Distant memories ♡ Zhilan

Le froid de l'hiver est parvenu jusqu'à son coeur, jusqu'à ses doigts qui n'ont plus la chance de toucher des mains chaudes et pleines d'amour. Sa vie n'est qu'un éternelle recommencement, mais cette fois, il est le seul coupable des fissures de son battant. Issei a ressenti quelque chose, ce jour là. Ô soirée de l'amour, quand il se pensait hypnotisé par Kira, quand il ne voyait plus qu'elle, comète prête à exploser, elle aussi. Mais tout s'est bousculée, d'une étoile en explosion, quand Daran s'est dessiné dans son champ de vision, dans ses yeux. Tout a changé dans sa tête, et il a compris, en quelques secondes. Il a su que c'était lui et personne d'autre. Sa personne, le soleil de sa tempête, brûlant et passionnel. Destructeur, fougueux. C'est ce qu'ils sont. C'est ce qu'ils seront toujours, une histoire impossible, un amour qui fait mal, à en retourner les émotions, à détruire tous les espoirs entre eux. Issei a compris, mais il est déjà trop tard. Il ne reste plus rien, pas une seul morceau d'eux, de Kira, de Daran, de lui-même.

Et il n'a pas cessé de fuir, depuis des mois, il évite ses démons, sa famille, son faux nom. Il évite le destin, ses obligations, vient manquer à tous, parce qu'il ne savait pas, plus, ce que c'était l'abandon. Le myocarde se tord, ses regrets viennent enfoncer des poignards dans son estomac, et tout se tâche de sombre, les ténèbres se referment autour de lui, quand il croyait enfin à la lumière, quand elle semblant apparaître face à lui ; ce n'était qu'une mascarade, une illusion qu'il a créé pour se rassurer. L'univers est infiniment grand, effrayant, silencieux. Il se sent perdu entre toutes les galaxies, des réalités alternatives, des vies qu'il aurait pu vivre autrefois. Une dans laquelle il aurait aimé Kira jusqu'à son dernier souffle. Une autre où Daran aurait été son grand amour, hier, aujourd'hui et demain.

Mais que reste t-il à présent ? Des morceaux de carcasses, des os abandonnés dans les limbes, des sentiments qui arrachent l'organe vital. Et dans ses songes, la magie ne le laisse jamais respirer. Endormi aux côtés de lui qu'il a su retrouver, qu'il ne pensait pas exister ailleurs que dans ses rêves. Zhilan est là. Dans son esprit, dans son sommeil. Ils ne sont que des enfants à cet instant, et ils ne font que courir à travers les chemins, à la poursuite du couché de soleil. Ils sont minuscules, et Zhilan lui tient la main, pour que Zhen ne se perde pas. Come on! Hurry up! Résonnent dans les cieux, sous la douceur d'un été qui semble maintenant bien trop loin. Zhen dérape, le genou qui s'écorche sur le soleil, contre la poussière qui vient se mêler à son sang et ses pleurs. Ils ne verront pas le couché de soleil aujourd'hui. A vrai dire, ils n'ont jamais pu le voir. Avenir massacré, destins séparés.
Tout devient noir.

Les doigts s'accrochent vivement au drap, alors que le corps se recroqueville un peu plus, avant que ses yeux ne s'ouvrent enfin dans un sursaut, la respiration rapide qui vient brûler sa gorge, le regard vitreux et le corps lourd, si lourd, qui se redresse pourtant à la force de ses bras. Il sent le corps de son frère encore à ses côtés, son regard s'échoue sur lui, le sourire qui se forme lentement sur ses lèvres, le coeur qui s'apaise à sa vue, sa présence suffit à lui rendre sa paix d'antan. I made a dream. A really strange one. Son dos vient retrouver la chaleur du lit, la tête qui se tourne vers sa moitié de toujours, celui qui le complète plus que n'importe qui. In fact... I think it was a memory but I'm not that sure... Should i tell you? Sa main s'élève avec douceur, volant jusqu'aux mèches brunes qu'ils partagent. L'affection est encore parfois timide, il a l'impression de l'avoir toujours connu, et parfois, qu'ils est encore trop loin, qu'il ne sait absolument rien de lui. Ce qui est vrai, au fond. Ses doigts remettent ses mèches en arrière pour pouvoir regarder d'un peu plus près son visage, ses détails. Leurs détails. My heart is broken, but I feel good here. It feels like... Home. Ici, à ses côtés. Sa maison n'est pas une bâtisse, un lieu, un pays. Sa maison est son coeur. Son refuge.

