Another brick in the wall (anla)

A l’annonce du gagnant c’est un grand et fier sourire qui vient fendre en deux le visage du Gallois. Oh oui qu’il est content d’avoir gagné. Après quelques remerciements et autres formalités, les deux étudiants sont chargés de ranger la pièce pour la remettre dans son état initial. Les minutes passent, durant lesquelles la faim grandit dans l’estomac du plus vieux. Et peut-être aussi dans celui de sa cadette qui propose une pause snack. Andrea lève le pouce à sa demande, trop occupé à bailler, bouche grande ouverte, presque comme un animal un peu trop fatigué. “I’m so fucked up right now…but let's eat yeah ! Got something to ask you by the way ! But I’ll ask in our office.” annonce-t-il calmement alors qu’ils sortent enfin de la salle d’entraînement en prenant soin de bien éteindre la lumière.

Quelques minutes plus tard, les voilà, désormais un peu plus propres,  en train de déambuler dans les couloirs. Un coucou par-ci, un coucou par-là, c’est que les deux préfets finissent par connaître pas mal de monde au fil des années. Après avoir quitté l’aile des sciences et sports, ils se rendent à la cafétéria où, après quelques minutes d’attente ils peuvent enfin commander ce qu’ils souhaitent, à savoir : un bol de ramen vegan et un nekookie pour Anla, un bento et quelques mochi à la myrtille pour lui. Ils emportent au passage deux boissons puis s’en vont après avoir déposé quelques damas sur le comptoir.

Lorsqu’ils arrivent enfin au niveau du bureau des délégués, Andrea laisse Anla rentrer tandis qu’il en profite pour ouvrir la boîte aux lettres à l’entrée. Il en sort alors plusieurs lettres qu’il récupère et qu’il vient trier pendant que Anla sort leurs plats sur le bureau principal. Il laisse alors les lettres des Dojin s’envoler vers une boîte verte, les lettres pour les raiyo dans la boîte au jaune et ainsi de suite, sauf les lettres hiisaka qu’il garde pour lui, et quelques lettres fuugika qu’il tend à sa compère. “I can’t believe Somi has more letters than me ! I mean, I’m nice too ! Why would they ask her things instead of me !” lance-t-il alors qu’il retire le couvercle de son bento, tout en ouvrant une lettre à l’attention de tous les délégués hiisa. Le message, plutôt court, a été écrit par un professeur qui demande la suspension exceptionnelle d’un élève pour propos diffamatoires et attaque à l’encontre d’un de ses camarades. “Got no time for that shit” réagit Andrea en laissant la lettre se refermer d’elle-même pour mieux attaquer son repas. “Okay…I needed to tell you something actually… I mean I’ve been thinking about it for a few weeks now but…I never had time… to…ask” Andrea s’arrête un instant, laissant ses émeraudes observer les améthystes de son amie. Était-il sûr de pouvoir lui faire entièrement confiance ? Était-il certain qu’elle n’allait pas tout répéter au chef de la meute ? C’est qu’il avait énormément de questions, et peu d’oreilles pour l’écouter, et depuis plusieurs jours il s’était mis en tête de devoir parler à Anla. Le match de dustquash, en plus d’être une activité qu’ils aimaient pratiquer ensemble, avait été aussi une manière pour lui de se détendre avant ces quelques révélations qu’il tenait tant à lui faire depuis un moment. Plus que des révélations, il cherchait surtout une épaule sur qui se pencher, une personne qui le comprendrait vraiment, une personne dont il pourrait sans trop de mal accepter un potentiel jugement. “Have you ever attacked someone in your human shape ? I mean…Have you ever felt like…your wolf was just begging you to attack someone ? And by someone, i mean someone, like really someone, like human flesh, not just a fuckin rabbit or something, you know what i mean ?” Et à sa propre question, le loup déglutit un peu avant de reprendre une bouchée de riz. “Because I’ve tried something, I mean… I think I’ve done some things that I’m not proud of but I just don’t know if it’s a normal thing… for us.” Et par nous il entendait, eux, les loups.

t’as les entrailles qui se réveillent vraiment dans les effluves de la cafétéria, si bien que t’as l’impression qu’on entend que les grognements de ton estomac. les choix sont rapides, et tu récupères tes précieux en échange de quelques damas. mais le trajet jusqu’au bureau des délégués te parait être une épreuve de patience – d’entre les arrêts aléatoires pour écouter les requêtes de certains étudiants et les discussions d’andrea qui semble connaître l’université entière. un soupir s’arrache en même temps que la porte est finalement franchie (presque à la hâte) et tu n’attends pas le loup pour étaler vos repas sur le bureau. c’est avec les baguettes en équilibre entre tes doigts que tu récupères le courrier à l’attention des représentants de ta maison – ‘cause she’s cooler than you. même si tu ne le regardes pas, le sourire sur tes lèvres est révélateur. tu regardes brièvement les attentions sur les enveloppes, peu désignent une personne en particulier – mais c’est saem qui revient le plus, évidemment. tu tapotes le courrier sur le bureau pour en faire un tas droit avant de le poser un peu plus loin. les doléances peuvent attendre quelques instants de plus.

