the lonely stoner has a boner (ANGUS, LIBRE)

Parmi toutes les traditions qu’il prétend suivre scrupuleusement, il y a celle des bains. Comme tant d’autres dans Meiwa, Taizo fréquente les onsens pour jouir de leurs bienfaits - plus appréciables que ne l’est l’océan en hiver, c’est une autre manière d’entretenir son lien avec l’eau. Celle réchauffée par les volcans, dotée de multiples vertus.

Le regard fatigué d’une journée où il a trimé, cerné par le poids de ses expériences qui l’ont maintenu éveillé vingt-quatre heures d’affilée. Le pas flemmard dans les couloirs frotte d’un bruit agaçant, tandis que le type traîne sa carcasse dans l’établissement. Y’a bien peu de monde pour un samedi. C’est peut-être parce qu’il est 23h30, en fait.

Les bains restent ouverts jusqu’à une heure du matin. Ca fait pas long pour se détendre, mais c’est le seul créneau qu’il a trouvé - ou bien il n’a pas réfléchi et s’est pointé au beau milieu de la soirée. Douches désertes, il se lave mécaniquement avant de rejoindre les sources. Seul trimard en vadrouille dans les lieux, Taizo se prend un peu pour le roi des frottes-culs quand il passe la porte des bassins pour hommes.

Enfin, qu’il croit. Complètement éclaté comme il est, ce crapaud s’invite dans la salle réservée aux femmes. Mais en l’absence d’une seule dame, difficile de dire qu’il s’est gouré. Le glandu se défait de sa serviette et entre dans l’eau - trébuche sur son propre orteil et se rétame dans la flotte. aye- pour se relever aussitôt, au cas où quelqu’un l’aurait vu.

Personne. Tout va bien. Alors Taizo s’installe à poil dans cette eau fumante, s’étend pour profiter de l’enveloppe familière en poussant un soupir un peu trop à l’aise. Les sources sont réputées pour restaurer la magie et éclaircir les esprits embrumés. Adossé à un rocher tiédit par l’eau, il se laisse tremper comme un chiffon, repensant aux consignes de l’hôtesse d’accueil - “jusqu’à 1 heure pas plus, après la place est aux yokaïs”.

Ouvrant une paupière pour surveiller les alentours, Taizo vérifie qu’une bestiole du folklore se pointe pas en avance. Et pour assurer ses arrières et dissuader l’adversaire, il se fend même d’une série de pets disgracieux qui font buller la surface et marrer ce gros gamin. Qu’ils osent se ramener, maintenant. J'suis un génie ptain.

L’air s’évade d’entre ses deux tranches de jambon dans une symphonie de clapotis, tandis qu’il range son derrière de crapaud dans les eaux. Petites bulles emportent avec elles la grâce aérienne, de ce bruit familier qui ne trompe personne. Fier de sa démonstration de force, Kobori barbote relax dans sa marmite.

C’est au milieu de cette quiétude fraîchement installée qu’un grondement monte – un affront bien plus grand, bien plus gras dans la rondeur de son éclat. WOW ?! Surpris par le retentissement, Taizo se redresse branle-bas de combat, alerté comme un canard surpris par un coup de feu. Il cherche autour de lui l’ogre responsable de cette attaque et se redresse avec agitation, prêt à décamper alors qu’il s’attend à croiser un yokaï plus costaud que prévu.

Mais rien, personne. à la vôtre, m’dame! Une voix s’élève de l’autre côté du mur de planches, direction dans laquelle sa tête pivote immédiatement. Planté au milieu des bains, nu comme une grenouille, Taizo fixe avec suspicion la palissade. ...madame ?? De toute évidence un type qui lui parle, le timbre marqué. nan y’a erreur– Ouais, carrément. Inutile de se justifier davantage, quand son regard tombe sur la pancarte désignant les bains. Froncement de nez pour compenser ses lunettes qu’il n’a pas et mieux y lire “女性”. ... qui a inversé les panneaux ??? Mh. On aurait tendance à lui dire que c’est un acte manqué.

Ce serait stupide de rester dans les mauvais bains plus longtemps, alors qu’en plus il a quelqu’un à qui taper la discut’ de l’autre côté. ok monsieur trou-d’balle-d’acier. fais de la place, j’arrive ! N’importe qui passerait par la porte pour rejoindre le bon couloir. Mais Taizo a visiblement ses habitudes, quand, serviette sur l’épaule, il grimpe sur un rocher qui lui donne assez de hauteur pour se hisser de l’autre côté. Pour c’qu’y’était des cours de sport c’était une grosse tâche, mais escalader les barrières pour se tirer, ça il sait faire.

olé ! Atterrissage relatif – et il a faillit y laisser un portefeuille de tanuki (oui oui)(réfléchissez) – mais le voilà du bon côté du mur en toute légalité. Courbette bien basse de fin de spectacle, ou bien de politesse. bien l’bonsoir. Et Taizo relève la tête pour découvrir son camarade de bain. Marrant ça, c’est un gaijin. Toujours un peu méfiant avec n’importe qui en dehors du clan des ryu, il garde une curiosité toute particulière à l’égard de ceux qui viennent d’ailleurs que le Japon. C’est son don qui lui confirme. taizo, enchanté. belle performance, j’veux pas savoir ce que t’as mangé, il fait en s’installant dans l’eau. c’est pas souvent que je croise des gens à cette heure-ci. dure journée ? t’es timide ? [gasp] t’espérais tchatcher avec la péteuse du bain d’à côté ? En tout cas, s’il voulait être un peu tranquille, c’est raté.

