Running up that hill (or how to get lost) - BabyKei

“T'avais dit que ce serait tranquille ! T'avais dit que ce serait une ballade !”

Keita n’aurait pas pu expliquer pourquoi il avait eu cette étrange idée. Il était tout aussi incapable de comprendre pourquoi Babylone avait accepté. Pourtant, ils se retrouvaient là, sac à doc trop lourd sur les épaules, à suivre ce foutu sentier. Un énième soupir passe la barrière de ses lèvres alors qu’il finit par quitter le chemin tracé pour aller s’asseoir sur une souche morte à quelques mètres de là. Il sort sa gourde du sac pour en prendre une gorgée, puis la tend à son ami. L’atmosphère est encore un peu étrange entre eux. Il n’y a plus de haine, plus de rancœur de la part de Keita, simplement encore cette barrière qu’il peine à abattre. L’eau a coulé sous les ponts depuis que le cadet a choisi de pardonner, depuis qu’il a ressenti le besoin de retrouver son ami de toujours. Peut-être est-ce pour ça, au fond, qu’il a proposé une randonnée, pour qu’ils puissent se retrouver dans une bulle, juste tous les deux.


Ils ont d’abord fait un tour de la clairière, bien trop peuplée au goût de Keita. Il a alors entraîné Babylone vers le sentier, s’enfonçant dans la forêt. Il sait qu’ils ne doivent pas le quitter, pourtant il prend le risque pour faire une pause. Il n’a aucune idée de combien de temps ils ont marché, son téléphone l’ayant lâchement abandonné en début de promenade. Foutue batterie. « So… Happy to be here ? » demande-t-il lorsque son souffle retrouve un rythme normal. Entendre sa propre voix lui semble étrange et il prend conscience que le silence s’était installé entre eux depuis de longues minutes, seulement rompus par leurs essoufflements et leurs plaintes répétitives.


@Babylone Bird

“T'avais dit que ce serait tranquille ! T'avais dit que ce serait une ballade !”

Il aurait dû le laisser en vu. C'est ce qu'il se dit, Baby, maintenant qu'il est là à courir après Keita en grommelant dans sa moustache inexistante parce que c'était censé être une balade, pas une putain de randonnée et qu'il était pas préparé à faire autant de sport. Mais quelque part, ça le dérange pas autant qu'il ne le laisse paraître. Ca lui vide le crâne et les idées. Ca lui donne l'illusion d'avoir une vie bien rangée. Il soupire quand son ami lui tend une gourde et l'attrape en le remerciant à voix basse, engloutissant quelques gorgées après avoir réussi à reprendre un souffle adéquat.

Il n'a honnêtement pas fait gaffe à s'ils avaient quitté le sentier ou non, assez peu intéressé par ce fait, finalement. Lui, ce qu'il voulait avant tout, là, c'était s'écrouler par terre et souffler. Il ne perd pas trop de temps avant d'imiter son ami en s'installant à côté de lui sur une souche plus basse que la sienne (comme s'il n'était pas déjà assez petit à côté de lui). L'entendre commencer à lui faire la conversation le surprend un peu et il relève le visage vers lui après avoir check son téléphone. Etrangement, il ne capte rien. Mais soit. Cette forêt est bizarre, de toute façon. Il ne serait pas étonnant qu'on ait coupé les moyens de communication juste pour dissuader les intrus d'y entrer. « I guess? I'm happy to go out. I tend to overthink recently. » S'agissait-il d'overthink, seulement s'il ne s'agit que de réalités? Il souffle un peu, Baby, et referme la gourde en la rangeant dans le sac à ses côtés. « I needed this. We both did, didn't we? » Il a un petit sourire amusé à cette mention, bien conscient qu'ils en étaient toujours à une relation... Pas tendue, mais quelque peu étrange. Il ne savait pas comment revenir à ce qu'ils avaient avant Somi. Peut-être que ce ne serait jamais le cas, qu'il devait simplement s'y faire. « What about you? What gave you the idea? »


@Takano Keita

“T'avais dit que ce serait tranquille ! T'avais dit que ce serait une ballade !”