Les pleurs des enfants l'ont toujours rendu aigri. De mauvaise humeur. Depuis que lui-même était gamin, pas vraiment pleurnichard, à retenir les larmes et même les rires. Zhilan avait toujours préféré les bambins silencieux, passant son temps avec eux plutôt qu'avec les plus bruyants. Il aimait le silence. Aimait le comprendre plus que les mots étrangers d'une langue qu'il avait, depuis le temps, appris à maîtriser. Mais encore aujourd'hui, Zhilan n'en aimait pas toujours la texture contre la langue. Elle avait le goût de la douleur qu'il avait vécu, loin des seules larmes qu'il avait jamais tolérées : celles de son frère jumeau, celles de Zhen. Des seules plaintes qu'il avait jamais cherché à tarir du bout de ses poignets, de ses poings. Et il a l'impression de s'éveiller en plein cauchemar quand le souffle de sa moitié se coupe, les yeux s'ouvrent quelques secondes après ceux de son frère et aussitôt, il observe sa figure se redresser, la main venant automatiquement chercher sa jumelle.

Mais il a la voix en voluptés, en rassurance. Alors le cœur se calme. Alors les marbrures zébrées de bleu terreur dans sa nuque s'éteignent. Et il a la voix rauque, lorsqu'il lui répond, le pouce traçant les lignes de sa paume. « Tell me. » Les yeux se referment tout doucement, alors qu'il se rapproche du corps chaud et familier de son frère qui retrouve le creux du matelas. Et le bras, doucement, encercle sa taille pour se retrouver plus proche. Pour retrouver les instants volés d'une enfance qu'ils n'avaient au final jamais vécu. Et les paupières papillonnent lorsque les doigts se délient pour retrouver les bords de son visage, replaçant les mèches rebelles de son sommeil. Ca le fait sourire. Un peu fatigué, encore. Heureux, d'avoir son reflet si proche. Si proche qu'il pouvait le serrer contre lui, écouter les battements de son cœur. Qui lui promettent qu'il ne sera plus jamais seul. Il n'a jamais souri avec si peu d'artifices, Zhilan. Toujours prêt à se protéger des autres. Toujours à chercher à mieux camoufler ses sentiments. Mais face à son frère, il laisse les barrière s'écrouler. Parce qu'elles semblent bien inutiles. Et ses mots résonnent en lui. Semblent bien trop vrai, trop accrocheurs. Il redresse le visage contre son poing pour observer le visage si similaire au sien, avec si peu de différences. Qu'il notait pourtant, parfois, pour se persuader qu'il n'était pas qu'un simple mirage qu'il espérait percevoir au travers de vitres trop vivides. « I've never felt that whole. » Qu'il exprime d'une voix un peu plus claire. Presque sans timidité. Mais il n'a pas l'habitude de se mettre ainsi à nu, et l'échine se courbe sous la réalisation. « I sometimes feel like something's missing. Except when I'm with you. »

Say my name
Say it.
Just once.
I'm begging you.

Les syllabes se sont perdues avec le temps. Elles sont tombées lorsqu'il a foulé le sol de l'archipel. Jour maudit. Il regardait le monde de ses yeux d'enfant, à peine ouvrir, le soleil lui faisait trop mal. Il a toujours préféré la nuit, la lune et ses étoiles. Le visage de son frère à ceux des autres. Mais lentement, lentement, il s'est effacé. Comme l'on vient effacer les blessures d'antan sur les poupées, on fait comme si elles n'existaient pas ; et on arrive à y croire.
Les poisons font effet, dans le sang, dans l'esprit, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus jamais être lui-même. Jusqu'à ce que les souvenirs ne soient plus que des cauchemars modifiés. Et on viendra le consoler, on lui dira que c'est rien, après tout. Ce n'est qu'un mauvais rêve, encore et toujours.

La réalité s'écroule.
Tout ce en quoi il croyait.
Ce n'était que des mensonges maquillés.
Issei n'a plus d'ailes, brûlées, arrachées. Il n'a plus aucune liberté. Il n'a plus aucun coeur, il s'en persuade, parce qu'on lui a toujours fait croire. Il n'est qu'un objet de désir que l'on contrôle. La puissance entre ses doigts est unique, il n'y a jamais eu d'amour pour lui dans cette famille. Aucune chaleur. Au fond, il est comme une arme de guerre que l'on garde sous ses doigts, à sa portée. A peine humain, à peine vivant, sera-t-il un jour, quelqu'un d'autre ?
Lui même ?

