+18 ;; I love you back (dreami)

“Eh c’est avec un écart de 30 points que le match opposant les Cavaliers Blanc aux Irish Clovers reprend ! Julien Degardain attaque O’Sulli sur sa droite avec des bulles d’eau salées. On rappelle que les deux équipes n’ont pas été opposées en biotopes lagune depuis près de 20 ans ! Le stargazer Irlandais vole haut ! Il semble avoir repéré une nova ! Plus que quelques mètres avant de savoir s’il s’agit d’une positive ou négative ! Le stade attend ! Le stade a peur ! Si cette nova s’avère positive, les Cavaliers Blancs auront définitivement du mal à rattraper cet écart. Je rappelle que nos français ne jouent pas en France mais bel et bien au Stade du Crescent Bowl à Dublin ! ET C’EST UNE POSITIVE ! Je répète ! C’est une positive de 60 points pour Ruari Casey. Les Cavaliers Blancs étaient à 100 points à la première mi-temps, ils sont désormais à 100 contre 190 pour les Irlandais, mais… rien est encore perdu ! Je rappelle que les 60 points supplémentaires sont des points de sta…” “C’est bon je suis prête ! Tu peux me garder ça pendant que je fais mon soin s’il te plaît ?” Andrea revient un peu à la réalité et sort la tête de son écran lorsqu’un cabas bleu provenant d’une marque de haute couture vient se loger entre ses jambes. “Mmh ? Ah euh oui…! Mais c’est maintenant ? Je croyais que c’était cet aprèm” Assis sur un banc en osier, il se redresse et esquisse un sourire adressé à Somi qui semble à la fois excitée et nerveuse de pouvoir enfin se faire masser. Il penche l’oreille et retire son écouteur sans fil.

“T’en as pour combien de temps ?” Et pendant que Somi répond et lui explique qu’il n’y avait plus de place pour plus tard, le garçon regarde autour de lui. Le ciel est dégagé, la mer est presque à portée de main, et pourtant, c’est bel et bien dans un petit spa en extérieur que les deux amis se trouvent. Ce dernier ressemblerait presque à un jardin Japonais abritant un gazebo indonésien, le tout bordé par le sable et quelques arbustes. “Un soin à la roche volcanique ? Ca va te décaper ça, c’est bien, je suis certain que t’en as besoin ! T’as vu tes points noirs là ?” ironise-t-il en se relevant pour venir pincer le petit nez de la chanteuse. Lorsqu’ils se retrouvent face à l’autre, le garçon ne peut s’empêcher de plonger son regard dans celui de la plus jeune. Ses yeux font des aller-retours entre ses iris noisettes et ses lèvres rosées, et peut-être pense-t-il à toutes les jolies choses qu’il aimerait lui faire. A ce qu’il aimerait lui faire, ou peut-être lui dire. Heureusement pour lui, il n’a pas vraiment le temps de trop réfléchir à la question, car  le temps les rattrape et une jeune praticienne vêtue d’un vêtement en lin appelle Somi pour la recevoir enfin. Elle demande à Andrea s’il souhaite lui aussi une prestation, mais il décline sagement. Si l’idée de se faire masser était particulièrement séduisante, il n’avait pas forcément envie de dévoiler son corps aujourd’hui, encore moins une veille de pleine lune. “Merci ça ira ! See you later”  Il laisse alors Somi se faire chouchouter par des mains expertes pendant que lui retourne s’asseoir sur son banc en osier, les yeux de nouveaux rivés sur son écran de portable pour suivre la fin du match.

Une fois terminé, il attrape le cabas en raphia de Somi et plonge sa main à l’intérieur par curiosité. A l’intérieur, pas grand chose d'intéressant, si ce n’est son portefeuille et cette boîte qui contient les lunettes de soleil de la jeune femme. Il en profite pour sortir ces dernières et les poser sur son nez, afin que l’astre qui commence à taper fort dans le ciel ne vienne pas abîmer sa jolie vue. Il se détend un peu, allonge ses bras sur la longueur du dossier du siège et lève légèrement la tête vers l’astre solaire pour profiter des beaux rayons qui percent le ciel. Et pendant ce petit moment pour soi où il garde les yeux clos, les sens du loup, toujours décuplés à cette période du mois, semblent se mettre en action. Les sons tout d’abord. Le bruit des arbres qui se font timidement bercer par ce vent provenant du sud. Un peu sec et en même temps chaud, celui qui réconforte la peau au lieu de l'agresser. A quelques mètres de là, l’agitation des vagues peut aussi se faire entendre quand on tend l’oreille. Ou peut-être, est-ce juste Andrea qui les perçoit, car son ouïe de loup semble aujourd’hui être en surcapacité. S’il se concentrait réellement, il pourrait probablement espionner le dialogue entre Somi et sa praticienne. Chose qu’il ne fait pas, car il doute de l’importance du sujet et que de toute manière, les oiseaux qui chantent dans le ciel et sur la cime des arbres font un bruit pas possible. Il peut remarquer au moins six chants différents, mais il serait incapable d’en reconnaître les interprêtes. Alors lorsque son ouïe s’adapte enfin et que tous les bruits alentour semblent ne former qu’une seule et même masse auditive dans son esprit, le Gallois peut enfin se concentrer sur lui-même. La première chose qui lui revient, c’est ce sourire que la Japonaise lui a offert avant de s’éloigner.

