L'ombre du diable ✧ Caesar

Enfant de l'éclat, celui du soleil comme de la lune. Deux faces, l'une bien plus solaire que sa jumelle, plus sombre, celles au mensonge contre ses lèvres, aux mots acerbes. Achilles n'a rien de bon en lui, son sang est noir, tâché d'horreur comme son nom de famille, qu'il porte fièrement, la couronne d'un prince sur les mèches qui deviennent blondes quand l'astre divin illumine les cieux. Serpent au venin bien caché, il aime s'habiller des plus belles illusions pour tromper le monde, des proies par centaine dans ses filets, et le coeur qui n'appartient pourtant qu'à une seule âme dans le secret. Depuis son enfance, Achilles est un gamin qu'on ne peut pas canaliser. Il vit plus vite que tout le monde, le temps n'est pas assez rapide pour le rattraper. Il aime se croire supérieur, car il l'est. Il n'est pas n'importe qui et il aime le faire comprendre. C'est un Deus-Felis, et personne ne veut se mettre en travers de son chemin. Surtout pas les rats qui se trainent à ses pieds pour un morceau d'attention.

Habitué aux résultats qui font la gloire de cette famille, Achilles n'est pas aussi bon qu'Atlas, pourtant ses notes ont toujours été bonnes, des félicitations à chaque semestre, l'approbation de ses professeurs et surtout : son père ne pouvait rien lui reprocher en dehors de son attitude toujours rebelle, à échapper aux règles que ce dernier à instauré au sein de leur fratrie qui n'a, aujourd'hui, plus aucun sens. Mais récemment, les attentions étaient portées ailleurs, et Achilles, oh Achilles, il sait très bien ce qu'il se passe quand il pense à autre chose, gamin dans l'incapacité de se concentrer sur plusieurs choses, les notes ont chuté soudainement depuis quelques mois, et son année fut validée de justesse. Mais il ne s'en soucie plus, car ses priorités sont toujours ailleurs. S'amuser, manipuler, vagabonder ici et là, créer le chaos partout où il passe. Mais le karma le rattrape toujours, et celui-ci n'a de visage, que celui de son père.

Il ne prend pas la peine de toquer à l'immense porte du manoir, rentrant comme à son habitude - pourtant il déteste cette endroit et préfère l'éviter comme la peste. - Sa veste est jetée sur un portant qui vacille à la lourdeur du vêtement et son sac abandonné sur le sol, il sait que quelqu'un viendra s'occuper de ses affaires, petit roi habitué à ce qu'on le serve encore et toujours. Il n'y a pourtant pas un bruit dans la demeure, elle se fait vide et presque effrayante. Mom? Fils adoré, préféré, il ne sait pas encore lequel de ses parents l'a convoqué ici. Il espère toujours voir sa mère surgir et le prendre dans ses bras, le couvrir de baisers sur ses joues encore enfantines. Mais il n'y a rien. Rien sauf le froid, le vide. Le corps s'avance, jusqu'à se retrouver dans la grande salle à manger. Le couvert est dressé sur la table, pourtant personne n'est encore là. Mais dans son dos, une présence commence à se faire menaçante, comme si son ombre elle-même n'était pas la sienne.

le monstre avait regagné son château. il y avait retrouvé le faste des murs froids et le silence assourdissant qui y régnait. la demeure était grande, bien trop grande pour une famille de cinq personnes, immense pour une seule personne. c’est qu’il ne se croisait que rarement dedans, les deus-felis. les trois aînés accaparés par le travail, les deux cadets restant dans leur dortoir, ne venant que rarement. le nombre de fois où les cinq étaient présents en une année pouvait se compter sur les doigts d’une main. tragique ? non. pas le moindre manque n’était ressenti ; il ne savait pas pour les autres, mais le sentiment n’était pas partagé, comme il n’était pas exprimé. pas de nouvelle, bonne nouvelle. mais cette fois-ci, il reçut une nouvelle qui ne lui plaisait pas.

tout était régulier chez eux, de leur routine quotidienne à leurs résultats produits. et il y avait achilles, imprévisible mais aux excellents résultats, constant, assez pour qu’il n’ait rien à redire à part hausser un sourcil quand le garçon n’était que chaos. ce garçon qui ne lui ressemblait absolument pas, et qu’il n’avait jamais vraiment cherché à comprendre. il avait lu le relevé, et avait décidé le jour suivant qu’il serait deux à la maison. les dernières heures passées devant son bureau, et la stricte indication aux domestiques de lui indiquer quand achilles serait à la maison, pour qu’ils puissent diner ensemble. une bonne occasion - probablement - de prendre des nouvelles de son fils qui se fait aussi volatile qu’il ne l’était lui-même. ou était-ce volontaire ? les heures passent sans qu’il ne les sente filer jusqu’à l’heure ; achilles était à la maison.