Zhilan se tient sur un champ de bataille, on y a fait la guerre mais jamais la paix. Le sol est impur, il y a toutes les larmes du monde, il y a tous les sacrifices du passé, tout ce qu'Issei a tué et abandonné pour être parfait à leurs yeux. Il s'est tué avec, y a laissé son âme, ses armes, ses croyances. Pourtant il revient à la réalité, soudainement, le voile sombre de retire, et c'est lui qu'il trouve, Zhilan. C'est lui qu'il voit, sa main qu'il sent contre sa peau. Sa chaleur dans laquelle il vient s'engouffrer, comme un manteau d'hiver contre sa peau. We were running... On a dirt road. It was a summer day. You wanted to see the sunset behind the coline, you were pressing my hand because I wasn’t going fast enough, but I fell... I don’t think we ever got to see that sunset. Et au fond de lui, il espère que Zhilan avoue. Lui avoue que c'était un souvenir, qu'il en a retrouvé un, qu'il n'est pas un corps sans vie, sans sentiment ni émotion. Il voudrait qu'il lui dise qu'il est vivant, qu'il est lui. Zhen, et pas Issei. Il écoute sa voix avec attention, celle qui rassure, celle qui l'apaise alors qu'il observe chaque trait de son visage identique au sien, et c'est aussi perturbant que fascinant. Il est lui, et Issei est Zhilan, sans que ça soit totalement vrai. Yeah... That's... What i feel... Il resserre l'emprise qu'il a contre son frère, fermant les yeux un instant, laissant l'air gonfler ses poumons puis s'en extirper. A ses côtés, il se sent différent, il se sent différent, il se sent tellement mieux. Comme si d'un regard, il suffisait à le sauver. C-can you... Can you say my name? My real name. I want you to call me like that... Il voudrait s'habituer à l'entendre, à le souffler de ses propres lèvres, pour qu'un jour, il redevienne réellement lui. One day, I'll change. I will take back my real identity. I promise you. Il le promet en déposant son front contre le sien, il lui promet sur sa vie, sur leur vie. Un jour, il sera de nouveau libre d'exister. Un jour, Zhen sera vivant.

La scène s'inscrit dans son crâne comme une obligation. Sourire sur le bord des lèvres, Zhilan écoute. Attentivement. Il a, oui, dans un coin de sa tête, une sensation de déjà vu. Il recherche activement à quel moment ils étaient rentrés, ce soir-là, le grand frère portant le plus jeune d'une épaule. Se prétendant fort quand il était trop sensible aux pleurs de Zhen. Il acquiesce, doucement, alors que le visage se perche sur sa paume, alors que le regard se perd sur son jumeau. « You were crying so loud, you alerted that grandma that had a lot of cats in her house. » Qu'il affirme. Parce qu'il a mis le doigt sur la réalité. Il avait trié les grands classeurs de ce qu'il se refusait à oublier. Et sur la plupart d'entre eux, le nom de son frère y était inscrit. « She helped us. And you're right, we never saw that sunset. » Qu'il murmure en glissant quelques doigts dans la touffe de cheveux sombres face à lui. Et ça serre le cœur. Tire la poitrine, de savoir que, ah, enfin, il commence à se souvenir de lui.
Se souvenir d'eux.

Le visage trouve refuge contre l'oreille, le menton s'appuyant sur le haut du crâne d'Issei alors que ses bras enlacent doucement son corps. Bercent son petit frère comme il n'avait jamais pu le faire dans leurs premières années. Séparés. « Qiū Zhen. » Qu'il dit avec douceur. Et c'est qu'il en aurait presque les larmes aux yeux, que la prise se resserre sur le corps contre lui. Il a envie de hurler à l'injustice, envie de s'insurger face à la vie qui l'avait privé de son bonheur aux côtés de sa seule famille. Qui lui avait mangé sa poussière égoïstement pour que jamais il ne sache appartenir à aucun des deux mondes que l'on lui proposait. Trop incapable pour l'un. Trop capable, pour l'autre. Blessé à vie pour les deux. « When we'll finally be able to be a real family. Together. » Et il n'osait ajouter loin de ces monstres qui m'ont privé de toi, le sous-entendait, pourtant. Il laisse la haine s'échapper sous des gravas de poussière, se concentre sur l'instant présent. Sur le regard qui se perd dans le sien. Qui lui est identique. « I've missed you my whole life. Finding you wasn't even an option. I think- » Il a la gorge asséchée. Il déglutit, sans oser baisser le regard pour autant. Cherchant la même complicité qui les avait habités depuis tous petits. « I think I just wanted you to be happy. And if you weren't looking for me, then you probably were. » Et oh, comme il était loin de se douter de la réalité. « I'll make them pay for your misery. »