maintenant que ton estomac est entièrement accaparé par la nourriture que tu gobes plus que tu ne mâches, tu récupères toute la tranquillité du monde – et surtout, la patience envers andrea. tu te doutes que la conversation qu’il ne tarde pas à amorcer ne sera pas des plus simple. le flair, peut-être, ou ce quelque chose dans les airs qui éveille tes sens. comme des questions en suspens, que tu ressens imperceptiblement. hm hm, encouragement marmonné alors que t’as les joues pleines de ramen, pour l’inciter à poursuivre. l’atmosphère dans la pièce se pare de quelques grammes supplémentaires de tension, et ce n’est certainement pas la tienne. un regard de biais vers ton compère, dont les airs perturbés influent sur tes pensées. les mots se poursuivent (malgré tes bruits de déglutition) et un instant, tu te demandes où il veut en venir. les envies monstrueuses sont communes les veilles de transformation – il ne vous a jamais vu partager un repas avec ton frère, un soir de pleine lune.

ces inquiétudes sont lourdes, tu pressens leur poids entre vos silhouettes. i already bit saem but not so deep… but usually he keeps my stomach full to fool my, uh, instincts. sourcils froncés dans la réflexion, t’essaies de creuser ta mémoire pour savoir si un exemple correspond à ses questions. tout en mâchouillant discrètement tes ramen, tu te rends compte que t’as toujours commis très peu d’écarts. it's not easy to stay calm with shilo around but we have a balance somehow. tu tapotes tes lèvres de tes baguettes, toujours songeuse. i don't remember attacking him or anyone else with the intensity you're talking about. ce ne sont peut-être pas les réponses qu’il aurait aimé entendre – quelque part persistent les doutes dans ses interrogations. et ses sous-entendus emplis de non-dits. tes sourcils se froncent à nouveau, et tu t’appuies sur tes avant-bras en le dévisageant. i have a feeling it's not as violent as you hoped. les instincts bestiaux qui prennent le dessus, tu connais, mais jusqu’à quel point ? et quel est celui que lui, il a franchi ? what did you do? did you deeply hurt someone? aucun reproche ne transparait dans tes questions, tes inflexions sont impassibles. tu veux d’abord comprendre la teneur de ses propos… et de ses inquiétudes.

“she’s not cooler than me ! I’m the funny one !” se défend l’Anglais qui finit par débarrasser le bureau pour manger tranquillement en compagnie de son amie. Rapidement, les pensées du garçon se concentrent sur un sujet plus délicat, plus sérieux. Le genre de sujet pour lequel il avait mis un certain temps à en réaliser l’importance. Alors il pose une première question à laquelle Anla s’efforce de répondre. Elle donne sa propre expérience, qui, effectivement semble bien plus banale que celle du Gallois. N’était-ce pas une habitude de se mordiller ? “Yeah…I was actually… thinking about something quite…intense… I mean harder but that’s good ! I mean I’m glad if nothing like this happened to you actually. It’s a good thing especially if you're still bonding with Saem or your brother.” Un début de sourire vient orner son visage avant qu’il ne continue son repas et engloutisse plusieurs bouchées de riz. “… I think I did hurt someone actually… I mean… well I don’t know how to put it…” Les yeux baissés vers son repas, il laisse ses doigts venir décapsuler sa canette de coca. “Some months ago…” pour ne pas dire il y a presque un an, à croire que le temps passait à une vitesse folle sur cette île, lorsqu’on était une âme aussi occupée que la sienne.

“During April’s full moon… and not April’s fool moon” petit rire suite au jeu de mot inutile. “a friend I came out to, just wanted to spend some time with me, before the full moon hour. So we spent the afternoon together. Everything was going okay till something broke into pieces in my living room, and she cut her feet with the glass shards and she started bleeding which is like …a regular thing? like you know, just some small cuts, so I took care of her foot, and the more i was looking at the blood, the more i could… you know smell the …flesh, not the blood but the raw flesh. And I don’t know just like that, my mouth grabbed her foot and…I think I would have eaten it if my mogapies hadn’t stopped me. And… what I felt was…it was i don’t know… it’s like… have you ever had a climax in bed ? or while eating or listening to music or when you fly super high ? Like the ultimate satisfaction ? I just felt that, but… not me as Andrea, but more like…the wolf in me, y’know what i mean ?” Et si les propos pourraient être choquants pour la plupart des gens, Andrea semble prononcer ses paroles sans réelle peur d’être jugé. “What I am afraid of is that… I feel like I could do it again or need it again… which is kinda worse”.