Un magnifique sourire, qu’il aurait aimé partager encore de longues minutes. Il s’était toujours demandé ce que son sourire cachait vraiment, lorsqu’elle était heureuse, mais aussi lorsqu’elle était triste, agacée ou parfois même anxieuse. Et depuis quelques jours, depuis le vingt-sept avril dernier, pour être plus précis, Andrea se demandait si ce sourire était un sourire amoureux, et si oui, depuis quand ? Car ce fameux vingt-sept avril, ce petit jeudi de fin de mois, avait marqué quelque chose de particulier chez le jeune homme; chez la jeune femme aussi. Et tous les jours depuis, il avait ressassé les paroles qu’elle lui avait confiées. Il avait rejoué leur scènes un nombre incalculable de fois : la conversation avec le jeune Hiisa, ces messages écrits dans son carnet, leurs bouches qui s’étaient de nouveau rencontrer pour mieux s’apprécier, leurs corps qui, s’ils n’avaient pas été arrêtés, se seraient enlacés sur le mobilier du bureau, et puis ces confessions. Ces paroles qui venaient et allaient en lui sans jamais s’échapper. Ces paroles qui provoquaient encore des palpitations démesurées, qui faisaient naître des papillons dans un corps en manque de connaissance. Pourquoi avait-elle refusé qu’il donne son avis ? Souhaitait-elle qu’il réfléchisse ? Souhaitait-elle qu’il reste tû à jamais ? Impossible à dire. La seule chose qu’il savait c’est qu’il lui dirait quelque chose. Quoi ? Il n’en avait aucune idée, mais il comptait lui parler. Peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas demain, mais il le ferait, lorsqu’il se sentirait prêt.

Sensation de satisfaction lorsqu’un nuage se dégage enfin du paysage et que l’étoile diurne vient de nouveau caresser la peau du stargazer. Si détendu qu’il en baillerait presque, pourtant c’est une petite voix qu’il entend au loin, puis une porte claque, une langue coréenne qui se délie et qu’il ne comprend pas, des pas qui frappent le chemin de cailloux et de sable et qui viennent jusqu’à lui. Il ouvre un œil, puis deux et salue une nouvelle praticienne qui, dans un Anglais cassé, lui propose une prestation. “Sorry what ? I can’t understand” Elle répète, mais là encore l’accent de l’employée reste compliqué. Alors il tente en Japonais, et à sa réaction, cela semble être le bon choix. Elle pointe les pieds du brun et l’invite à le suivre jusqu’à l’établissement principal.  Après quelques explications plus précises, il accepte le soin proposé, qui lui a l’air plutôt marrant, et il en profite pour payer. “Je vais payer le soin qui a été fait par…” Et il a un moment d’hésitation. Somi a-t-elle donné son prénom ? Ou un faux ? Son nom de jeune fille ? Son prénom ? Le nom de son père ? “Un soin du visage et un massage volcanique, quelque chose comme ça j'crois, ouais voilà” Sans vraiment se soucier du prix des prestations, il laisse sa carte glisser sur le lecteur puis suit la thérapeute.

Lorsque Somi sort enfin de son soin, elle retrouve un Andrea installé toujours au soleil, les pieds plongés dans un petit bassin dans lequel des mini poissons viennent grignoter sa peau. Il tente d’éloigner un insecte qui vient voler près de lui puis il relève ses lunettes de soleil pour mieux observer la belle. “Wow !” Il lui dirait bien qu’elle est rayonnante, mais préfère le garder pour lui. “Ça t'as fait du bien ?” Son regard tombe sur ses cuisses, les trouvant encore plus ravissantes que d’habitude. “You got some shiny legs here…” Il sort ses pieds du bassin pour essuyer ces derniers avec la serviette mise à disposition puis il se penche vers l’artiste pour toucher ses cuisses sur lesquelles une huile avait probablement été étalée. “Sweet !! Good job ! as shiny as a mermaid ! By the way, look at those beautiful and sexy feet” plaisante-t-il en montrant ses pieds tout beaux tout propres. Après avoir annoncé à l’idole qu’il avait déjà payé, le couple d'amis finit par quitter les lieux, et prend le chemin de la plage. Le groupe s'étant octroyé une journée assez libre, la plupart étaient partis en couple. Andrea et Somi s'étaient réservés cette journée pour eux, et le britannique n’en était plus que ravi. Vu qu’elle l’avait tanné pour plusieurs activités qu’ils n’avaient pas encore pu faire durant la semaine, c’était désormais le moment pour. Pendant que la Japonaise avance déjà à grands pas sur le sable, probablement pour trouver le meilleur endroit où se poser -où pour partir à la chasse aux coquillages-  l’aîné en profite pour s’allumer une cigarette. Il rattrape les quelques mètres perdus et vient prendre la jeune femme par la taille pour se coller à son dos, plongeant alors son visage dans son cou. Il peut alors réaliser à quel point elle sent bon. Peut-être encore plus que d’habitude, probablement à cause de tous les soins qu’on vient de lui prodiguer. “You smell so good…” Et le nez du lycanthrope vient chatouiller la peau toute douce de la poupée, ses lèvres venant ensuite frôler son cou.  "You smell so so so good…” S’il pouvait la mordre, il le ferait sans hésiter. Alors lorsque sa bouche vient finalement goûter l’épiderme sucrée, se sont ses dents qui apparaissent et viennent mordiller la peau, timidement. Mais heureusement pour lui, Somi se détache un peu, notamment à cause de la cendre de son orpheus qui menace de tomber sur sa jolie robe à fleurs. “Sorry…”.

Et pendant qu’il reste debout, à contempler les vagues,  Somi s’installe confortablement sur le sable, sortant du sac à dos d’Andrea, de quoi couvrir le sol. A croire qu’elle était prête à passer le reste de la journée ici, allongée sur la plage. Tirant sur sa tige de nicotine, l’Anglais jette un coup d'œil à son amie et ne peut s’empêcher de contempler le spectacle lorsqu’elle défait sa robe qui cache son maillot de bain. Mais c’est une fausse joie. Elle ne défait rien. Elle réajuste juste. Dommage pour le garçon qui, tout en se mordant l’intérieur de la joue, reporte son attention vers la mer. De là, il voit alors deux personnes au loin, voguant sur leurs planches à voile. Sport nautique que Somi avait très hâte de faire à en croire le nombre de fois qu’elle l’avait répété pendant le séjour. S’ils voulaient pratiquer un peu de planche, peut-être feraient-ils mieux d’attendre le début d’après-midi, et à en voir l’heure, il valait mieux s’offrir de quoi manger avant d’affronter les océans. “Are you hungry ?” demande-t-il par politesse, car c’était surtout lui dont l’estomac criait famine.