Sa vie n'a toujours été qu'un mensonge. Des fragments de souvenirs artificiels bloqués dans sa mémoire. Non, certains étaient réels. Certains semblent pas lui appartenir. Il a l'impression de venir d'un autre monde, d'être une autre personne. Alors, qui est-il ? Les réponses ne se trouvent pas dans son esprit, ni même contre sa peau. Oh non, la vérité n'est que dans la bouche de son frère, lui qui garde leurs souvenirs comme boite de pandore. Lui est gardien de sa réelle identité, de celui qu'il est derrière ce masque, derrière cette fausse carapace qu'on lui a vissé de force. Dans ses rêves, Issei est toujours le plus faible, le plus petit. Il avait une longueur de retard sur son jumeau, mais Zhilan semblait toujours là, car c'est sa silhouette jumelle qu'il ne cesse de voir dans le flou de ses cauchemars, parfois de ses songes les plus doux. Zhilan est la clé de son existence, Zhilan est sa vérité, sa réalité, celui qui le ramène à la raison comme à la maison. Lui qui fait renaître ce rire cristalin dans sa gorge à la mention de cet instant qu'il pensait pourtant n'être que mirage. Issei veut y retourner. A ce moment, et il veut voir le soleil se coucher, la nuit envelopper les frères, et les étoiles illuminer le chemin retour, jusqu'à chez eux. We should go. We should go watch that sunset we missed. Together. My hand in yours. I want to recreate this memory, i want to complete it. Ses yeux brillent comme ceux d'un enfant bercé par ses ambitions et ses rêves trop grands pour lui. Ses joues rougissent au contact de son frère, de cette affection qui lui a toujours manqué, et ses lèvres se courbent tel un croissant de lune sur son visage. Ils sont deux âmes jumelles, deux corps identiques, mais Issei. Issei paraît toujours plus jeune, le plus petit, celui qui avait peur, qui a toujours peur. Face à Zhilan, il n'est qu'enfant privé de sa candeur. On leur a tout volé. Mais ensemble, ils viendront reprendre ce qui leur appartient. Qiū Zhen Ca résonne dans son esprit, dans son sang où un éclair se propage en lui, la foudre, l'échine qui frissonne autant que sa peau. Les yeux s'écarquillent alors que sa main s'accroche au haut de son frère. It... It feel good. 'Cause, something in me, knows that this is my real name. It's like... Nostalgia? It's almost like... I could here someone calling for me in my dream and i think... I think it our mom? Des perles salées à ses orbes, elles qui n'osent pas couler, des rivières asséchées contre ses joues. Issei ressent quelque chose, un tourbillon d'émotions, de sentiments qui font ravagent dans son coeur et son estomac. Le manque, la colère, la tristesse. Tout s'empare de lui, comme si c'était une bataille, le combat le plus différent de sa vie. Et Issei, réalité, n'a jamais cessé de se battre contre le monde entier. I've missed you too. I can feel it now... In my chest. I think, somehow, i was waiting for you, for you to return with me. I belong with you. Ses bras qui enlaçaient son corps, se resserrent autour de lui, de sa taille. C'est comme s'ils ne formait qu'un seul et même être. Et peut-être qu'ils ont toujours été destinés à n'être qu'un. Issei peut sentir son coeur battre contre sa chair. Zhilan est vivant, il est réel et non pas un mirage que sa famille adoptive lui a imposé. Il existe, il est sa vraie famille, sa véritable maison. Son éternel refuge. Now, i'll be happy, 'cause you're here. We... We'll make them paid. For everything. And from now, i wont ever leave you agan. Son corps se redresse et il le regard, son regard plongé dans le sien, le sérieux de son visage est visible, la colère dans ses yeux, dans le fond de sa gorge se fait entendre. Il a besoin de vengeance, il a besoin d'éclater ce monde entier, pour enfin respirer. Pour qu'ils soient libres, ensemble. Sa main se pose sur son coeur, et quelque chose d'étrange se passe en lui. Une lumière jailli de sa paume, connectant de nouveau les deux âmes destinées à ne fait qu'une. Issei n'a jamais volé la magie de Zhilan. ils sont nés pour se compléter. Et à ce contact, une promesse se grave en eux. Plus jamais ils seront séparés. Plus jamais leur chemin se brisera. Ses doigts se retirent, s'éloignent de quelques centimètres. I am you. And you are me.