C’est sous les applaudissements de son seul public qu’il ajuste tranquillement la serviette autour de sa taille. Après le salut final, Taizo l'enchaîne directement sur les présentations. L’homme a le teint hâlé, gracieusement parcouru par les années qui se glissent dans les recoins de son sourire. angus cul d’acier, il annonce fièrement, ponctué d’un léger accent que le dispositif de traduction ne couvre pas complètement. En à peine quelques mots, les deux imbéciles s’apprivoisent, au travers de regards luisants d’humour qui se répondent instantanément. mon idol…, murmure Taizo avec une pointe d’émotion pour la théâtralité, comme s’il venait d’entendre le nom de son celebrity crush.

Les boucles de leurs cheveux sont éclaboussées par l’indélicatesse du nouvel arrivant quand il se laisse tomber grossièrement dans l’eau chaude. Y’a quelque chose de tendre et réconfortant dans les yeux bruns du type qui retiennent l’attention de Taizo. pas timide mais toujours intimidé face à un spectacle comme le tiens - acrobate? gymnaste? je suis époustouflé. Forcément il fait le fier, pas modeste pour un sou dès qu’il peut faire rutiler son ego même sous la vanne. aaah gus, tu me flattes, ce n’est que le talent…, il fait en feintant d’épousseter des gouttelettes de ses épaules. Deuxième surnom qui s’ensuit sans s’étaler immédiatement sur ses véritables occupations – autant prolonger la comédie, Taizo adore jouer des rôles. ça va, tu t'es pas accroché les oignons sur la palissade, tout va bien là-d'ssous? L’attention portée à ses balloches lui va droit au cœur, tandis qu’il baisse le nez pour essayer de voir à travers l’eau si le matos n’a pas souffert. oorrrrh ça devrait aller, c’est du solide–, et sans prévenir, il se relève pour un meilleur diagnostic. A poil, comme le veut la règle des onsen. ah ! Taizo prend un air docte en posant ses mains sur ses hanches quand il constate que le soldat est debout, au garde à vous. ah, salut. te méprend pas gus, il croise le regard de son camarade de bain, une petite moue désolé de briser ses espoirs, tu m’as l’air très charmant hein, mais– (il pointe de l’index sa courgette) j’fais juste une réaction aux minéraux contenus dans l’eau volcanique. Lâche-t-il d’un ton parfaitement naturel pendant qu’il replonge ses miches dans le bain en haussant les épaules. Top chrono, 5’ minutes avant de sortir son premier mytho. Il fait surtout une giga réaction aux produits qu’il a testé sur lui y’a une heure.

Comme pour faire la démonstration de sa théorie, il se penche dans le bassin pour en prendre une lampée et la goutter de la même manière qu’un œnologue dégusterait du vin. Sauf qu’en l’état, il fait plus penser à un clébard qui boit là où tout le monde trempe son fiak. j'avais pas prévu d'te tchatcher mais ma mamie disait toujours qu'y a qu'les cons qui changent pas d'avis alors va savoir. A ces mots, Taizo remue des sourcils pour se la donner séducteur, la moitié du visage toujours dissimulée dans l’eau, ça rajoute du mystère – fait mêmes quelques bulles, il a lu que c’était un élément clé de la parade nuptiale chez le crocodile. j'veux bien savoir c'que t'es allé foutre chez les dames, par contre. Les bulles s'arrêtent net en même temps que Taizo hausse les sourcils avec son air le plus innocent et surjoué. t'espérais pas emmerder les minettes j'espère? Aussitôt il se redresse et lève les mains en signe en reddition. c’est pas mon genre, boss. défaut d’équipement, j’ai pris un mauvais virage, il fait en mimant le cercle de ses binocles absentes autour de ses yeux pour justifier l’erreur. M’enfin ça l’aurait pas gêné qu’une sirène se soit ramené et le reconduise. 'tention gamin, j'ai pas peur d'la castagne, y a pas qu'mon sphincter qu'est à toute épreuve, j'te préviens!, prévient l’Anus d’Acier en bombant le torse. Prenant un air très impressionné, Taizo fait une moue d’admiration devant l’étale de sa carrure. j’ai aucun doute là-dessus, t’es gaulé comme un viking – avec la barbe et tout – mais moi j’suis pas trop bagarre, on m’a taillé pour détaler face au danger. Et on lui a filé un gros cerveau pour compenser son corps de fragile.

Tout malentendu écarté, une poignée de mains pour signer le traité de paix – de pets… Et voilà que le fils Kobori reprend ses aises. En revenir au sujet principal qui a été légèrement évincé. Mais quand sa curiosité est piquée, difficile de lui échapper. Passionné des autres, amoureux des rencontres, insatiable aventurier sociologique – il a besoin de cerner son interlocuteur, surtout quand le feeling passe aussi bien. bon alors, on tchatche ? Mi-blagueur, mi-charmeur, il lui envoie une petite éclaboussure pour ponctuer la question. qu’est-ce qui t'amène si tard ? Le ton devient étrangement sérieux tandis qu’il plisse des yeux – mais pas pour mieux voir. ... tu bosses dans la restauration ? Facile. L’instinct sogaka empeste, c'est clair, mais la déduction aide aussi vu l’heure. sympa, où ça ? Le regard pétille au gré des réponses, jusqu’à l’étincelle qui fait déborder la cervelle. qu’est-ce qui se passe entre nous gus… je sens comme un courant qui me chatouille en d’dans… (chelou le type, l’air convaincu par ses conneries) on t’aurait pas mis chez les raiyo aussi, des fois ? Ca c’est plutôt une affaire de courant magique, d’ordinaire. Mais cette fois encore, c’est son don qui l’aiguille. Parce que de la Poussière, il n’en sent pas un pèt’ provenir du pélo. Et ça, ça le fait tiquer.