Un peu plus loin sur la plage, se trouvent quelques marchands de street food, qui attendent une clientèle, composée majoritairement de Japonais à cette époque de l’année. “I’m gonna see what they have”. Cigarette coincée entre ses lèvres, il tire son sac à dos sur lequel Somi a posé ses fesses et sort son portefeuille avant de prendre la route pour l'échoppe, pendant qu’elle reste assise, à lui marmonner ce qu’elle veut. Mais Andrea avance à grandes enjambées et malgré son ouïe fine, il ne perçoit que les mots vegetables et bokki. Bokki ? Aucune idée de ce que c’est, il verra bien sur place. Par chance, la plage n’est pas très peuplée et la queue se fait rapidement. Lorsque vient son tour, il fait face à un menu pas nécessairement excessif mais qui propose des choix variés. Le problème, c’est qu’il a tellement faim que tout lui donne soudainement envie. L’idée de prendre deux portions de chaque snack le tente mais il pense à l’activité qu’ils feront ensuite, et aussi à l’estomac de Somi qui semble plus étroit que le sien. “Mmh…Do you have something with vegetables ? …Pajeon ? Oh… Oh yeah ! Okay I’ll take some. Okay so some seafood and vegetables pancakes, one corn dog…and this ! Yes ! Tornado potatoes ? okay, let’s take one too. Do you also have like…some bokki ? Chicken tteokbokki ? Okay fine, I’ll take one. As for the drinks…” Il a un moment d’hésitation et regarde les différentes boissons proposées avant qu’il ne tombe sur un visage familier figurant sur l’une des bouteilles. Levant un sourcil, il pointe du doigt une limonade énergisante. “Do you have Jungkookie ?” La serveuse acquiesce et lui apporte la bouteille, attendant qu’il donne son second choix. “one regular coke please” Et pour finir, il décide de commander deux petites gaufres japonaises glacées à la pâte d’haricot rouge et à la vanille ayant pour forme une sirène et une fleur de camélias, symbole de l’île de Jeju.


Plusieurs minutes plus tard, le sorcier revient avec un sac rempli de différents plats à partager  qu’ils étalent entre eux, et si lui n’est pas fan des fameux tteokbokki, cela ne l’empêche pas de manger chaque petit morceau de poulet qui accompagne le plat. Et pendant qu’il entame sa brochette de chips, il en profite pour venir reposer sa tête sur les cuisses de la jeune femme, comme par habitude. Somi lui raconte sa vie, et pendant ce temps, le bouclé mange, et boit, oubliant presque que les snacks sont initialement à partager. Il ne l’écoute pas vraiment, se contentant de la regarder avaler des petites bouchées, coupées à l’aide de ses doigts manucurés. Même sous cet angle pas forcément avantageux il la trouve incroyable, et peut-être que pendant quelques secondes il s’imagine pouvoir faire ça continuellement  : la contempler. Alors les pensées remontent dans sa tête : que devait-il répondre à ses mots d’amour ? Devait-il l’avouer soudainement ? Là, entre deux bouchées de corn dog, quitte à ce qu’il lui postillonne des je t’aime moi aussi sur la joue ? Devait-il lui couper la parole, lui retirer ce morceau de galette qu’elle était prête à manger, et lui voler l’espace pour lui dire je t’aime avec les lèvres ? Que devait-il faire ? Quelque chose qu'il n’était décidément pas prêt à faire à l’instant.  Après un repas qui leur suffit sans trop les caler, ils s’accordent une pause digestion durant laquelle ils reparlent de toutes les activités faites durant la semaine. Puis lorsque la conversation prend d’autres tournures, portant sur les colocataires et amis d’Andrea, ce dernier en profite pour sortir un onguent mélangé à de la crème solaire qu’il étale tout d’abord sur ses jambes puis les bras. Somi dérive la conversation, pour parler d’un exemple qui lui est arrivé en cours, et rapidement les nouvelles cibles de leurs critiques se trouvent être des camarades de sa classe. Rien d’étonnant jusque-là, alors il la laisse parler, un sourire perché sur ses lèvres. Il y avait quelque chose d’extrêmement charmant à la voir s’énerver pour des bêtises ou à critiquer des choses qui lui semblaient assez puériles.

Pendant que la petite langue de la chanteuse se délie, le stargazer retire son haut, sans oser regarder la magicienne. Les joues rougies du gamin étaient beaucoup trop voyantes, et il n’avait pas encore pris assez de couleurs pour prétexter s’être pris un coup de soleil. Il applique alors de l’onguent sur le torse puis les épaules, ce qui fait disparaître momentanément une ou deux blessures. Le dos reste à faire mais il n’ose pas demander de l’aide. Peut-être l’aurait-il fait avant, mais là, maintenant, il a une once d’hésitation. Peut-être n’avait-elle pas envie de poser ses mains sur un homme à qui elle s’était confiée. Mais Somi sa meilleure-amie était encore là pas vrai ? Alors peut-être que s’il demandait à Somi sa meilleure-amie de lui étaler un peu de produit dans le dos elle ne se poserait pas de questions ? “Would you mind helping me ?” demande-t-il finalement, avec une once de timidité dans la voix alors qu’il tend le produit à sa cadette. Et à peine a-t-il posé la question qu’il regrette déjà. Pourtant la blonde accepte. Elle se place derrière lui et commence à mettre de la crème là où elle estime qu’il en a le plus besoin pour protéger la peau et effacer les cicatrices les plus visibles. La sensation de ses doigts sur le dos du jeune homme provoque quelque chose d’étrange chez ce dernier. Son cœur semble s’affoler. A-t-il honte ? Bien évidemment. Il a toujours eu honte, et l’aura toujours.
Lorsque le bout de ses doigts s’attardent sur la cicatrice la plus récente, le délégué a comme un frisson qui le parcourt et le force à se cambrer légèrement. Il replie un peu ses jambes vers lui mais la laisse toutefois continuer.