Sa question reste en suspens quelques secondes, assez longues pour que Keita s’imagine une bonne dizaine de réponses, toutes liées à la colère de Babylone quant à leur excursion. Pourtant, lorsque son ami reprend la parole, il n’y a aucun ton de ce genre. Le cadet acquiesce à ses mots, ceux-ci résonnant dans son esprit. Il est vrai que sortir de son quotidien, être dans la nature, marcher, aide à se changer les idées. Bien que ce soit temporaire, c’est appréciable. Avant de répondre, il offre un sourire « Yeah… I sure did too ». C’est vrai qu’il n’a pas pris le temps de réellement se poser depuis qu’il a décidé de reprendre sa vie en main. Il n’a pas laissé le temps à son cerveau de réfléchir, de penser trop fort, trop loin, trop profond. Il reste occupé, prétend que tout va bien, que ses maux sont passés. Il ment aux autres mais il se ment surtout à lui-même et il n’aime même pas penser à ça. Au fond il en est conscient, mais il préfère ne pas s’attarder sur les peurs et les traumas installés, ce ne serait qu’ouvrir la porte au passé et aux démons qui l’accompagnent. « I thought I could try to help you… as you helped me then » commence-t-il avant de soupirer. Il aimerait retrouver Babylone, retrouver ce qu’ils avaient mais pour cela il doit ouvrir la porte aux souvenirs qu’il voudrait tant enfermer pour toujours. « I blamed you for something that was already lost for me and I shouldn’t have… I was awful and you still did your best to help you. I guess now it’s my turn to try and make you get better. I still have a long way to go, also… even though I try to hide it. I thought maybe the mountain could take our pain, our sadness and maybe we could go home as friends ». La réponse se transforme en monologue imprévu et, gêné de s’en rendre compte, Keita le termine en se relevant et en tentant de regagner le sentier. Seulement, il ne lui faut qu’un pas pour se rendre compte qu’il n’y a plus trace de chemin. Il se retourne alors, cherchant une vision familière entre les arbres. « Dude… Am I getting completely crazy or did we just loose the path?! »

“T'avais dit que ce serait tranquille ! T'avais dit que ce serait une ballade !”

La réponse de Keita le surprend. Menton soudainement redressé, yeux légèrement plus grands ouverts c'est avec une certaine nervosité qu'il ramène ses mains sur ses cuisses. Joue avec ses doigts comme le font les enfants pris en flagrant délit. Mais que pouvait-on lui reprocher, exactement? D'aller mal? Il en avait le droit. Il n'aimait simplement pas le laisser transparaître. Détestait le fait que son ami ait su le voir si aisément quand bien même il cherchait à le camoufler. « Am I that obvious? » Petit rire gêné, il finit par passer une main dans ses cheveux et soupirer. Ah. Comme il aimerait, parfois, mieux se cacher derrière ses sourires qui n'atteignaient plus le coin de ses yeux, pourtant. Mais la suite de la tirade du hiisa-ka le fait plutôt sourire. Soulage la lourdeur de sa poitrine alors qu'il tourne un visage plus relaxé vers lui. Plus heureux. Parce que le retrouver faisait un bien fou, et qu'il n'était pas capable de le cacher. « I think we coul'dve gone home as friends right at the beginning of this trip. I never resentend you for what you felt. Or for how you talked to me. I mean, I was disappointed but you proved to me you wanted to make things great again between the two of us. » C'est en bougeant légèrement ses jambes pour faire disparaître les fourmis qui commençaient déjà à s'y installer qu'il finit par avouer avec un air plus serein : « And I'm glad we can be friends again. I'm glad you want to see me again, even if that's after I broke up with Somi. It already makes me feel better. » Il se lève à la suite de son ami, cherchant à comprendre ce qu'il lui arrivait. Comprenant enfin qu'ils s'étaient peut-être trop écartés de la route principale, les yeux se font tous ronds et les mains cherchent aussitôt l'écorce de l'un des arbres, comme s'il l'aiderait à retrouver la bonne voie. « We did. We really did. » Froncement de sourcils, il tourne sur lui-même et grogne. « It was there just a minute ago! » Mains levées, le bout des ses doigts se teinte de jaune alors qu'il lance un sortilège. Qui n'a aucun effet, et comme si la forêt se moquait de lui, les corbeaux s'exclament. Frisson peu rassuré. « Shit. »


@Takano Keita

“T'avais dit que ce serait tranquille ! T'avais dit que ce serait une ballade !”