Le lycanthrope qui vient enfin d’avouer une partie de ses méfaits s’empresse de venir poser ses lèvres sur la canette pour boire quelques gorgées de soda. Les bulles pétillantes chatouillent un peu sa gorge ce qui le fait grimacer légèrement. Il s’éclaircit ensuite la gorge puis reprend de nouveau la parole. “I thought it would be the first and last time but… something else happened… and I don’t know how to explain it… but when we were in Goldenleaf, a woman just gave me some mixture. But not like the basic weed mixture. Like… she gave me something I didn’t know, something fuckin strong. I ended up in a state…I… I can’t even describe you this state but it was a fuckin bad trip. During this bad trip all my memories from my accident came back, and then I don’t know, I was just feeling the wolf growing in me. And in the same time I started thinking of Somi i think, I don’t know… But she was there… and I felt like I attacked her. When I … Woke up, Akira was there and some months later, Somi told me she had been attacked this very same day, she still had wounds on her wrists, and I think it was me, but Somi was in Areadale, not in Goldenleaf. I know it sounds fuckin weird but I do think it’s me, and I don’t know…should I tell her what happened ? I don’t want her to think i’m a fuckin weirdo you know ? I mean, I’m just her friend. And she already forgave me for what I’ve done in April… but…I don’t know. I feel maybe I’m not safe enough for her, and for you, and for them.” Finalement les mots semblaient avoir été moins éprouvants à prononcer que prévus. Et tant mieux pour lui. Pourtant il y avait toujours cette inquiétude qui régnait. Il n’était pas certain que Anla puisse vraiment l’aider sur ce coup mais au moins il n’était plus seul à connaître la vérité, et rien que pour cela, il ne regrettait pas d’avoir enfin posé des mots sur un événement qui le rongeait depuis plusieurs mois maintenant. “I’m sorry… I know you can’t help me but… I don’t know… I think I needed to confess it to someone, and this someone is you.”

ses réponses s’accordent avec tes suppositions : tes expériences sont moindres que ce qu’il souhaite entendre. alors tu reprends tranquillement ton repas, en accord avec ses gestes. il y un décalage entre ce que tu perçois derrière ses prunelles sombres et la nonchalance de ses paroles, mais tu ne soulèves rien pour l’instant. t’es presque désabusée devant les bouchées de riz qu’il enchaîne sans prendre le temps de respirer – t’es jamais la dernière pour manger en quatrième vitesse, mais c’est à se demander si l’anglais prend le temps de mâcher. quelques discrets hochements pour l’encourager à poursuivre, pendant que les nouilles glissent entre tes lèvres de manière peu discrète.

mais sa remarque décalée n’est pas des plus attendues et tu ne peux t’empêcher de lui faire les gros yeux, plus intéressée par la suite que par ses jeux de mots. andrea se traîne dans ses explications et ce n’est pas des plus simple pour ta patience. t’aurais presque envie de le secouer pour accélérer sa cadence, qu’il poursuive avec autant d’empressement qu’il n’enfourne son repas. pourtant t’as la gueule impassible en l’observant par-dessus tes baguettes – certaine que tu ne vas pas manquer de regretter ces pensées, alors que les révélations s’en viennent finalement.

car effectivement, son débit de paroles est incommensurable. et tu ne préfères pas l’interrompre dans cette lancée, ponctuant simplement de quelques regards de compréhension. un acquiescement à la mention de la blessure, tout en mâchouillant un morceau de tofu et des pousses de bambou. il est des parties du corps qui saignent très facilement, rien d’étonnant. pour le moment. t’essaies de faire le moins de bruit possible en ouvrant ta limonade, pour ne pas le déranger dans ses explications. mais peut-être que t’aurais dû attendre la fin de son monologue, prendre le temps de digérer un minimum avant de t’empresser d’épancher ta soif. (…) my mouth grabbed her foot and…I think I would have eaten – les bulles avalées avec enthousiasme remontent soudainement dans tes narines. des senteurs acidulées à la framboise et au yuzu accapare ton odorat en même temps que tu te retiens de recracher ta gorgée, t’étouffant à moitié contre ta paume. de discrètes larmes apparaissent au coin de tes yeux, comme une réaction naturelle à la catastrophe que t’encaisses en silence pour ne pas l’interrompre. tu reprends ton souffle avant de reprendre une gorgée pour atténuer la sensation de brûlure dans ton œsophage – have you ever had a climax in bed ? – et de la recracher prestement dans les restes grouillants de ton bol de nouilles. what – mais tes mots se perdent dans une quinte de toux et t’es obligée de reculer ta chaise pour trouver plus d’air.