Il aimerait lui demander si ça la dégoûte. Pourtant il ne le fait pas, peut-être parce qu’il connaît déjà sa réponse. Le jour, elle l’a toujours accepté comme il l’était. La nuit, elle n’a jamais éprouvé une quelconque réticence à son égard, alors pourquoi panique-t-il ? Peut-être qu’il ne sait pas vraiment lui-même. Sait-il même pourquoi il continue de se cacher aux yeux du monde ? Il est habitué à le faire, mais s’est-il vraiment posé la question ? Cache-t-il ces cicatrices pour les regards extérieurs ? Le fait-il pour elle ? Ou bien pour lui ? A la question que Somi pose, Andrea ne réagit pas, encore dans ses pensées, avec l’envie de s’excuser une nouvelle fois auprès de la musicienne. Remord qui le prend au moment le plus inopportun. Elle ne méritait peut-être pas de l’aimer. Ou du moins, il ne méritait peut-être pas d’être aimé par elle. Somi était beaucoup trop gentille pour lui, beaucoup trop attentionnée, beaucoup trop serviable, beaucoup trop optimiste, beaucoup trop tout. C’était quelque chose dont il avait parfois conscience, parfois non. Il avait envie de l’aimer. C’était peut-être d’ailleurs, ce qu’il faisait depuis longtemps, sans vraiment mettre de mots véritables dessus. Il avait envie de tout ce que les autres faisaient. Les petites sorties entre couples, les activités, les moments à créer à deux, l’avenir à réaliser ensemble, tout ce qu’il adorait critiquer, peut-être que dans le fond il avait envie de faire pareil.

Et  peut-être qu’il jalousait un peu les autres, car ils avaient l’air d’avoir une vie simple, peut-être moins confortable financièrement, mais simple quand même. Non pas que celles des deux meilleurs-amis étaient si compliquées mais elle était juste plus envahie par des problèmes pour lesquels ils n’avaient pas vraiment leurs mots à dire. Il y avait d’abord la carrière de l’un, puis celle de l’autre, allaient-elles évoluer en parallèle ou s’entrechoquer ? Est-ce que l’une allait prendre l’ascendant sur l’autre ? Allaient-elles se rejoindre ? Que feront-ils si leurs carrières les mènent à des endroits différents ? Car Andrea n’avait pas la capacité ni l’envie de vivre éloigné de Somi, et il le sentait. Là, lorsque les mains de la sirène venaient caresser son dos et ses os, il le sentait, qu’il serait incapable de vivre loin d’elle, voire même, sans elle, comme si un lien unique les unissait. Que se passerait-il ensuite si sa lycanthropie l’empêchait d’accomplir tout ce qu’il souhaitait ? Comment le vivrait-il et surtout : comment le ferait-il vivre à Somi ? Car il était clair qu’il n’avait pas envie d’être un fardeau en plus, et qu’il l’avait déjà été assez longtemps comme ça. Que se passerait-il si, finalement, tous ses démons internes réapparaissent ? Que se passerait-il s’ils faisaient comme les autres ? S’ils se mettaient en couple et qu’elle lui lançait un ultimatum par rapport à ses consommations mais qu’il serait incapable de respecter ? Que se passerait-il si, tout simplement, elle décidait de le quitter ? Que deviendrait-il ? Car il ne faisait aucun doute qu’il ne serait pas capable de vivre de manière stable, sans elle. Elle était son pilier, ce petit roc sur lequel il se tenait depuis toujours. Elle était ce petit fil rouge dans le labyrinthe de ses pensées. Elle était l’une de ces personnes qu’il voulait rendre fier, elle était un tout, et peut-être bien aussi son tout. “Somi…I…” La main du garçon passe par dessus sa propre épaule pour venir attraper celle de la plus jeune. Il presse doucement cette main, prêt à lui parler sincèrement, sur tout un tas de choses, mais la peur revient au galop, et plutôt que de s’enfoncer dans des confessions qu’il a peur de révéler, il reprend soudainement cette place de meilleur-ami qu’il maîtrise tant. “Should we do some windsurfing ?” continue-t-il en se relevant. “Thanks for the back by the way”. Il accompagne ses remerciements d’un clin d'œil puis jette un regard à cette robe qu’elle porte. Elle lui va parfaitement bien, mais peut-être aurait-il préféré la voir en maillot de bain. Cela ne tarderait pas dans tous les cas, s’ils allaient faire un peu de planche. Et au vue de l’excitation dans les yeux de la chanteuse, cela serait pour maintenant.

Un petit moment est passé lorsque Somi est encore dans la boutique, à hésiter sur la qualité de sa voile. Heureusement pour Andrea, elle avait mis seulement cinq minutes à choisir la couleur de sa planche : madame hésitant entre le rose pâle et le rose perle.  “Mais je t’ai dis Somi, elles sont toutes faites à base d’écailles de sirènes, c’est pas parce que celle-ci est pas holographique je sais pas quoi que c’est pas de la sirène, pareil le triton c'est de la sirène, c'est juste plus masculin quoi. Le mât… Je sais plus de quoi c’est composé, mais t’inquiète ça ira”. Une fois leur choix fait, le vendeur  - qui est aussi l’assistant du professeur de sports nautiques du coin - leur donne deux petits flacons dans lesquels repose un liquide bleu marine, ainsi que deux petites bouteilles en verre dans lesquelles le modèle miniature de leurs planches à voile est en train de voguer. “Prenez bien le flacon anti-noyade avant de rentrer dans l’eau profonde, ça agira un peu comme si vous aviez pied vous verrez, c’est marrant, et pour les bouteilles il suffit de les lancer dans l’eau, ça se décomposera naturellement et votre planche apparaîtra. Bonne balade”