Forever.

Zhilan regarde le miroir comme l'on regarderait un espoir. L'espoir de revoir ce couché de soleil ensemble. Main dans la main. Et cette fois, aucun d'eux ne tombera, s'écorchera le genou ou n'empêchera la journée de se finir sous le sourire de ceux qui seraient heureux. Cette fois, ils ne seront pas entièrement misérables face à leur destin. Cette fois, ils se seront construit le leur. Et ça le fait sourire. Attendri face à la douceur des traits de celui qu'il n'aura jamais appris à connaître. Mais il a envie de croire qu'ils ont tout le temps du monde, à présent, pour le faire. Alors il souffle et se permet de rêver. « Yeah. In that small unknown city in China. We'll watch the sunset together. » Quand il sait qu'il sera toujours les pieds coincés dans la boue de Meiwa. Incapable de quitter l'archipel sous prétexte qu'il risquerait d'en crever. Et s'il a toujours envie de dire qu'il s'en fiche (qu'on le laisse vivre, par pitié), il n'aimerait pas que Zhen soit celui qui assiste à sa chute le premier.

Il laisse les mains retrouver celles de son frère, les serre fort entre ses propres doigts car, maintenant, il en a le droit. La capacité. Alors il s'accroche à sa moitié comme l'on s'accrocherait à une étoile filante : un vœu trop vite effacé que l'on refuse de laisser partir. « Sometimes, I hear her too. » Qu'il confesse avec la culpabilité de ne même plus se souvenir du visage de la femme qui les avait mis au monde. Qui les avait tant aimés qu'elle en avait péri pour leur permettre, eux, de continuer leur vie en espérant qu'ils en ait une meilleure que la leur. Quelle ironie. « I'm here, now. » Qu'il dit avec conviction. Car il ne comptait plus jamais laisser son jumeau derrière lui. Prétendre que c'était peut-être mieux pour eux deux. Il a un sourire chagriné et pourtant si plein de joie, lorsqu'il affirme comme une évidence : « I wasn't planning on ever letting you go. You'll have to deal with me everyday now. » Il ricane un peu et se perd dans les yeux de Zhen avec un large sourire. De ce genre que l'on voit si rarement sur son visage. Heureux. Quand son frère se redresse, qu'il limite dans une surprise non feinte, il ne s'imaginait pas la réaction de leurs corps. Car lorsqu'il le touche, les marbrures de sa nuque s'illuminent comme elles ne l'ont jamais fait. Et ses yeux s'écarquillent, sa main retrouve son cou sans qu'il ne soit véritablement capable de voir, mais la sensation est si forte qu'il sait. Les lumières bleues éclairent le visage de son frère et il comprend. Il inspire et ça semble trop lourd à porter. « I've always wondered how I survived when that vampire bit me... The answer was hidden right here. With you. » Et ça ne semble pas tout à fait logique mais dans ça tête, le sens est si logique qu'il se demande comment il ne l'avait pas vu plus tôt. « Your magic's always protected me. As if we shared it. » Et il acquiesce doucement à l'affirmation de son frère, sourire sur le bord des lèvres. « I never could use magic but as long as you do, it doesn't matter to me. »

Comme une raison de vivre retrouvée, dans les bras de son frère, il ne sent plus le vide en lui, ce trou béant que la vie lui a fait, creusant de ses mains sales le coeur du pauvre gamin abandonné, vendu comme chimère rare à une famille qui ne voit en lui que son don pour la magie, sa puissance, mais jamais la personne qui se cache derrière ce masque. Zhilan est l'un des seuls à le voir, à le détruire lorsqu'il se trouve avec lui. Parce que plus que personne, il connaît Zhen. Il connaît son frère, son jumeau, cette partie de lui qu'on a osé lui volé il y a tant d'années. Issei se demande comment il a pu vivre jusque là sans lui. Comment il a pu survivre avec ce sentiment d'étouffement, de noyade. Comment faire maintenant ? Ne plus jamais se séparer. Il se le promet à lui, à Zhilan aussi, intérieurement. Ils n'auront plus jamais à se tenir loin de l'un et l'autre. Et si la vie décide de les séparer une nouvelle fois, alors il deviendra tempête destruction avec comme seul et unique but : le retrouver. I'm here, now. Sa voix l'apaise, c'est comme une chanson douce, comme la promesse d'une mère. Celle dont il ne se souvient plus, mais à travers lui, à travers ses yeux et ses bras, il a l'impression de retrouver une infime partie de sa chaleur et de l'amour qu'elle portait pour ses deux fils. Deux bijoux, deux prodiges à leur façon.