il laisse ses pas le guider jusqu’en bas, avant d’entendre sa voix. celle d’un garçon qui pense attendre sa mère. nora ne viendrait pas avant un bon moment, mais il n’avait pas besoin de le savoir. le patriarche s’avance vers lui qui est de dos, avant de poser une main sur son épaule. « hi son. dinner's ready, come and sit down. » sans jamais croisé son regard alors qu’il vient s’installer au bout de la table, à son siège. ça ne lui ressemblait pas de l’appeler par autre chose qu’achilles, l’effet du manoir familial qui lui délie la langue. l’aîné croise enfin le regard de son fils cadet quand il s’installa à côté de lui et l’examine du regard, sans un mot, haussement de sourcil, la moindre fable d’un sourire, rien, avant d’inviter leurs domestiques à les servir. « you’re mother isn’t here. » précisant sobrement l’homme avant que les assiettes et verres se remplissent, les employés de maison quittant la pièce les laissant seuls, et caesar, dans un mouvement final, ne ferme d’un doigt toutes les portes de la pièce. « bon appétit, achilles. »

Aux yeux d'Achilles, la faucheuse n'a qu'un visage, celui de son père. Froid et sans émotion, vide de l'intérieur, pourtant jamais assez transparent, il peine à lire à travers lui. Peut-être car il n'en a pas le droit. Homme puissant, les liens qui les unissent ne sont que factuels. Père et fils, jamais plus, jamais moins. Achilles a toujours aimé le provoquer, jouer de ses règles qu'il lui imposait pour toujours mieux les briser, les envoyer valser, lui comme ses principes qu'il ne veut pas comprendre. Il est l'opposé de cet homme qui se couvre de l'ombre pour régler, Achilles lui a été bercé par la lumière des dieux, l'or comme couronne pour embellir les mèches légèrement ondulées qui décorent son être, subliment son visage. Serpent au venin mauvais, il se sait impuissant face à celui qu'il appelle père. Et à chaque fois qu'il franchi les portes du manoir, il sent son froid l'envahir, dans son ombre, dans ses pas, même quand le reste de sa fratrie s'y trouve ou que sa mère le protège de son instinct maternel. Mais aujourd'hui, sa chance s'est énvolée loin de son être. Seul, ou du moins il pense l'être, au milieu de la demeure qui ne respire que l'hiver, il en inspecte chaque recoin, dans l'espoir d'y apercevoir une âme. Une servante, ça serait pas mal, dans le pire des cas, un de ses frères. Il ferait avec, malgré la pauvre affection qu'il porte à ces derniers. Et alors qu'il ne s'y attendait pas, la main forte de son père se retrouve sur son épaule, baissant les yeux jusqu'à cette dernière alors que sa voix provoque des frissons sur la peau du gamin. Il ne bouge pas, sent que dans ses mots, il y a quelque chose de différent. Caesar ne demande jamais à passer du temps avec lui, ou bien très rarement. Ca s'annonce mauvais, il le sait. Le sent jusque dans le fond de ses entrailles. Sans un mot, il s'exécute et vient le rejoindre à table, faisant tout son possible pour ne pas croiser son regard. Jamais installé correctement, même dans l'angoisse, il pousse la patience de son père à bout lorsqu'il bloque une de ses jambes sous sa cuisse, les coudes posées sur la table en chêne, l'une de ses mains portant sa tête. Il ose soupirer, quand son père précise que sa mère n'est pas là, et que bien évidemment, elle n'assistera pas à ce diner, puisqu'il n'y a que deux couverts. No joke. Qu'il vient répondre alors qu'il regarde d'un air ennuyé les domestiques qui s'activent à leur tâche. La nourriture ne lui donne pas envie, l'eau encore moins, il préfèrerait de l'alcool pour passer son dégout d'être ici aux côtés de son père. Yeah, bon appétit father. Il insiste sur ses mots alors qu'il ne l'imite qu'ironiquement, venant toucher la nourriture du bout de sa fourchette. I don't like it. I'm not hungry. Il laisse le couvert retomber contre le bois alors qu'il repousse l'assiette, s'affalant au fond de sa chaise en croisant les bras. Why am i here? You still don't care 'bout me so... You wont be a good father today, if thats what you expected. Il rit alors qu'il vient noyer son anxiété dans son verre, faisant pour cacher qu'en réalité, il est effrayé de ce qu'il pourrait lui arriver. Mais Achilles est ce qu'il a toujours été, un gamin trop insolent. Lemme go. Qu'il ose demander alors qu'il se lève brusquement pour quitter la table, bien que toutes les portes soient actuellement scellées.