Lorsque Somi retire sa robe pour apparaître en maillot de bain sur la plage, Andrea est déjà dans la mer, l’eau lui montant jusqu’au niveau des cuisses. La chanteuse fait alors ses premiers pas dans l’eau et il ne peut s’empêcher de sourire en l’observant s’aventurer au milieu des vagues, qui aux premiers abords ne semblent pas particulièrement chaudes. Plus elle s’approche, plus il s’éloigne, peut-être pour la taquiner et l’inviter à avancer toujours plus, mais il s’arrête cependant lorsque l’eau touche son entrejambe et le prend par surprise, ce qui provoque un rire chez la Canadienne. Et s’il n’a d’yeux que pour le corps de la sirène qui arrive à sa hauteur, il finit par regarder ailleurs, pour éviter de rougir lorsque sa poitrine finit sous son nez. “Okay hum… let’s gooo” Sans plus attendre il lance sa bouteille et laisse Somi faire de même de son côté. Quelques secondes plus tard, deux planches à voile sortent de l’eau en faisant quelques remous. Les prochaines minutes sont consacrées à tenter de maîtriser en premier leur planche, puis leur voile. Voile qui était composée d’écailles de sirènes de couleur rose pale pour Somi, et d’écailles nacrées de couleur turquoise pour Andrea. La propriété magique de ces écailles était particulière puisqu’elle permettait aux âmes perdues de garder un point de contact avec la vie humaine la plus proche en les guidant jusqu’à elle, ce qui permettait ainsi à l’embarcation de garder une sorte d’attirance et de stabilisation même sur les eaux les plus agitées. Les voiles en écailles de sirènes étaient aussi connues pour être bien plus légères et plus simples d’utilisation que celles utilisées par les Intouchés. Et puis, elles étaient plus jolies et pouvaient scintiller la nuit, c’était un détail à ne pas oublier. Après être tombés une vingtaine de fois, les deux amis finissent par prendre le large, poussés par le vent. Les petites courses s’enchainent et si Somi semble avoir de l’avance, Andrea n’est pas loin derrière non plus, la voile bleue étant sur le point de prendre l’ascendant.  “Hold on !! hold on ! You’re doing great !!” lance-t-il au moment où il la dépasse, tout fier. Mais très vite il perd sa concentration et finit par tomber, la voile tombant sur lui au passage. Effrayant mais pas dangereux. Il remonte à la surface et nage jusqu’à Somi puis en profite qu’elle soit assise sur sa planche pour remonter et se glisser entre ses jambes, un peu comme une créature marine venue distraire un marin.  Si Somi cherche à savoir comment il va, lui n’a d’yeux que pour ce corps qui lui fait face. Son visage, sa poitrine, ses jambes, sa taille.

Tout était à croquer chez elle. Autour d’eux, seule la mer et quelques rochers localisés beaucoup plus loins les espionnent. C’est peut-être pour ça qu’il en profite, pour venir poser ses mains sur les cuisses de la jeune femme, les emeraudes humides fixant le regard noisette, qui avec le soleil, rendait le marron de ses yeux encore plus clair. Peut-être était-ce le moment ? Il pourrait se confesser maintenant non ? Au lieu de laisser ses boucles tremper les cuisses de son amie. Ne le sentait-elle pas qu’il l’aimait ? A travers son regard ? A travers ses sourires ? A travers toutes les petites actions, même minimes qu’il faisait ? Était-il vraiment obligé de prononcer des mots dont il ne connaissait même pas le véritable ordre ? A croire qu’il ne les avait jamais prononcés. Sauf peut-être pour sa première copine. Mais les dernières, il ne se rappelait pas être arrivé à ce stade. Il les avait appréciées, certaines avaient été plus dures à quitter que d’autres, mais il ne se souvenait pas avoir ressenti ce qu’il ressentait désormais. “Your skin is definitely on point… I’m about to be jealous”. Ce sont les seules phrases qu’il arrive à prononcer avant qu’il ne décide de la tirer pour la faire tomber dans l’eau avec lui, de sorte à ce qu’ils soient tous les deux submergés. Sous l’eau, il se rapproche d’elle et prend le visage angélique entre ses mains pour déposer ses lèvres contre les siennes. L’embrasser sous l’eau, c’était comme l’embrasser sous la couette, ou l’embrasser lorsqu’il fait nuit, lorsqu’il n’y a personne d’autres qu’eux. S’agit-il d’un comportement de lâche ? D’un homme timide ? D’un homme qui ne veut pas s’assumer ? Peut-être. Car une fois à la surface, il devra probablement faire face aux questions.

Si l’action dure quelques secondes seulement, le temps semble pourtant s’être arrêté ou peut-être ralentit, les bulles d’air autour d’eux étant les seules preuves que le temps et l’espace sont encore palpables. Le baiser est un peu maladroit, et n’a pas totalement les mêmes sensations qu’un baiser à la surface. Ici bas, l’eau vole l’espace, s'engouffre partout. Lorsqu’il ouvre les yeux, il ne voit qu’une sirène dont les cheveux blonds dansent au milieu des eaux. Sa vue semble pourtant bien plus nette que d’habitude. C’est la première fois qu’il voit aussi bien, sous l’eau, effet probablement dû à la pleine lune qui approche à grand pas. Il lui offre un nouveau baiser puis reprend un peu d’air avant de replonger sous l’eau, s’accrochant à elle et descendant légèrement, de sorte à pouvoir venir embrasser le décolleté que forme sa poitrine. Avec la pression de l’eau, les mouvements de son corps sont à la fois plus faciles et plus compliqués. Moins de poids, possibilité d’aller partout, de venir embrasser la plante de ses pieds s’il le souhaite, mais le plus compliqué reste les déplacements, limités par le manque d’oxygène. Pourtant, cela ne l’empêche pas de s’aventurer toujours plus bas. Lorsqu’ils sont tous les deux à la surface, ils s’agrippent chacun à leurs planches. Légèrement déstabilisé parce qu’il vient lui-même de faire, un léger temps d’absence s’installe entre eux. Ce qu’il s’était passé dans l’eau pourrait être démenti à tout moment en cas de besoin, puisque personne ne serait là pour témoigner alors autant le prendre à la légère, ou faire comme s’il ne s’était rien passé. Ou mieux : faire comme si c’était naturel. Il invite la musicienne à venir se rapprocher de lui mais celle-ci ne semble pas oser. Fait-elle exprès ? Attend-t-elle de lui qu’il fasse le premier pas ? Peut-être. Alors il en profite pour venir se coller  derrière elle, passant une main autour de son ventre pour la tenir fermement contre lui, l’autre main s’agrippant elle aussi à la planche rose. Il plonge de nouveau son visage dans son cou mais il ne dit pas un mot. Il profite tout simplement de sa présence, car là, tout de suite, il se sentait particulièrement heureux. Et naïvement, il aurait aimé que toutes ses journées se passent comme celles-ci, pourvu qu’elles soient avec Somi. Lorsque les deux amis semblent s’être enfin stabilisés avec la planche, le Gallois vient poser sa main sur celle de Somi, entremêlant ses doigts aux siens. Les quelques gouttes d’eau qui perlent encore sur leurs peaux ne tarderont pas à s’évaporer avec le soleil. “You’ll make a good windsurfer” tente le jeune homme en pressant un peu plus la main de la déléguée. Si elle avait déjà tenté de lui montrer sa nouvelle manucure et qu’il avait répondu que ça lui allait bien, c’est seulement maintenant, dans cet endroit peu approprié, qu’il accorde finalement de l’attention à ses ongles. Ils sont jolis, et bien faits. Pas trop longs, ni trop courts, la couleur pastel choisie n’a rien de surprenant, peut-être même un peu prévisible mais c’est comme ça qu’elle est Somi, et c’est comme ça qu’il l’aime. Elle a ses goûts, et ses codes, et il est rare qu’ils changent du jour au lendemain. “Is that a rabbit ?” demande-t-il avant qu’elle ne râle un peu, car oui, c’est vrai, elle lui en avait déjà parlé plus tôt dans la journée. “I told you I did it myself, you don’t listen”. Derrière elle, Andrea cache un petit rire de gêne. “Sorry I thought it was a cat when you told me ! I didn’t understood it was a rabbit” Petit menteur qui essaye de se rattraper comme il peut, il n’avait rien imaginé du tout, il n’avait juste pas totalement écouté parce qu’il avait estimé qu’une conversation sur les ongles de son amie n’était pas forcément ce qui l'intéressait le plus. Encore moins lorsque dans sa tête se jouaient déjà d’autres scénarios plus importants et à la finalité plus impactante.