La réaction de son frère le surprend, autant que la chaleur qui se créée dans son dos, sa peau qui brûle intensément avant de redevenir tiède comme d'habitude. Il ne comprend pas tout, Issei, ou Zhen, il ne sait même plus qui il est. Il ne sait pas ce qu'il s'est passé, mais il est persuadé que Zhilan le sait, car il a toujours été plus doué pour ce genre de choses, pour comprendre ce que son jumeau n'arrivait pas à voir. What? Il fronce les sourcils alors qu'il tente de déchiffrer ses paroles. La réponse à ses questions était là ? Avec Issei ? Est-il la clé d'un mystère dont il n'a pas encore connaissance. Non, non, toutes les théories qui fusent dans son esprit ne font presque pas sens, et pourtant, leur vie a toujours été dénuée de sens. Ses mains s'élèvent alors que son regard se pose sur elles, perdu, l'incompréhension en lui. M...Me? Comment pourrait-il protéger quelqu'un alors qu'il a toujours tout détruit ? N'était-ce qu'une illusion, ou ce qu'on a bien voulu lui faire croire ? Is my magic... Yours and mine? Il s'accroche aux yeux de son frère, ses mains s'accrochent aux siennes à la recherche d'une réponse que l'univers de veut pas leur donner. I protected you... Are you sure? Am i like this? 'Cause i always destroy everything i touch and love and... La panique le prend, ses paroles se mélangent et ne font plus sens entre ses lèvres. Ah, c'est difficile de percer ce mystère pour son esprit qui bloque, bloque, encore et encore. If this is true, i really need to stay with you, forever. I don't want you to be hurt or whatever. Now... Now i need to protect you! I'm the youngest but... Son front se colle au sien avec douceur et tendresse, bien que son esprit soit bruyant de toutes ses questions. I'll stay with you. I promise. We'll fight all this shit... Together, right?

A deux, ils seront toujours plus fort.
A deux, ils ne feront qu'un.

Peut-être que c'était la réponse. Peut-être pas. Parce que Zhilan préférait se faire des illusions dans la tête, parfois. Parce que si c'était pour protéger son frère qu'il était aujourd'hui dépourvu de tout talent magique, alors ça lui allait. Alors son passé semblait moins amer. Moins douloureux, dans un univers qui ne lui avait jamais que correspondu à moitié. Tantôt de trop, tantôt jamais assez. Mais auprès de Zhen, son existence faisait sens. Parce que cette fois, il avait le droit de respirer sans qu'on ne le juge pour son absence de magie ou cette capacité qu'il avait à la percevoir. « And somehow, even if you break everything, you managed to keep me here when I tried to get away. » Comme une évidence. Comme une réponse à sa présence ici, aujourd'hui, contre son frère. A récupérer le temps perdu. A se souvenir de tout ce qui faisait d'eux deux êtres différents et pourtant quasiment uniques.

Ricanement qui perce leur bulle toute calme, il secoue la tête comme il le peut, joue écrasée contre les draps. Il a les yeux brillants. Pétillants, même, de ce quelque chose qu'il ne sait expliquer. De ce bonheur d'exister quand il respirait le même air que son frère. Car ils s'étaient enfin retrouvés. « You can stay if you want to, but I promise I can take care of myself now. I've learned to be strong alone. So now, we'll just be stronger together, won't we ? » Ca a quelque chose de malicieux, quand il le dit sur le ton de la plaisanterie mêlée au sérieux. Car quelque part, Zhilan sait qu'il n'a pas besoin de son jumeau pour se défendre face à la vie. Mais pour vivre plutôt que d'exister, il était une constante qu'il aimerait ne jamais voir disparaître. « We'll fight all this shit together. » Qu'il dit comme une promesse. Et en serrant sa main dans la sienne avec force, il espère qu'il n'aura plus jamais à le lâcher.