tu reprends calmement ta respiration ainsi en retrait, une main plaquée entre tes seins comme pour mesurer un temps. whoa. t’en oublie trop souvent l’aisance d’andrea dans ses illustrations, pourtant c’est pas faute de passer des pleines lunes ensemble dans votre plus simple apparat. une moue se glisse sur tes lèvres une fois parvenue à retrouver un état convenable, sorry. tu t’excuses plus pour le tapage que t’as provoqué que pour la nature de ta réaction. il n’y aucun jugement derrière ta surprise, t’as simplement été prise de court par ses propos. et l’anglais ne semble pas t’en tenir rigueur, puisqu’il poursuit ses explications avec autant de clarté qu’il n’est possible de le faire. et cette fois, t’abandonnes tout repas, toute boisson, tout. tu te rapproches simplement à nouveau du bureau, accoudée légèrement de biais. ton attention entière est portée à ses mots, soudainement soucieuse de ce que tu perçois dans ses émotions. tu prends le temps d’assimiler ce qu’il raconte avant de répondre, du mieux que tu le peux dans ces conditions. tu n’as pas pu la blesser. c’est impossible, andrea. t’essaies d’apporter la suffisance nécessaire dans tes paroles pour le convaincre, mais t’en es toi-même persuadée et ça se ressent dans la force tes mots. il n’existe aucun cas de projection où l’esprit inconscient a été capable de se matérialiser assez pour modifier son environnement… ou quelqu’un. tu fais ce que tu sais faire le mieux, apporter des preuves scientifiques. des faits. des évènements réels pour combler les doutes, les incompréhensions. le fait même d’avoir un bad trip sous ta forme humaine mais de trouver somi sous ta forme lupine, non pas au pérou mais carrément à areadale… et de revenir incognito à ta place initiale… enfin, ça me parait complètement impossible. tu reprends rapidement, mesurant tes propos. je sais que rien n’est impossible mais ça relèverait d’une force qui nous dépasse et je ne pense qu’une mage lambda en est capable à travers une… mixture ?

tu passes une main dans ta nuque, comme si le poids des inquiétudes d’andrea venait de prendre place sur tes propres épaules. et ce n’est peut-être pas qu’une impression. t’en mordilles tes lèvres machinalement, plongée dans tes réflexions. tu cherches à mesurer tes propos, car il est évident que même s’il n’en est pas la cause il en est très certainement la corrélation. par contre, tu commences, mais hésites une paire de secondes. un soupir s’égare à la commissure de tes lèvres. je pense que c’est lié, quand même. c’est pas ta faute. tu le répètes, ça te parait important. mais ton bad trip a été relié d’une manière ou d’une autre à ce que vivait somi au même moment. tu passes une main contre tes lèvres, sourcils plissés. je ne sais pas si tu crois à ce genre de connexion mais c’est très présent dans ma culture, tu repenses aux personnes avec qui tu partages des liens qui ne s’expliquent pas. nyl et ena, entre autres. parfois ce que tu vis ou ce que tu rêves peut influencer sur la vie de quelqu’un d’autre. un peu comme les magies de scellement entre deux âmes, tu vois ? il peut exister une connexion spéciales entre plusieurs personnes… une réalisation s’installe tranquillement à mesure que tu parles, mais ne transparait pas à travers la nonchalance de tes paroles. … ou des âmes sœurs.

encore un soupir pour combler l’espace, en se laissant retomber contre le dossier de la chaise. ‘pas simple ton histoire. tu attrapes ton nekookie pour en défaire l’emballage, visiblement encore en réflexion sur l’expérience particulière (et éprouvante) vécue par andrea et somi. tu prends une bouchée de ton dessert, comme pour reprendre des forces. t’es un peu dépassée par les évènements, mais certainement pas découragée. en tout cas, tu avales le morceau de pâtisserie avant de poursuivre. c’est pas demain la veille que tu vas être une menace pour nous. nous, les loups. nous, les autres. de ce nous qui englobe tout le monde, et personne à la fois. t’as vécu un truc assez unique mais ça ne veut pas dire que t’es un danger, hein.