Mais l’excuse ne prend pas, et Somi fait mine de bouder. “I failed the rabbit anyway” Ah oui c’est vrai. Il avait oublié…les conclusions hâtives de madame Hanaoka. Ils pourraient en faire un titre de livre, pense-t-il en levant les yeux au ciel, avant de se coller un peu plus à elle. “No you didn’t fail ! You nailed it !” il ricane, évidemment fier de son nouveau jeu de mots. Et lorsqu’il sent Somi commencer à bouger, un peu comme un chat qu’on sert trop contre soi, et qui veut s’échapper de son emprise, Andrea resserre un peu plus son étreinte autour d’elle. “Where are you going ? We’re in the middle of the sea” rigole-t-il, avant de venir déposer un baiser sur la joue de l’idole. Peut-être qu’elle n’avait pas envie de rester trop longtemps dans la mer ? Après ce qu’il venait de faire, la gêne l’emporterait sûrement. Sauf si le problème résidait ailleurs. La dernière fois qu’ils étaient allés en mer, elle avait eu la frayeur de sa vie à cause de lui, mais ça, il semble l’avoir oublié. Il dégage alors quelques mèches blondes collant sur sa peau, et vient embrasser le cou humide de la princesse qui se laisse volontairement faire. Ses lèvres peuvent alors goûter son épiderme de nouveau, cette fois un peu plus longtemps. Il ne mord pas, du moins pas profondément avec les dents, se contentant de quelques succions par-ci par-la, des baisers par milliers, longs et déroutants qui laisseront peut-être pour certains quelques marques rougeâtres. Et si leur position reste compliquée et peu confortable, les mouvements de leurs corps l’un contre l’autre le sont tout autant. La potion prise leurs permettent de ne pas avoir à faire autant d’efforts que lors d’une baignade ordinaire en eau profonde, ce qui arrange bien Andrea qui, n’ayant pas accès à la poitrine de la jeune femme, tient quand même à rester collé à elle. En fait, il en profite même, et vient tirer sur le cordon du maillot, dans son dos, pour défaire ce dernier. Tout, à ce moment précis, lui rappelait leur voyage à Fukui et la première fois qu’ils s’étaient voulus. Et depuis, il la voulait tous les jours un peu plus. Comme si elle était une drogue à laquelle il ne pouvait décidément pas résister. Alors lorsqu’il sent le loup se réveiller timidement, Andrea sait que la suite reste d’être compliquée mais pas impossible. De longues secondes passent, peut-être minutes, tandis qu’ils se prélassent et c’est finalement Andrea qui prend la parole en premier. “Merlin…I think I need to pee…” sort-il au pire moment, avant de rigoler nerveusement. Somi semble le juger. C’est ce que tout le monde aurait fait de toute manière. Encore plus dans un moment comme ça. Il aurait espéré ne pas avoir à annoncer ça, mais là, il le sentait, il voulait juste aller aux toilettes. Au même moment, un coup de vent un peu plus fort que les autres fait bouger légèrement les planches, et le garçon lâche alors l’objet, ce qui force le couple d'amis à se détacher et à nager pour retourner sur leur embarcation. Somi grimpe la première sur la sienne, et s’étonne qu’Andrea mette un peu plus de temps à rejoindre les écailles turquoises. “What are you doing ?” Demande-t-elle en rattachant son maillot de bain timidement, scène que le garçon ne loupe pas d’une seconde, mais le silence qu’il offre, en dit long sur sa réponse. “Seriously ? Andrea ?”  “What ? The fish are doing it all day long, I can do it too”. Heureusement pour lui, l’eau froide dans lequel il se trouvait serait propice à ce qu’il puisse endormir la bête rapidement pour finir ses affaires.  Et les voilà enfin repartis, prenant le large direction la plage, une fois qu’ils estiment être assez fatigués et avoir besoin de se reposer.