Retrouver Babylone est un réel soulagement. Keita n’avait pas conscience du manque que leur amitié rompue avait créée, mais en la renouant, il a l’impression qu’un poids disparaît de sa poitrine. « I had a lot of anger to process… But to be honest, none was ever against you, you were just… the perfect target. I’m sorry for that too. But I’m really happy you can accept a shithead like me again.  » Finit-il dans un rire, avant que la panique ne le gagne lorsqu’il faut rejoindre le chemin. Il connaît les légendes qui entourent l’endroit, enfin… Il sait qu’il en a déjà entendu parler. Il n’y a cependant jamais vraiment cru. Force est de constater qu’il faut parfois écouter les autres au lieu de vouloir se faire sa propre idée. Son visage traduit sa peur alors que le sort de Baby ne mène à rien et que les corbeaux semblent se moquer de leur désespoir. « Great… If we were a wanna be couple, I’d think we’re in a romcom. » soupire une nouvelle fois le cadet en retournant s’asseoir sur la souche. Il observe les environs, comme s’il espérait que le chemin se trace à nouveau devant lui. « Am I dumb or what? » s’exclame soudain Keita, se relevant d’un bon. « Don’t answer that » ajoute-t-il presque immédiatement, pointant Babylone d’un doigt accusateur. « I’ll turn and go above the tree, I may be able to see something » explique-t-il avant de poser son sac au sol puis prendre sa forme volatile. Le corbeau s’envole vers les cimes mais ce qu’il voit ne le rassure pas. Il n’y a que des arbres, à perte de vue. Aucune trace de la clairière qu’ils ont pourtant franchie quelques minutes plus tôt. Il n’ose pas voler plus loin, de peur de perdre son ami. Redescendant vers leur lieu de perdition, il soupire dès qu’il reprend forme humaine. « There’s nothing dude. Trees only. »

“T'avais dit que ce serait tranquille ! T'avais dit que ce serait une ballade !”

Babylone a de nombreux défauts. A de nombreuses qualités, aussi. Et parmi tout ça, il savait que son manque de rancune entrait dans chacune des catégories. Allait-il regretter, un jour, d'avoir offert une seconde chance à Keita? Peut-être. Peut-être pas. Il espérait sincèrement que non, espérait retrouver cette proximité qui les unissait, ce quelque chose qui, autre fois, n'était pas atteint par les histoires de coeur qu'ils se créaient. « Don't take me for granted. » Qu'il dit avec un sourire en coin, un peu moqueur et pourtant les paroles n'étaient pas tout à fait fausses. Il savait qu'il ne manquait qu'un seul faux pas de la part de l'un d'entre eux pour que ces retrouvailles ne s'effritent de plus belle.

Malgré le ridicule de leur situation, même s'ils étaient à moitié perdus, il ne peut empêcher une sorte de rire nerveux et son coping mechanism naturel (l'humour) de revenir à la charge : « We're not supposed to be on a date, babe? » Et ça sonne si ridicule dans une telle situation. Ils auraient pu continuer à s'engueuler comme un faux couple, mais Baby n'en avait pas forcément la volonté, maintenant que la réalisation montait réellement au cerveau. Il n'a même pas envie de répliquer à sa question (sinon pour dire qu'ils sont tous les deux des abrutis, peut-être). C'est un peu ébahi qu'il le regarde disparaître sous sa forme d'oiseau et il grogne dans sa moustache inexistante en tournant en rond, essayant de trouver un chemin sans pour autant réussir à trop s'éloigner, de peur de perdre son ami. Il laisse à peine Keita lui donner la mauvaise nouvelle de leur situation qu'il lève les mains, l'anneau d'or accroché à son doigt semblant briller pendant quelques secondes, alors que la concentration s'inscrit profondément sur ses traits, sourcils froncés, marbrures jaunes vibrant contre le grain de sa peau. Mais le sortilège de dissimulation n'a aucun effet, et il grogne de frustration en levant les bras au ciel d'un air désespéré. « That's it. That's where we die, Keita! Because we're too dumb to follow a path. » Il marmonne comme un enfant. Et si ça sonne pour l'instant plus comme une situation qui semble avoir une issue, il se demande s'il prendra la chose encore plus au sérieux quand, dans six heures, il n'auront toujours pas avancé. « Of course there's only trees. That's what happen to everyone losing the path in the mountain. »


@Takano Keita