulait rien dire aux autres, et toutes ces raisons se valaient. « Si ça tenait qu’à moi et à moi-même, si j’étais certains que le dire n’aurait aucune répercussion sur mon entourage et moi-même je l’aurai sûrement dit à plus de monde mais… désolé j’y arrive pas. » Et puis Anla annonce qu’elle l’a dit à Saem. Oh il y a pensé à Andrea, à lui dire, à lui et à Akira, et puis à ses autres amis vivant outre Manche. Mais il s’est rétracté, pour préserver sa santé mentale peut-être. « J’ai souvent hésité à leur dire, aux autres, puis j’ai pesé le pour et le contre et je me suis dis que, si je leur disais, ça deviendrait aussi un peu leur fardeau, et j’ai pas envie de ça. Puis…C’est bête mais, j’ai beau aimé mes potes, j’ai beau leur faire confiance, j’ai pas envie qu’un jour ça pète pour x ou y raison et qu’ils se servent de savoir ça pour commencer du chantage. Alors si je leur dis ça ils vont dire « mais non jamais de la vie » mais bon.. On sait jamais. Puis je sais qu’à partir du moment où je leur aurais dit je vais devenir totalement parano donc, ouais, je préfère me préserver et rester dans le secret. A partir du moment où ne rien leur dire ne m’empêche pas de continuer mon amitié avec eux, et de préserver cet espèce de… socle d’égalité sur lequel on se tient, sans que l’un se trouve plus bas ou l’autre trop haut, ça me va » Il hausse les épaules puis invite Anla à prendre le chemin en direction de leur location. Peut-être que finalement le groupe ne se pointerait pas ce soir, autant rentrer donc, maintenant que le temps commençait à devenir un peu frais. « Je sais pas ce qu’il en sera dans 5 ans cela dit, ça fait bientôt 20 ans, j’avoue que je commence à en avoir marre. Je sais pas comment tu tiens toi. Ça me fait peur de me dire qu’à un moment on devra prendre toutes nos routes séparément, qu’on devra se retrouver encore une autre famille de loups ou j’en sais rien… ça me soule rien que d’y penser. Peut-être bien que j’irai me faire euthanasier la gueule à un moment, ça ira plus vite » Et sur ces douces paroles, le garçon termine son petit discours, faisant rebondir une dernière fois la balle orange sur le goudron avant qu’elle ne s’essouffle pour de bon.