Dès qu’ils ont enfin pied, ils lancent un sort de réduction sur leurs voiles puis retournent sur le bord de la plage, là où ils avaient laissé leurs affaires, gardées par un enchantement anti-vol. Andrea se laisse tomber sur le sable, une moitié du corps sur la serviette, l’autre, sur le sol. Somi l’enjambe pour le rejoindre, et vient le mouiller au passage. “I can’t believe what you did” Ne sachant pas si elle parle de la pause-pipi ou du reste, il ne préfère pas relever et se contente de passer ses bras derrière la tête, le temps de se reposer quelques minutes. Somi elle, semble avoir un peu plus la bougeotte que lui. “Merlin ! Stop moving, there’s sand and water all over me” prévient-il, en venant poser sa main dans le dos de l’étudiante. Il a un moment de doute puis, de son pouce, il s’accorde le droit de venir caresser le bas de son dos encore humide, sur lequel quelques grains de sable se sont posés. Il remonte, vient titiller l’attache de son maillot sans rien y faire, s’étant déjà amusé avec dans la mer. Le Soleil est certes dans son stade de déclin mais se trouve toujours assez haut dans le ciel, assez pour qu’il permette aux deux amis de profiter encore un peu avant qu’un coucher de soleil n’arrive. Si Andrea souhaite se reposer un peu, Somi en décide autrement pour elle, et s’éloigne déjà. Le regard caché par ses lunettes de soleil, il en profite pour regarder ce qu’elle fait. Elle va et vient, semble se prendre en photo, puis s’amuse à récolter des coquillages sur le rivage, là où les vagues viennent mourir pour chatouiller les petits pieds manucurés de l’artiste. Il devrait lui dire qu'elle est belle. Mais ça ne veut pas sortir. Il devrait aussi lui dire, qu’il a envie que ce voyage, que ces vacances, ne soient que les premières parmi des centaines d’autres. Il a surtout très envie de la voir constamment heureuse, comme là, maintenant, pliée en deux, les fesses offertes au soleil, et les mains triturant le sable, tentant d’extraire un coquillage qui semble résister au temps. Elle sautille ensuite sur place, puis semble laver la coquille dans la mer. Il n’y connaît rien en crustacés et autres mollusques, mais peut-être s’agit-il d’une coquille de créature magique à en voir l’expression qui illumine le visage de la déléguée hiisa.

“Andrea !” elle l’appelle. Il se frotte un œil derrière ses lunettes, et à peine a-t-il eu le temps de réagir que Somi se trouve juste devant lui. Un peu comme s’il venait de zoomer sur elle. L’humidité de son corps goutte sur lui. L’air marin ravage ses narines et surtout, il est aveuglé par le coquillage qu’elle lui met sous son nez, et qui fait bien la moitié de sa tête.. “What is that ?” “It’s a Jeju shell !! I got some in Animal City !” “Oh…Wow ! What a good fisher you are !” Il relève ses lunettes de soleil sur sa tête puis se rallonge, Somi venant se rasseoir près de lui. Il en profite alors pour s’installer derrière elle, venant coller son torse à son dos. Il rejoint ses mains sur les siennes qui sont occupées à analyser la coquille. “Oh wow ! I’m speechless ! It’s a pink shell ! does it have some magic features ?” Le ton est sarcastique, mais il laisse Somi lui expliquer, et pendant qu’il l’écoute, il en profite pour frotter son menton contre le haut de son dos. “Stop it Andrea ! It’s getting itchy…” Il souffle alors sur sa peau, avant de recommencer à l’embêter. “Come on… it’s not that itchy…” “You’re saying that all the time !” “Because it’s true !” “No,It’s not !” “I have soft skin ! I shaved this morning” “Mmh” Elle ne le croit pas vraiment et préfère reporter son attention sur son coquillage qu’elle s’amuse à remplir de sable, pour le renverser ensuite. Andrea garde son étreinte contre elle, collant ses jambes aux siennes, et s’amusant même à frotter ses pieds contre ceux de Somi, pour mieux enfoncer leurs orteils dans le sable. Des petits gestes, à la fois puérils qui, au fond, cachent une envie de proximité. L’attention du britannique se porte alors sur les jambes de son amie. Elles étaient élégantes, douces, grandes, très grandes mêmes, fines et particulièrement attirantes. Surtout comparé aux siennes, qui en plus d’avoir une pilosité présente plus que d’habitude, n’avait rien de très sexy et cachaient de multiples cicatrices. Pourtant ce sont ces jambes, c’était ce corps, c’était cette personne, que Somi avait choisi d’aimer. Ou peut-être n’était-ce pas un choix, peut-être que c’était juste le destin, ou une finalité. Peut-être était-ce juste son cœur qui en avait décidé ainsi. Si Somi avait le choix, serait-elle tombée de nouveau amoureuse de lui ? Il n’en savait trop rien. Pourtant elle avait fait le choix de lui dire ces mots. Elle avait pris le temps, pour lui confesser des paroles qui auraient pu tout gâcher. Elle avait couru le risque de mettre fin à leur relation amicale pour dire ce qu’elle ressentait à son égard. Et il n’y avait rien de plus courageux.

Pendant que lui, préférait rester là, à ne rien dire, par peur. Pourtant il était prêt à tout, pourvu qu’ils restent meilleurs amis. Des meilleurs amis qui s’aiment. C’est ça qu’il voulait. Il ne demandait pas le reste, car il en était effrayé. Il n’avait pas envie d’avoir à lui offrir des roses pour qu’elle se sente aimée. Il n’avait pas envie d’avoir à l’emmener dans un restaurant cher et devoir payer à chaque fois pour qu’elle se sente aimée. Toutes ces choses considérées comme romantiques, ce n’était pas son truc. Il n’avait pas non plus envie qu’on le tane avec ces sortes d’obligations qui incombent les couples, tout ce chemin tracé que bien des personnes empruntent. Il n’était pas sûr de vouloir le faire. Mais il était sûr d’une chose, c’est que si ces chemins devaient être parcourus, c’était avec elle qu’il voulait le faire, et personne d’autre. “...” Alors sa bouche s’ouvre, mais rien ne sort. Il resserre un peu plus ses bras autour de la blonde, pose son menton sur son épaule et colle son visage contre le sien, les yeux fixés vers le large. Il repense à ce qu’elle lui a dit dans ce bureau. La manière dont elle avait annoncé la chose, et tout ce qui s’en était suivi. Il repensait au petit carnet dans lequel elle avait écrit. Aurait-il pu faire ça ? Pas vraiment. Lui, tel l’idiot qu’il était, s’était contenté d’aller voir tous les voyants du quartier pour être sûr qu’ils diraient tous la même chose : “dites-lui. dites-lui plutôt que de regretter”. Et puis il y avait eu les mots d’Ethan qui, quoi qu’on puisse en penser, l’avaient un peu raisonné. Il avait raison Ethan, Andrea ne voulait pas laisser Somi à quelqu’un d’autre. Et la seule solution resterait dans tous les cas de lui dire la vérité sur ses sentiments. Après tout, qu’avaient-ils à perdre ? Tout d’après lui, et pourtant tout semblait pencher sur le fait qu’ils étaient beaucoup trop liés, beaucoup trop amoureux pour qu’un élément extérieur ne viennent entacher ce qu’ils avaient déjà créé et ce qu’ils voulaient créer. “I know we shouldn’t talk about it…” commence-t-il en serrant un peu plus ses jambes contre celles de Somi. “well…I know you don’t want to talk about it because you didn’t let me explain or answer or whatever…but…” Et le garçon sent soudainement tout son corps se tendre, comme s’il avait mal commencé son discours. Etait-il possible de revenir en arrière ? Il souffle légèrement, à cause du stress, espérant qu’elle ne l’entendra pas. Il a envie de disparaître. “Do you remember when I told you that what I want to share with you means I can’t lie to you ?” Etait-ce mieux comme introduction ? Aucune idée, mais maintenant qu’il était dedans, il fallait y aller. Peu importe la manière dont s’était dit, il fallait le faire. “It’s not that i’m lying or anything but I just… I don’t know how to explain” Et il se passe une main dans les cheveux, oubliant au passage que ses lunettes de soleil s’y trouvent, ce qui les fait tomber.

Alors sans vraiment prévenir, il change sa manière de procéder, change même de langue, comme si cette manière de s’exprimer serait plus simple pour lui à dire, et plus simple pour elle à comprendre. “Je crois que… Je crois que je suis perdu. Je suis perdu dans beaucoup de choses, et il y a des tas de choses que je dis pas parce que j’ai peur que ça…gâche tout et parce que je passe juste ma vie à…I don’t know why but I just feel lost. And you, you are the thing that keeps me safe, and you helped me and… and…let’s be honest, I wouldn’t be here now if you haven’t been here for me so thank you. And I think…I mean, the more I think about it, the more I need that. What they have. What people have. I think I want the same. I mean not all of it but…the core of what they have, I want it. It's weird, but I think I want it, and I think I want it with you. And…”  Le coeur du loup flanche, tambourine contre sa cage thoracique. Peut-être que demain soir il ne sera même plus en état de marcher, ou de parler, peut-être que demain soir il ne sera plus là. On ne sait pas quand on s’en va. Personne ne sait. Peut-être que dans trois minutes un grand requin blanc attrapera sa jambe et l’engloutira. Peut-être que demain ce sera la transformation de trop. Peut-être qu’il aura un accident de sport qui l’empêchera de vivre comme avant. Peut-être que c’est elle qui partira. Et si demain elle est atteinte d’une maladie incurable et qu’elle l’abandonne ici, sur terre, sans elle ? “I just want you to know that I love you too. I mean I’m in love with you” Il marque un temps de pause, durant lequel il doit lui-même réfléchir à ce qu’il vient de dire. Il décale légèrement son visage de celui de Somi pour la regarder, mais c’est son visage à lui, qui prend une couleur écarlate. “Enfin…ce que je veux dire…” reprend-il en Japonais, comme si soudainement tout était plus simple dans cette langue, même si, au contraire, ça ne l’était pas forcément. “Ce que je veux dire c’est que…je sais pas quand, je sais pas pourquoi mais il s’est passé ça et ça et encore ça et ça, et maintenant je suis au point, où j’ai juste plus envie de faire semblant parce que ça crève les yeux que je sais pas trop comment, avec tes pouvoirs à la con, t’as réussi à me faire un truc, qui fait que j’ai juste envie de toi Somi. Et ne me demande pas pourquoi ni comment. C’est comme ça.” Et à mesure que les paroles s’accumulent, les joues du garçon deviennent de plus en plus rouges, et son coeur lui, accélère toujours autant. “So… yes I guess.. I don’t know but… If the question is, did I fell in love you ? the answer is yes. If the question is are we now dating or should we ? I don’t know the answer, but I know for sure I’m not going to say no, because I want you, I deeply want you and… and that’s it…” Et sa dernière phrase est accompagnée d’une petite moue qu’il fait en observant la demoiselle. Il la regarde droit dans les yeux puis vient poser enfin ses lèvres sur les siennes. C’est un baiser qui ne clôt pas un chapître, mais qui en continue un. C’est un simple point-virgule dans leur vie. Alors, tandis qu’il offre ses lèvres à la gamine, sa main vient caresser sa joue. Le son de leurs lèvres humides et aimantes a une mélodie particulière, la sensation de leurs nez qui s’entrechoquent est sans douleur, presque apaisante. Leur souffle chaud qui se mêle l’un à l’autre, leur offre un peu de réconfort. Et puis il y a l’odeur de sa peau. Le parfum, le sel, la mer, les huiles, tout un tas d’effluves presque imperceptibles qu’il apprécie. Sa langue dévorante d’envie est invitée dans ce palais qu’elle connaît si bien, et pourtant tout semble nouveau, lorsque sa jumelle vient danser avec elle, et qu’elles cherchent à s’apprivoiser. L’échange n’est pas bestial, il est lent, et peut-être un peu timide. Tendre aussi et plein d’envie. Il n’a rien de sauvage, mais reste passionnel. Doux et à la fois salé. L’air marin qui les entoure ne fait que confirmer une chose qu’Andrea savait déjà : il était au bon endroit, au bon moment, avec la bonne personne. Et s’il regrettait peut-être de ne pas avoir pu prendre Somi en photo sur sa petite planche à voile, il était certain qu’il en aurait encore l’occasion. Ce voyage n'était qu’un parmi les nombreux qu’ils avaient encore à faire. Ce baiser empreint d’amour n’était que le premier d’une longue série. Et cette confession n'était que la confirmation, voire l’aboutissement, d’un sentiment les ayant trop longtemps poursuivis. Alors après un baiser relativement long, et amoureux, lui ayant permis de réveiller tous ses sens, Andrea finit par se détacher, cherchant son paquet de cigarette, son anti-stress favori. “I need to smoke…wanna drink some coconuts or pineapple or whatever?” Au final, peut-être que rien n’avait vraiment changé. Mais une chose était certaine, il ne regrettait en aucun cas qu’elle puisse enfin le considérer sien, et qu’il puisse la considérer sienne.